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Les entreprises appliquant IFRS 16 mieux valorisées que les autres ?

La valeur d'une entreprise dépend de sa capacité à générer de la trésorerie. Les normes comptables si inventives qu'elles puissent être ne peuvent créer du cash. Cependant, une certaine confusion perdure sur l'impact d'IFRS 16, norme qui fait perdre leurs repères aux analystes financiers.

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Les entreprises appliquant IFRS 16 mieux valorisées que les autres ?
© Timur Arbaev

L'exercice 2019 a été marqué par l'entrée en vigueur de la norme IFRS 16 qui se substitue à IAS 17. Jusqu'en 2019, le retraitement des locations financières était généralement effectué dans les comptes consolidés (méthode préférentielle dans les comptes consolidés en normes françaises et méthode obligatoire dans les comptes consolidés en IFRS).

Si tel n'était pas le cas, l'impact des crédits-bail était estimé pendant la phase de due diligence d'acquisition, améliorant l'EBITDA des redevances de crédit-bail, une dette financière à hauteur du capital restant dû étant constatée.

Pourquoi IFRS 16 est-elle une norme qui perturbe davantage les évaluateurs que les autres normes ?

Désormais, en application d'IFRS 16, les loyers des locations simples (et non plus seulement financières) ne viennent plus minorer l'EBITDA et une dette est constatée au titre des loyers futurs à payer. Cette dette est égale en début de la location à une immobilisation constatée au titre du droit d'utilisation de l'actif loué. Les postes du bilan ainsi comptabilisés en début de location pour un actif et un passif de même montant évoluent dans le temps, pour la dette au rythme des loyers payés alors que l'immobilisation est amortie sur la durée du contrat de location.

Quels sont les impacts sur les comptes en IFRS ?

Prenons un exemple.Une entreprise met en place une location simple sur une durée de 5 ans au 1er janvier 2019. Les loyers annuels payés à terme échu sont de 200k€. L'entreprise après analyse applique un taux d'actualisation de 3%. Le droit d'utilisation est amorti sur 5 ans.

La dette résiduelle à la fin de chaque exercice sera donc ainsi déterminée :

Examinons comment sont impactés les agrégats 2019 au compte de résultat, au niveau de la dette et dans le tableau des flux de trésorerie par le passage à IFRS 16.

Si l'on persiste à appliquer les approches de valorisation souvent retenues de multiples d'EBITDA - moins la dette (en incluant la dette locative dans la dette),on aboutira mécaniquement pour un multiple de 10 par exemple à une valorisation évoluant comme suit alors qu'évidemment aucune modification de la trésorerie n'est née ni ne naîtra de la norme. La valeur de l'entreprise serait améliorée de l'écart d'EBITDA fois le multiple et diminuée de la dette.

L'impact dépend donc à la fois du multiple retenu et de la dette de loyers actualisée restant. Dans les comptes successifs de l'entreprise, l'EBITDA continuera d'être amélioré alors que la dette locative s'éteindra progressivement sur la durée du contrat de location. Le calcul effectué ci-dessous n'a donc pas grande signification, si ce n'est de démontrer l'incohérence qui consisterait à appliquer un multiple identique aux agrégats déformés par IFRS 16.


Comment évaluer par les multiples malgré ou avec IFRS 16 ?

Dès lors deux approches apparaissent possibles :

· Retraiter l'EBITDA de l'impact d'IFRS 16 et revenir à IAS 17

Dans tous les cas de figure, les comptes sociaux de base n'étant pas établis en normes IFRS, il reste techniquement possible d'isoler l'impact du passage à la norme IFRS 16. Mais ceci suppose que les multiples applicables soient encore suivis par les analystes ou d'être capables de faire évoluer les multiples historiques des tendances du marché.

· Retenir un multiple différent adapté

...et tenir compte de la dette née des obligation locatives. Cette recherche de multiples peut s'avérer délicate à court terme car la déformation de l'EBITDA est très variable selon les secteurs et un certain recul sera nécessaire aux analystes pour fournir des indications pertinentes.

Il n'en reste pas moins que les acheteurs doivent appréhender un EBITDA en IFRS avec prudence. Comme avant IFRS 16, c'est la capacité de l'EBITDA à se transformer en trésorerie qui importe et le tableau de flux devra être examiné avec encore plus d'attention.

Pour en savoir plus

Danièle Batude, expert-comptable, commissaire aux comptes, est associée du Cabinet BM&A et intervient sur des missions de due diligence et de litiges financiers . Elle est également expert judiciaire prés la Cour d'Appel de Versailles.


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