Finance durable : work in progress
La finance durable a le vent en poupe mais il reste encore beaucoup de points à consolider pour en faire un véritable levier au service de la RSE. Le sujet a été débattu à l'occasion d'un webinaire organisé par Utopies.
Nous n'avons plus le choix : une transition climatique doit avoir lieu pour que la Terre reste vivable. Et cette transition climatique ne peut pas se faire sans financements. La finance durable est donc plus que jamais stratégique.
Les différents acteurs du monde financier en ont pris conscience : depuis quelques années, nous voyons fleurir différentes initiatives, comme les financements "à impact" qui sont plébiscités par les entreprises ; les directeurs financiers sont par ailleurs de plus en plus investis dans les reportings extra-financiers. Bien que soutenues par la réglementation (taxonomie, directive CSRD, règlement Disclosure), ces démarches doivent encore être consolidées pour que les financements soient fléchés vers des projets véritablement durables.
Ces différentes questions ont été débattues à l'occasion d'un webinaire organisé par Utopies en octobre 2021. L'agence spécialisée dans l'accompagnement des entreprises en termes de développement durable vient d'ailleurs de lancer un groupe de travail "finance durable" qui vise à se plonger dans la complexité de ce sujet afin de mieux appréhender ses contraintes mais aussi ses opportunités.
"Millefeuille réglementaire"
Ce webinaire a permis de faire un état des lieux des points positifs et des efforts qu'il reste à fournir. Sophie Flak, managing partner ESG & digital chez Eurazeo, souligne les bienfaits des dernières réglementations qui vont permettre de mettre fin à certaines pratiques de "greenwashing". Karine Viel, directrice du développement durable de Monoprix, constate en effet qu'il lui est aujourd'hui demandé quels sont les investissements financiers nécessaires à la trajectoire carbone de l'enseigne. "Ces derniers vont être publiés. Cela permet d'éviter de faire des annonces sans rien de concret derrière", pense-t-elle.
Mais Sophie Flak regrette que ces nouveaux textes génèrent un "millefeuille réglementaire" qui peut handicaper les petites entreprises. "Les exigences des différents textes ne sont pas tout à fait les mêmes, ni leur calendrier", observe-t-elle. Notons par exemple que le reporting ESG sera obligatoire dès 2026 pour les PME. Sophie Flak craint qu'au final que les textes américains, moins-disants, finissent par s'imposer car plus simple à comprendre et à appliquer.
Vers une normalisation des critères
Sophie Flak note également que les investisseurs tirent de ces différentes réglementations des critères qui leur sont propres. Ce qui oblige parfois les entreprises à fournir plusieurs reportings. "Nous attendons une normalisation car il n'y a pas pour l'instant de formule imposée", indique Sophie Flak. Elle est suivie sur ce point par Guylaine Déniel, responsable Finance durable Marchés des entreprises HSBC France, qui pense qu'une normalisation des metrics permettra de faire de ces reportings des outils de comparabilité.
" Tout le monde doit converger pour davantage de comparabilité et de lisibilité", appuie Sophie Flak. Pour elle les critères de performance extra-financiers doivent être moins exotiques pour devenir incontestables, à l'image de metrics financiers, comme l'EBITDA par exemple. Elle invite aussi à ce que les conséquences du non respect des critères extra-financiers dans les financements "à impact" soient plus importantes, à l'image des covenants financiers. "Pour l'instant, c'est juste un peu moins intéressant en termes de taux", regrette-t-elle.
Bonne opportunité de transformation
Pour accueillir ces évolutions nécessaires, les entreprises vont devoir faire évoluer leur fonctionnement interne. "Les entreprises, et notamment les PME, sont obligées de trouver une coordination entre la direction financière et les directions RSE, RH, achats..., avance Guylaine Deniel. C'est une bonne opportunité de transformation".
Ce qu'approuve Karine Viel : "Avec la mise en place d'un sustainability linked loan, mes échanges avec le directeur financier et les banquiers sont plus intéressants. Nous échangeons sur le fond, les enjeux de la RSE, le choix des critères...". Les différentes directions se comprennent mieux.
Et le sujet du développement durable devient plus important, au coeur de la stratégie de l'entreprise : "La remontée des données extra-financières se déporte de plus en plus vers le département finance ; la lecture de la performance conjugue ainsi désormais le financier et l'extra financier, remarque Sophie Flak. Ce n'est plus un sujet dont on discute uniquement deux fois par an".
Elle relève cependant que les personnes qui se saisissent de ces sujets de RSE et de financement durable ne les maîtrisent pas toujours. "Ce sont des sujets complexes et les offres de formation ne sont souvent pas assez techniques", regrette Sophie Flak. La formation est en effet un préalable si les entreprises souhaitent embrasser ce sujet de la RSE de manière honnête.
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