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DossierRetournement : comment mener la barque !

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1 - La vigie de l'entreprise

La crise est souvent déjà installée quand les dirigeants réalisent qu'ils font face à des difficultés financières. Pourtant, détecter une crise tôt permet de corriger le tir en réorientant sa stratégie ; et l'entreprise est encore en position de force pour négocier avec ses financeurs.

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" Cachez cette crise que je ne saurais voir ! " Voici comment nous pourrions résumer le comportement des dirigeants lorsque leur entreprise fait face à des difficultés. La première réaction est en effet bien souvent le déni : " Ce n'est pas facile d'accepter le fait que l'on est en sous-performance ou même en très grande tension. Cela veut dire que les décisions qui ont été prises n'étaient pas les bonnes, et se remettre en question est difficile ", analyse Stéphane Nenez, associé en charge des Cash Services de Eight Advisory.

Guillaume Cornu, associé EY responsable du marché entrepreneurs, constate que les signes pour permettre d'anticiper une restructuration sont bien souvent là, mais qu'ils ne sont pas assez considérés par les dirigeants. " Quand une entreprise fait appel à notre équipe, cela fait déjà de nombreux mois que ces signes avant-coureurs sont présents ", rapporte-t-il.

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Or, anticiper permet d'éviter la situation de crise ou au moins d'en atténuer la gravité : obtenir de meilleures conditions auprès de ses partenaires, réorienter sa stratégie, etc. " Le retournement est une course contre le temps ", pointe Florent Berckmans, associé retournement chez Eight Advisory. Or, comme chaque crise a inexorablement des répercussions financières, quelles qu'en soient les causes, c'est au Daf d'anticiper les troubles à venir. Il se doit d'être vigilant et d'entendre les signaux faibles. Et c'est aussi à lui de convaincre le reste de l'entreprise qu'il y a bel et bien un problème et qu'il s'agit de se retrousser les manches pour l'affronter.

La trésorerie comme symptôme

Il n'y a pas que le déni qui explique que les difficultés sont déjà bien installées lorsque les dirigeants réalisent qu'ils traversent une crise. Les outils de pilotage financiers sont également bien souvent inadéquats. Comme l'observe Olivier Marion, associé PwC, responsable Deals, et président de l'association pour le retournement des entreprises (ARE), " il ne suffit pas de suivre le compte d'exploitation, il faut aussi surveiller le BFR et la trésorerie, par activité, clients, etc. Or, les entreprises sont souvent mal équipées en la matière." Pour Thierry Grimaux, associé en charge des sujets restructuring chez Valtus, " le seul symptôme d'une crise est le manque de trésorerie : le Daf doit donc mesurer l'évolution de la trésorerie et faire en sorte qu'elle ne se dégrade pas ", conseille-t-il. Il invite à être moins dans l'analyse et plus dans la prospective.

Pour réaliser des prospections, les outils de pilotage et de prévision doivent être suffisamment bien calibrés afin d'anticiper les difficultés. " Il faut savoir exactement où l'entreprise gagne de l'argent, où elle en consomme, quelles sont les perspectives en termes de rentabilité et de génération de trésorerie, etc. ", énumère Olivier Marion. Il donne l'exemple du gain d'un grand client très séduisant sur le papier, mais qui exige différentes contraintes à l'entreprise (livraisons multi-sites par exemple), ce qui génère de la perte d'énergie, de temps et donc d'argent. Et ce grand client peut de plus payer très tard... Autant d'éléments qui impactent négativement la trésorerie de l'entreprise et la mette en difficulté.

Se montrer convaincant

Le Daf doit donc anticiper l'impact sur la trésorerie de toutes les décisions prises au sein d'une entreprise. " Une acquisition, par exemple, génère des besoins en trésorerie, par l'opération d'acquisition en elle-même, mais aussi par les investissements qui seront réalisés au sein de cette nouvelle entité ", indique Frédéric Cossais, directeur général finance chez VFB Lingerie et consultant indépendant chez One Man Support.

Les prévisions du Daf doivent donc être les plus fiables possible à travers des outils adaptés, mais aussi à travers une organisation qui le place en amont des décisions prises au sein de l'entreprise. " Le Daf ne doit pas juste être un réceptacle des impacts financiers. Il doit être impliqué le plus tôt possible, sur les contrats notamment où il peut aider à définir les termes en matière de paiement par exemple. Les bonnes directions financières sont impliquées auprès des opérationnels afin de s'assurer que les décisions prises ne mettent pas en péril la pérennité de l'entreprise ", recommande Olivier Marion (PwC). Il milite également pour l'instauration d'une culture cash au sein de l'entreprise : "Tous les acteurs doivent comprendre l'impact de leurs décisions et de leurs actions sur la trésorerie."

Si le Daf a un rôle majeur dans sa capacité à anticiper les crises, il fait face à un autre enjeu de taille : réussir à convaincre le reste de l'entreprise que l'on va au-devant de difficultés. " Ce n'est pas facile car il doit parfois tirer la sonnette d'alarme quand tout le reste de l'entreprise est tourné vers le développement. C'est un vrai enjeu de se faire entendre ", constate Olivier Marion (PwC). Bien souvent, le Daf n'est écouté que lorsqu'un conseil extérieur vient rejoindre l'entreprise (et qu'il dit ce que le Daf s'efforçait de communiquer depuis des mois). Ou lorsque l'entreprise a déjà connu des difficultés et qu'elle a compris l'importance de l'anticipation. Il serait dommage de devoir en passer par là...

Olivier Marion conseille donc de s'appuyer sur des outils performants qui délivrent une bonne analyse. " Cela permet de démontrer de façon concrète qu'il y a des difficultés, en s'appuyant sur des éléments tangibles. Un message étayé est toujours mieux compris ", note-t-il. D'où l'importance d'outils bien calibrés pour anticiper les problèmes et les rendre visibles aux autres dirigeants. Qui devront à leur tour être dans l'anticipation.

Eve Mennesson

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