Brexit sans accord - quelles incidences pour nos entreprises ?
En cas de Brexit sans accord... Quelles seront les incidences sur nos entreprises? Quels sont les secteurs de l'économie potentiellement les plus touchés par le Brexit en France ? Pourquoi? L'éclairage de Jean-François Faure (AuCoffre.com et VeraCash), spécialiste des questions monétaires.
Le 12 mars, le parlement britannique a rejeté le projet d'accord. Le 14 mars, il a rejeté le no-deal. Et Theresa May a demandé, ce 20 mars, le report du Brexit. Comment envisagez-vous les suites qui seront données à cette demande?
Le vote de jeudi 14 mars a permis de voter un possible report du Brexit. Theresa May vient donc de formuler, ce 20 mars, et logiquement sa demande dans ce sens auprès de l'UE pour un report de quelques mois, jusqu'au 30 juin maxi. Ce délai permettrait ainsi à Theresa May de "forcer la main" des députés britanniques réfractaires au deal qui avait été trouvé avec l'Union européenne. Aujourd'hui Theresa May a face à elle deux forces qui peuvent sembler antagonistes : les "remain" qui étaient de toute manière contre le Brexit et ceux qui souhaitent une Brexit sans accord. La marge de manoeuvre de la Première Ministre est donc très étroite, surtout quand il y a toujours une incertitude sur le fait que l'UE puisse accorder le report. Pour le Président Macron la situation est la situation "simple": "l'accord de retrait n'est pas négociable". Ce qui ne s'oppose donc pas du tout à un report mais pour quoi faire ? Côté UE rien ne sera lâché. Et trois mois pour parvenir à "marier la carpe et le lapin" du côté du parlement britannique cela ressemble à un tour de force vain...
En cas de Brexit sans accord... Quelles seront les incidences sur nos entreprises? Quels sont les secteurs de l'économie potentiellement les plus les plus touchés par le Brexit en France ? Et pourquoi?
Le Brexit, avec ou sans accord n'est pas un tsunami sur l'économie française. Mais, selon les sources d'analyse il ressort que le coût annuel pour la France du Brexit, tel qu'il se dessine, serait tout de même compris entre 3 et 4 milliards d'euros par an. La France est le troisième partenaire européen de la Grande Bretagne après l'Allemagne et les Pays Bas. Le secteur le plus touché sera l'agroalimentaire avec près d'un milliard annuel (pêche, vins et spiritueux, produits laitiers et céréales). Tout cela en grande partie à cause des systèmes de taxe qui seront mis en place et vont pénaliser l'export de nos produits. Dans le cas de la pêche le problème sera l'accès aux zones de pêche qui sera alors interdit. Pour les pêcheurs normands le volume d'activité dans les eaux britanniques est de 70%. Une interdiction serait un arrêt de mort de l'activité des pêcheurs des Haut-De-France.
Autre phénomène majeur et insuffisamment évoqué : les anglais sont les premiers touristes en France. 12 millions annuel. Il va se passer quoi s'il est nécessaire d'obtenir un visa pour venir en France ? Si la livre est dévaluée, abaissant le niveau de vie des anglais et rendant le coût d'un voyage en France moins attractif ? Nous allons avoir une population anglaise qui va explorer d'autres pays, notamment ceux avec des coût de la vie locale plus attractifs : Espagne, Grèce, pays de l'Est, Portugal. Et pour ceux qui ont préservé leur moyens, tant qu'à prendre un visa pour aller en Europe, autant clairement explorer d'autres continents, par exemple l'Asie et les USA. A la marge, des aéroports comme Bergerac risquent voir leur usage fortement baisser en raison d'une possible complexification des voyages entre le continent et les îles Britanniques.
L'UE n'est pas l'alpha et l'oméga pour les Royaume-Uni même s'il s'agit de son premier partenaire économique, car c'est pratique. On ne doit pas oublier que la zone d'influence du Royaume Uni est bien plus vaste et que des accords commerciaux privilégiés existent avec d'autres pays de la planète à commencer par ceux du Commonwealth. Il est probable que de nouvelles habitudes vont se créer permettant de trouver un nouvel équilibre. Si l'UE ne trouve pas rapidement un accord avec les britanniques, il est possible que de nouveau réflexes se créent outre-manche, à l'insu de notre commerce devenu compliqué pour des raisons douanières et fiscales.
Comment les entreprises peuvent-elles gérer aujourd'hui ces risques? Finalement... considérez-vous le Brexit, dans le contexte actuel, comme un risque ou opportunité ?
Si on se fixe sur le type de production qui est le coeur de nos exportations vers l'UK c'est aujourd'hui clairement un risque. Pourquoi ? Nous sommes principalement sur des produits agroalimentaires ou bien des biens de milieu de gamme. Nous ne vendons pas par exemple au Royaume Uni des biens à très forte valeur ajoutée comme pourraient le faire les allemands (par exemple l'automobile). Donc, si on cumule les taxes douanières directes qui vont s'ajouter, ainsi que les taxes liées au fait que les produits ne sont pas aux normes locales (la norme CE ne sera plus reconnue au Royaume-Uni), et enfin si on rajoute la valeur d'une livre sterling en baisse, on va avoir des prix qui vont fortement augmenter (côté britannique). Sur des produits à forte valeur ajoutée cela ne changera rien. Sur du moyen de gamme comme ceux produits par la France ou bien des produits de consommation courante ce sera rédhibitoire. Le fait d'avoir une monnaie forte comme l'euro, plutôt calée sur le dynamisme allemand, est alors une pénalité pour la France quant à sa capacité à rester attractive commercialement vis à vis du Royaume-Uni.
Les seules sociétés françaises qui ont une carte à jouer sont celles implantées directement sur le sol britannique avec des unités de production locale. Il y en environ 3000. Elles vont pouvoir s'affranchir des nouvelles taxes si elles s'approvisionnent avec des matières premières ou des fournitures locales. Le Royaume-Uni n'était économiquement plus une île depuis 1973 lors de son entrée dans la CEE en mars. Les différents votes qui restent d'ici le 29 mars, report ou pas, tout est en oeuvre pour que le Royaume-Uni soit pleinement sur une île "économique" d'ici quelques mois. Il faudra certainement une dizaine d'année pour retrouver un équilibre et une dynamique commerciale positive.
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