Approvisionnements : anticiper et prévenir les risques de rupture de la supply chain
Pour faire face à la hausse du prix des matières premières et composants de base, d'une part, et aux incertitudes croissantes sur les approvisionnements, d'autres parts, quatre pistes d'action se dégagent.
Les directeurs des achats font face à un nouveau challenge : après le ralentissement, voire la mise à l'arrêt de leur activité, après la réorganisation des activités avec le télétravail, c'est maintenant la flambée des prix sur les matières premières et autres terres rares et semi-conducteurs, qui, conjuguées à des tensions sur les approvisionnements, impactent leur activité.
Une nouvelle donne qui pèse sur les coûts et la sécurité de la production
Le MEDEF indiquait récemment sur son site que "les cours internationaux de l'acier, du zinc, de l'aluminium, du plomb, du nickel et du cuivre affichent des hausses comprises entre 10 % et 20 %. Ces tendances se transmettent avec retard aux prix des produits industriels : +11 % pour l'aluminium, +6,5 % pour le triptyque plomb - zinc - étain et +18 % pour le cuivre. Cette explosion des coûts touche aussi le bois de construction, les produits plastiques ou encore le polyuréthane."
En parallèle, les stocks se vident, les délais de réapprovisionnement s'allongent, les livraisons n'arrivent alors qu'elles ont été passées en temps et en heure, freinant la capacité des entreprises à livrer leurs clients. Certaines se trouvent dans une situation délicate sans qu'elles voient comment y remédier car elles n'ont pas la main sur la situation. Certains secteurs sont davantage exposés parce que directement impactés par les achats de matières premières et les perturbations des chaînes logistiques ; mais à terme, tous le seront, chacun étant le fournisseur de l'autre.
Thierry Charles, auteur du livre "Une industrie en cale sèche" analysait les causes de cette situation dans un article paru en avril 2021. Parmi les raisons qu'il détaille : les tensions géopolitiques et les évolutions du multilatéralisme, l'émergence de nouvelles puissances économiques, l'arrêt de la production en particulier dans la zone du Pacifique, suivi d'un redémarrage soutenu des activités par des plans de relance offensifs en Chine et aux États-Unis qui captent l'essentiel des stocks, auxquels s'ajoutent aussi les décalages des maintenances, l'augmentation des coûts de transport et la dépendance croissante à de nouvelles matières premières comme les terres rares et les semi-conducteurs qui sont essentielles à une économie numérique et décarbonée.
4 pistes pour reprendre la main
Le constat dressé étant partagé, quelles solutions a le directeur des achats pour se relever ? Comment peut-il élaborer des plans A, B et C pour anticiper et tenter de parer à ces nouvelles difficultés ?
Les retours terrain des uns et des autres laissent entrevoir 4 pistes et bonnes pratiques :
1. Tout d'abord, il faut identifier clairement quels sont les matériaux ou composants critiques pour lesquels il existe une tension sur le marché. Il ne s'agit pas seulement d'achats direct mais parfois de composants se trouvant eux-mêmes dans la supply chain de ses fournisseurs, mais aussi de services comme les transports maritimes, eux aussi soumis à une forte tension ;
Lire aussi : Les supply chain exposées à de nombreux risques
2. Ensuite, il faut mettre à jour de façon régulière les délais d'approvisionnement prévus et les coûts de ces produits ou services, afin d'avoir une vision claire sur les risques de rupture de la supply chain et d'augmentation des coûts de production. Il suffit parfois d'un seul composant d'une valeur de quelques euros pour qu'une chaîne de production complète se retrouver à l'arrêt !
3. Il faut réfléchir ensuite aux évolutions de sa supply chain en référençant de nouveaux fournisseurs (par exemple dans d'autres zones géographiques), voire dans certains cas quand cela est possible internaliser leur fabrication. Il faut également ne pas hésiter à constituer des stocks de précaution sur certains composants où les risques de pénurie risque de durer et d'empirer en 2022 ;
4. Enfin, un travail de fond doit être mené dès maintenant sur ses modes de production et sur la composition de ses produits pour diminuer la dépendance à certains approvisionnements. Dans certains cas, le choix de recyclage ou de la réutilisation de certaines matières premières peut s'avérer pertinente. C'est par exemple la démarche en cours chez les acteurs de la plasturgie et des polymères regroupés au sein de Polyvia (Union de Transformateurs de Polymères), de la sidérurgie et du secteur des étaux avec l'appui de la FEDEREC, ou encore dans des entreprises d'électronique comme ST Microelectronics et de l'imprimerie comme Oberthur Fiduciaire.
Chaque de ces bonnes pratiques demande une démarche d'anticipation et une prise de risque sur l'avenir. Mais elles sont indispensables pour ne pas être emporté par la vague qui est en train de monter.
Par Alexandre Stern, serial entrepreneur (Cryptolog, reprise de la société Lovendalmasaï, Maison Alexandre Stern), est operating partner chez I&S Adviser
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