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[Edito] Ce qu'il faut retenir de l'affaire Danone

Depuis l'éviction de son PDG Emmanuel Faber le 14 mars dernier, Danone fait couler l'encre. RSE et rentabilité sont-elles compatibles? Un faux débat.

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[Edito] Ce qu'il faut retenir de l'affaire Danone
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La place publique s'affole. Et si finance et écologie n'étaient qu'illusion et utopie ? Non, au contraire. L'affaire Danone est en train de devenir un cas d'école en la matière où les enseignements sont nombreux. Petit rappel des faits. Le 14 mars dernier, le seul patron du CAC40 a avoir proclamé son groupe "entreprise à mission" se fait évincer neuf mois après l'avoir fait. Motif des actionnaires : performances financières insuffisantes. Certains hurlent que les résultats sont pourtant positifs avec une marge opérationnelle courante à 14%, un free cash flow à 2,1 milliards d'euros et un ratio de dette nette/Ebitda stable à 2,8x. D'autres soulignent les performances très en dessous des concurrents Nestlé et Unilever. D'autres encore expliquent ces chiffres par la crise de la Covid-19 qui a fait chuter les ventes, notamment dans les restaurants. "C'est la faute aux engagements RSE de Monsieur Faber" lâchent d'autres.

Licencier 2000 personnes

Peu de personnes osent critiquer publiquement l'ancien président de Danone. Et si le problème était plus complexe qu'il en a l'air ? Et si Emmanuel Faber avait tout simplement failli à sa mission ? Mon confrère Grégoire Favet, journaliste financier qui murmure à l'oreille des financiers chez B SMART, en est convaincu. "Ça fait dix ans que Danone sous-performe sur le plan financier et que le marché s'interroge sur les performances extra-financières du groupe ce qui précisément surprend lorsque le dirigeant aux manettes a de si grandes ambitions RSE. Si, comme l'indique la raison d'être de Danone, le groupe doit "apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre", ses produits censés être de meilleure qualité devraient être plus chers et donc plus rentables que leurs concurrents", lance-t-il. Pour lui, licencier 2000 collaborateurs en période pandémique est incohérent pour une société à mission déclarée la même année et le comex n'a cessé de connaître un turn over, ce qui prouve les problèmes de gouvernance. De plus, "selon le fonds Artisan Partners actionnaire de Danone, Faber n'a pas investi assez dans son portefeuille de produits, affichant notamment 20% de chiffre d'affaires réalisés sur le segment "eau"... vendue en bouteilles plastiques donc. En parallèle, Nestlé vient d'abandonner le marché de l'eau de source en Amérique du Nord. Sans parler du gros retard de Danone sur le lait végétal".

Beaucoup d'effets d'annonces

Pour Léa Dunand-Chatellet, directrice de l'investissement responsable chez DNCA, il y a un trop grand écart entre la communication de Danone sous Faber et les réelles actions. Elle expliquait sur le plateau de Smart Bourse le 4 mars dernier : "Sur le papier et les annonces qui ont été faites depuis de nombreuses années pour Danone, on pourrait penser que tout est parfait, notamment sur le segment de la santé alimentaire et des "alicaments", un des angles d'attaque de l'OMS :"la santé passe par l'alimentation", numéro 3 des ODD donc un positionnement produit excellent. Après il y a la mise en oeuvre et beaucoup d'effets d'annonces (...) et la réalité de terrain : suppression d'emplois, problèmes opérationnels au Maroc et aux Etats-Unis, une gouvernance extrêmement chancelante avec un comex qui tourne à cette vitesse : autre point de vigilance fort. (...) Avoir une entreprise qui a ce discours discordant avec la réalité et en plus à la tête un vrai problème de stabilité, c'est tout simplement ininvestissable".

Les marchés financiers changent

Lundi 22 mars, Euronext a annoncé la sortie du nouvel indice boursier CAC40 ESG, "pour continuer de soutenir les demandes croissantes de solutions d'investissement avec des objectifs ESG". C'est un fait : les fonds ESG et ISR sont les seuls qui collectent aujourd'hui. Les indices boursiers des énergies fossiles n'ont jamais été aussi mauvais contrairement à ceux des énergies renouvelables. Le prix du carbone s'envole, envoyant un message fort et sans appel que le droit de polluer coûte cher. Alors non, le départ d'Emmanuel Faber ne remet absolument pas en cause ni le statut d'entreprise à mission, ni le fait qu'une entreprise responsable est rentable et même en meilleure santé financière et extra-financière que les autres.

Actions puis communication

C'est juste un problème de gouvernance... comme un autre. Ce qui n'enlève rien aux engagements, valeurs et convictions d'Emmanuel Faber. On ne répètera jamais assez à une époque où les entreprises qui s'engagent en RSE ne savent pas comment communiquer : faites et ensuite dites-le. Pas l'inverse.

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