Course à l'innovation : les DAF à la conquête de l'IA
Pour se maintenir à flot, les directions financières doivent se réinventer. Cela passe par une transformation technologique mais également managériale. Une enquête menée par le cabinet de conseil Eight Advisory fait le point sur l'innovation au sein de la fonction finance.
Les daf font face à de nombreux défis. Que ce soit en termes de technologies ou de pilotage, l'innovation semble incontournable pour les surmonter. Dans ce cadre, le cabinet de conseil Eight Advisory vient de publier la première édition de son étude intitulée « l'innovation dans la fonction finance ». Conduite auprès de directions financières de 38 grands groupes (voir encadré), celle-ci met en avant plusieurs enseignements clés. En ce qui concerne la dématérialisation, trois niveaux d'adoption sont mis en exergue. Les solutions « coeur de réacteur » sont fortement digitalisées (ERP, P2P, EPM, etc.) tandis que les outils périphériques avancent plus lentement (disclosure, digital closing). A contrario, les technologies émergentes comme l'intelligence artificielle (IA) progressent en flèche. Un quart des entreprises participantes ont d'ailleurs indiqué être à la conquête de l'IA. Pour les directions financières, les cas d'usage sont nombreux. « Nous pouvons les classer sous quatre grandes thématiques : supervision, analyse ou synthèse, prédiction et prescription », indique Florian Jouvenot, directeur chez Eight Advisory. Les outils basés sur l'IA peuvent détecter des anomalies comptables ou des fraudes, analyser des informations financières et rédiger des rapports, réaliser des prédictions ou encore fournir des recommandations. Cette transformation nécessite néanmoins une conduite du changement majeure. « Un des leviers est que l'IA soit adoptée par le top management, adoption qui passe le plus souvent par une acculturation pour en comprendre le potentiel et se projeter sur des cas d'usage. Il faut que le DAF soit convaincu par cette technologie pour ensuite embarquer l'ensemble de sa fonction et au-delà les métiers et les autres fonctions support », souligne Pierre Gauthier, associé chez Eight Advisory. Par ailleurs, plusieurs freins doivent encore être levés. « Certaines entreprises ont une dette technologique importante, avec des systèmes d'information hétérogènes et vieillissants. Pour elles, la priorité reste de régler cette dette technologique avant de pouvoir se lancer à l'assaut de l'IA », note Pierre Gauthier. L'expert pointe également un effet « boîte noire » de l'IA. « Cette technologie fournit des résultats qu'on ne peut pas systématiquement expliquer ce qui peut être rédhibitoire pour certains DAF », précise-t-il. La peur générée par l'IA représente aussi un obstacle. « Beaucoup craignent que l'IA détruise des emplois ou déclasse certains métiers, notre conviction est qu'il y va de la compétitivité des entreprises, que les métiers devront se transformer et que les collaborateurs qui sauront adopter l'IA seront encore plus précieux demain qu'aujourd'hui », analyse Pierre Gauthier.
Les innovations managériales à la traîne
Si les technologies représentent un vaste champ d'innovation, le pilotage de la performance n'est pas en reste. Dans ce domaine, l'étude met en avant l'émergence du « beyond budgeting », un modèle de gestion du budget agile et flexible. Reposant sur un principe de gestion par objectifs, il se présente sous une forme unique et s'adapte à chaque organisation. « Le "beyond budgeting" est particulièrement efficace lorsque le budget traditionnel est perçu comme un frein à la croissance. Ce modèle s'adapte très bien à des marchés matures et documentés en termes d'informations de marché comme les banques, le retail ou encore le secteur de la pharmacie », détaille Florian Jouvenot. En revanche, il n'est pas adapté aux environnements régulés, à capitaux intensifs ou à horizon de temps étendu. Il implique également une refonte complète du modèle managérial, ce qui impose une transformation culturelle profonde au sein de l'organisation. Résultat : peu d'entreprises sautent actuellement le pas. Selon l'étude, 91 % des groupes interrogés ont actuellement une approche budgétaire traditionnelle. « Il existe actuellement un grand décalage entre les innovations technologiques, qui sont plus facilement adoptées par les entreprises, et les innovations managériales, dont le niveau de maturité reste encore à améliorer », regrette Florian Jouvenot.
Des métiers sous haute tension
Autre point de vigilance relevé par cette enquête : les difficultés de recrutement. Pour 2/3 des répondants, l'amélioration de l'embauche et de la rétention des talents représente un enjeu fort. Dans ce domaine, les entreprises semblent faiblement outillées puisque moins de 5 % des participants ont mis en place un dashboard dédié à la gestion des talents. 2/3 des répondants ont également indiqué être en difficulté pour acquérir des compétences data et ESG. « La pression réglementaire, notamment avec la mise en place de la CSRD, s'accroît dans les entreprises ce qui impose d'avoir de plus en plus de compétences ESG. De la même façon, les besoins en compétences data sont de plus en plus importants (CSRD, pilotage de la performance / organisation data-driven...), la ressource n'est pas forcément disponible en interne ce qui impose de recruter en externe. Sur ces deux marchés nous observons une guerre des talents », commente Florian Jouvenot. L'étude pointe d'ailleurs un fort intérêt des répondants pour le développement de nouveaux parcours de formation sur des sujets comme la visualisation des données, la gestion de projet et les sujets ESG. En outre, 48 % des DAF place l'amélioration de l'animation de la fonction finance comme priorité majeure. « Les collaborateurs et les candidats sont très sensibles à la mission de l'entreprise, à ses valeurs, à l'évolution des métiers de la finance, aux conditions de travail, mais aussi à la recherche de sens, à la gestion du collectif et à la dynamique de groupe », relate Pierre Gauthier. Les résultats de cette étude l'attestent : la fonction finance est en constante évolution et doit s'adapter en permanence. Pour tirer leur épingle du jeu, les DAF doivent non seulement avoir des compétences de gestionnaire, mais également être visionnaires pour relever les différents challenges.
Zoom sur la méthodologie de l'étude
L'étude a été menée auprès des équipes des directions financières de grands groupes représentant plus de 400 milliards de chiffre d'affaires cumulé et répartis dans une douzaine de secteurs (retail, média et télécommunications, transports, énergies, aérospatial et défense, industries, etc.). Un e-questionnaire a été envoyé à un panel de 38 groupes dont L'Oréal, Carrefour, Sanofi, Safran, Orange, TF1 ou encore Vinci Energies.
Les cinq chantiers prioritaires des DAF
1-Améliorer l'animation de la fonction finance
L'animation de la fonction finance représente une priorité majeure pour 48 % des répondants.
2-Déployer un outil de pilotage de la performance
38 % des professionnels sondés reconnaissent l'urgence de s'outiller différemment pour améliorer la performance opérationnelle.
3- Digitaliser les business reviews
38 % des répondants identifient la digitalisation des business reviews comme un enjeu prioritaire.
4-Mettre en place du rolling forecast
20 % des DAF estiment que le rolling forecast est une réponse stratégique pour faire face aux défis actuels.
5-Adopter une approche beyond budgeting
13 % des répondants considère l'approche beyond budgeting incontournable.
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