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[ITW] Groupe Barrière, l'histoire d'une transformation aux multiples facettes

Le Groupe Barrière a entrepris il y a 2 ans une transformation tant digitale qu'organisationnelle et humaine. Philippe Perrot, directeur métiers supports et directeur financier Groupe, et Alexandre Lordereau, directeur de la transformation de la fonction finance, reviennent sur cette mue cruciale.

Publié par Camille George le - mis à jour à
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[ITW] Groupe Barrière, l'histoire d'une transformation aux multiples facettes

> Racontez-nous le point de départ du projet de transformation

Philippe Perrot : Le Groupe Barrière est constitué de 65 entités juridiques en France et à l'international. Il existe une entité par business unit. Pour poursuivre et accélérer notre développement, notamment à l'international, il est apparu nécessaire de faire évoluer nos pratiques et notre organisation en poursuivant deux grands projets de transformation: l'un, Elan, lancé en 2018, qui consistait en une transformation de l'organisation des fonctions supports et avait vocation à préparer la deuxième grande transformation à venir, Digit19, qui serait, elle, digitale. Le premier gros travail a donc été organisationnel et visait à privilégier la proximité opérationnelle avec la création de contrôleurs financiers de proximité.

> Quelles ont été les étapes clés de cette première phase ?

Ph.P: Tout d'abord, pour arriver à ce poste spécifique de contrôleur financier de proximité, il a fallu au préalable mettre en place un centre de services partagés. Ce CSP est aujourd'hui basé à La Défense et a contribué dans sa mise en oeuvre à l'harmonisation, à l'homogénéisation et surtout à la mutualisation de l'ensemble des comptabilités du groupe sur un seul pôle. Nous avons aujourd'hui une organisation mi-centralisée avec un centre de décision au siège, et un centre opérationnel en local. Une équipe de six personnes au siège s'occupe de la partie corporate, reportings et animation des entités. De leur côté, chaque entité a un responsable financier opérationnel de proximité. Le projet Elan 2018 a permis de qualifier, améliorer et réorganiser les services apportés par les métiers supports à nos clients internes. Bien sûr, toute cette mutualisation structure et qualifie la donnée dans les analyses que l'on peut en faire. Donc, avant la transformation digitale, nous avons bâti un socle fondateur préalable à cette digitalisation. D'ailleurs, immédiatement après Elan 2018, nous avons lancé le projet de digitalisation.

> Digitalisation qui représentait la 2e phase de transformation...

Alexandre Lordereau : Oui, et pour cela nous avons créé le Cedaps (Centre d'expertises de la donnée et de l'automatisation des processus supports) dont je m'occupe. C'est un titre un peu long, mais qui donne bien nos deux axes de travail que sont l'automatisation des processus et l'utilisation de la donnée. Si Elan 2018 mettait l'accent sur les services aux clients internes, nous avons très vite ajouté un projet supplémentaire avec la digitalisation, qui se poursuit encore aujourd'hui. Tout a commencé il y a un an dans le cadre du projet Digit19, mais il y a une feuille de route au moins à 24 mois pour continuer la digitalisation de ces métiers.

> Quels étaient ou sont vos objectifs, vos attendus ?

Ph.P: Le but ultime est très simple: améliorer la qualification et l'accessibilité de la donnée. Pour y arriver, il nous fallait en premier lieu bien qualifier nos données, les rendre accessibles en tout lieu et surtout pour toute nature de profession. Un acheteur, par exemple, doit comprendre quelle est la nature de la donnée qu'il utilise. Pour vous donner un ordre d'idée, au sein du groupe, la même donnée financière est utilisée par l'audit, par les achats et par les RH. On peut donc avoir les mêmes sources de données, mais utilisées par quatre directions métier différentes. L'enjeu a donc vite porté sur la transversalité. Un exemple très simple: un financier va parler d'effectifs temps plein (ETP) et va dire à la finance il y a cinq ETP, alors que la RH considère qu'il y en a six. Les deux ont raison, mais n'utilisent pas la même donnée. Tout l'enjeu est là: comment transversaliser la donnée en fonction de l'analyse qu'on veut en faire. Si le besoin est le même, il faut qu'on arrive à utiliser les mêmes données, c'est primordial.

A.L: Tout le travail à travers le Cedaps est de nous assurer, d'une part qu'on a bien identifié l'intégralité des besoins pour l'ensemble des fonctions dites supports, et deuxièmement de nous garantir que la donnée est bien interprétée de la même manière par l'ensemble de ses utilisateurs.

> Quelles pistes ont été privilégiées pour digitaliser vos process ?

A. L: Toute la réflexion a été menée avec une question principale: comment passer moins de temps sur des tâches à faible valeur ajoutée ? Ou dit positivement: comment passer plus de temps sur de la création de valeur ? Sur la question du temps, la piste de la robotisation s'est rapidement imposée. L'apport de valeur peut être, lui, amélioré grâce à la donnée. Bien sûr, un financier peut apporter de la valeur de bien d'autres manières grâce à son expertise et sa matière première, notamment comptable. Cela ne changera jamais. Mais on doit aller plus loin avec d'autres profils pour pouvoir, grâce à la donnée, apporter encore plus. Or on ne peut pas apporter de valeur si on n'a pas le temps. Même chose quand on a une donnée qu'on ne sait pas utiliser. La finance a son socle. Elle garantit une qualité d'information comptable. Ce sont les fondamentaux qui prennent encore plus d'importance grâce à la digitalisation.

> Vous avez fait le choix de la RPA, pourquoi ?

A.L: On y est allé en se disant que ça ne devait pas être un gadget, mais au contraire structurant, et parce que le potentiel est énorme à plusieurs niveaux. Nous avons aujourd'hui 8 Robotic Process Automation, donc 8 process robotisés. L'ambition est de 9 à 18 process automatisés d'ici 12-18 mois. L'impact des 9 prochains RPA sera vraiment structurant, car ils adresseront exclusivement les process du CSP, et les deux-tiers s'occuperont de la comptabilité fournisseur. Un poste qui représente beaucoup d'heures hommes engagées, et qui une fois standardisé et automatisé, va permettre d'imputer toutes les factures, même celles qui n'ont pas pu être rapprochées d'un bon de commande. Cela permettra d'impulser un changement au niveau de la comptabilité fournisseur pour l'amener à faire plus d'analytique, et à laisser la saisie de factures aux robots, pour qui l'erreur n'est pas possible. Et puis, un robot a l'énorme avantage de ne jamais se tromper. En revanche, ce ne sont pas des magiciels, cela reste des logiciels qui peuvent planter. C'est pourquoi aujourd'hui, on ne les fait travailler que 15h et pas 24h, pour nous ménager un temps de réaction en cas de bug. Car on aura toujours besoin de l'humain.

Ph.P : Tout ce travail autour de la robotisation, qui décline l'intégralité d'un process, regroupe trois services différents, et des systèmes différents nous permettent aujourd'hui de gagner quasiment un équivalent temps plein. C'est une réalité, avec des gains de productivité indéniables sur la robotisation. Cela représente des enjeux financiers importants qui chez nous, au niveau du CSP, ne posent pas de problème de sortie d'effectifs. Le turn over étant relativement important sur ce type de tâches, la montée en puissance de la RPA correspondra seulement à des départs non remplacés.

> L'impact organisationnel et humain est donc très important...

Ph.P: Tout ceci a un impact fort sur nos méthodes de travail, puisque cela nous apprend à travailler en mode projets. Depuis le 1er janvier dernier, l'ERP permet au coeur paye/RH/finance de parler le même langage, mais bientôt ce seront les achats, l'audit, le juridique qui pourront en profiter. Notre façon d'appréhender les sujets a elle aussi évolué. Nous ne fonctionnons plus en silos, mais de manière ouverte, transversale et par processus entiers. Désormais, un travail sur un outil comme la signature électronique, qui a pour vocation de simplifier le travail de la direction juridique, n'est pas uniquement abordé par la direction juridique seule, mais bien par l'ensemble de ses clients internes aussi. Cela peut paraître basique, mais on tire une pelote, on prend le process achats au sein duquel il faut une base documentaire de contrats, le comptable nous indique qu'il souhaite que ce même contrat puisse lui permettre de donner les charges à payer, l'échéancier des contrats, etc. Et tout ceci alors qu'on partait d'un projet initial de signature électronique des contrats. Ce fonctionnement permet de faire ressortir les besoins réels, mais aussi de supprimer les process inutiles parfois créés au fil de l'eau, de resserrer les actions de chacun et d'être donc plus efficace.

> Il y a donc une notion de rationalisation aussi ?

Ph.P: Tout à fait ! Nous sommes vraiment dans une logique de progression extrêmement importante en transformant la manière d'appréhender les process au sein d'une entreprise, et ce, quel que soit le métier qui initie le projet à l'origine.

AL: Le vrai changement est là. Bien sûr on passe du papier au digital, du manuel à l'automatique. Mais le fond du projet, c'est le changement des process. C'est là-dessus que portent la réflexion et le travail avec les autres métiers. Ce qui est très riche, mais qui peut aussi être perturbant dans une organisation où ça n'a pas toujours été le cas. L'idée du désilotage fait l'unanimité, mais passer à la pratique n'est pas toujours simple.

Ph.P: Cela dit, la transformation digitale facilite la sortie des silos, dès lors que l'on n'aborde pas la partie digitale comme étant un simple système d'information, mais permettant une refonte de nos process sur la base de nouveaux systèmes de communication et d'exécution de l'action. Chaque projet prend une ampleur toute autre. Cela prend plus de temps, mais cela en vaut la peine. Pour reprendre l'exemple de la signature électronique, au lieu de mettre deux mois, on en a mis six, mais avec un produit fini et une vraie clé de succès, au point qu'aujourd'hui la direction marketing a souhaité intégrer le projet. C'est donc un moyen d'embarquer et de fédérer.

> Justement, comment s'est passé l'accompagnement des équipes?

Ph.P: C'est un suivi au long cours essentiel. On a utilisé la partie robotisation pour accélérer un élan qui était déjà lancé. Dans nos établissements, nous avions des profils financiers plutôt très comptables qui aujourd'hui sont très heureux d'être sortis du back pour être un peu plus front et opérationnels. On a une chaîne de sous-traitance en place. Les équipes financières se sont désengagées de la production comptable grâce aux robots, de manière à pouvoir être plus percutantes dans l'analyse des chiffres. Et la mise en place de l'ERP leur a offert un cockpit management qui facilite cette vision process. Et au global, dans le budget de fonctionnement de cette année, une part significative est consacrée à l'accompagnement de nos collaborateurs dans un dispositif de gestion de projet.

> Les profils collaborateurs ont-ils changé?

Ph.P: Oui, nous avons fait évoluer nos collaborateurs et on attend d'eux aujourd'hui des objectifs sensiblement différents, donc potentiellement d'autres types de profils intégreront nos équipes.

AL: Aujourd'hui, nous avons dans nos équipes des ingénieurs et des profils qu'on n'aurait pas eu il y a deux ou trois ans. On voit une réelle évolution des ressources liées aux métiers de la finance.

Le Groupe Barrière en chiffres :

7000 collaborateurs

33 casinos

1 club de jeux

18 hôtels (haut de gamme)



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