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À l'heure où les entreprises réalisent leur bilan comptable, quid du bilan carbone ?

Alors que les organisations sont en train de clore leur bilan comptable pour l'année 2022, l'heure est également au bilan carbone pour certains acteurs (déjà) obligés ! On gère toujours mieux ce que l'on peut mesurer, il est donc intéressant de faire un bilan carbone même quand on n'y est pas (encore) contraint.

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À l'heure où les entreprises réalisent leur bilan comptable, quid du bilan carbone ?

Oui, la comptabilité carbone peut s'avérer très utile quand elle permet d'informer son écosystème de l'impact de ses produits et services vendus. Et donc d'inciter ses clients à privilégier, à coût égal, ses solutions bas carbone, créant ainsi un cercle vertueux ! Au-delà de l'objectif primaire - rappelons-le tout de même : contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique - réaliser son bilan carbone comporte donc bien des vertus business.

1. Renforcer son image de marque

Même si de plus en plus d'entreprises ont recours à l'exercice d'un bilan carbone annuel, elles restent encore trop peu nombreuses à communiquer efficacement sur leurs initiatives écologiques et durables. Pourtant, les entreprises qui prennent le leadership sur le sujet, en publiant volontairement leur bilan carbone et en déployant un vrai plan d'actions, vont bénéficier d'une meilleure perception du public. Elles disposeront alors de chiffres précis et détaillés, d'analyses tangibles et certifiées pour communiquer sur leur démarche auprès de leur écosystème. Et qui dit meilleure image de marque dit plus de chiffres d'affaires. Il s'agit donc d'un nouvel argument commercial : cela rassure des consommateurs et des clients toujours plus nombreux à préférer un produit ou un service issu d'une marque responsable. C'est également un argument de taille pour booster sa marque employeur. Lorsqu'il s'agit de trouver un emploi, les collaborateurs, notamment des plus jeunes générations, sont devenus très attentifs au « service rendu à la société » avec, en tête, la protection de l'environnement, la lutte contre la pauvreté et l'accès au savoir.

2. Construire un avantage concurrentiel

Le bilan carbone est un outil très efficace pour sortir du lot, apprécié tant des clients que des investisseurs. Ces derniers en particulier sont devenus exigeants sur la performance environnementale de leur portefeuille de clients, et requièrent de plus en plus d'informations détaillées sur leur performance extra-financière. Les entreprises pionnières dans ce domaine sont donc plus susceptibles d'attirer du business sous toutes ses formes. Pour les organisations qui cherchent à être rachetées, ou à se développer par fusion ou acquisition, soigner sa performance environnementale va devenir indispensable. Nous sommes actuellement à un tournant et il s'agit pour les entreprises de ne pas être de celles qui regardent le train passer parce qu'elles n'ont pas le temps ou parce que ce n'est pas prioritaire pour elles. Elles risqueraient de le regretter rapidement. Quelques start-up et PME attestent déjà de cet avantage concurrentiel en obtenant des labels reconnus. Elles pollinisent même tout leur écosystème de fournisseurs, clients ou partenaires, qui seront plus enclins à travailler avec elles, et à les privilégier à d'autres sociétés concurrentes.

3. Anticiper la loi

À ce jour, la réalisation et la publication d'un bilan carbone n'est obligatoire que pour les entreprises de plus 500 employés. Mais il existe plusieurs raisons de penser que cette obligation va être prochainement étendue aux entreprises de toute taille. D'une part, avec une Stratégie Nationale Bas Carbone qui prévoit de réduire nos émissions par 5 d'ici 2050, nous n'avons pas vraiment le choix : toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, vont devoir s'y mettre. D'autre part, il s'agit d'une des recommandations de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) qui propose d'ajouter systématiquement dans le bilan comptable des entreprises un Bilan Carbone (proposition 6-1), alors que les structures privées de la finance se verraient elles aussi obligées de fournir un reporting annuel de leurs émissions de CO2 (proposition 6-2). La CCC prévoit même des sanctions en pourcentage du chiffre d'affaires en cas de non-respect de ces objectifs. À l'inverse, les sociétés les plus vertueuses seraient récompensées par les autorités. Aussi, les aides publiques pourraient être conditionnées par l'évolution positive du bilan carbone d'une entreprise (proposition 6-3).

4. Dépenser moins et mieux

Sur le plan économique, une grande partie des actions de réduction des émissions de CO2 peuvent se traduire concrètement par une baisse des coûts de fonctionnement et une amélioration de la qualité des produits. Cela signifie notamment plus de sobriété dans ses consommations d'énergie et de ressources ! Des économies substantielles peuvent être obtenues rapidement sur les factures d'électricité, de chauffage, sur les coûts d'approvisionnement liés à l'utilisation de ressources recyclées, etc.

5. Accéder à de nouveaux marchés et financements

En France comme dans de nombreux pays européens : les grands comptes et les marchés publics intègrent de plus en plus de critères environnementaux contraignants dans leurs processus de sélection et d'appels d'offres. En poussant le raisonnement, bientôt seules les entreprises Bas Carbone pourront remporter ces nouveaux marchés pour fournir leurs produits et services, en B2B comme en B2C. Par ailleurs, les investisseurs voient dans toute entreprise ayant adopté une stratégie carbone une opportunité de surfer sur un incontestable engouement en faveur du développement durable. Bien évidemment, ces investissements à risque ne s'éloignent pas de l'objectif de rentabilité : les actionnaires y vont parce qu'ils sont persuadés de la pertinence de modèles économiques associés. Mais même si les investissements, en valeur, sont encore limités, la France est très active dans le domaine de l'investissement responsable. On ne compte plus ces nouveaux fonds dédiés à l'Impact Investing, qui s'intéressent aussi bien aux projets d'innovation de rupture lancés par des start-up au début de leur cycle de croissance qu'au profit d'entreprises plus établies ayant besoin de capital pour industrialiser leurs solutions.

L'auteur : Emmanuel Watrinet est le directeur général de la climate tech Carbo créée en 2019 avec Simon Létourneau et Julien Janson. Diplômé de l'École Centrale de Nantes puis de l'EDHEC Business School et de l'Ecole des Mines de Paris en 2010 à travers un mastère spécialisé ingénierie, économie et gestion de l'énergie, Emmanuel Watrinet débute sa carrière chez Bouygues Construction en tant qu'ingénieur d'études. En 2011, il rejoint ensuite la Commission de régulation de l'énergie comme Chargé de mission avant de concrétiser un premier projet entrepreneurial avec Nuage Café, espace de coworking.


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