Le Daf, acteur de la RSE
L'urgence sociale et climatique commence à faire son chemin au sein des directions financières. Le congrès Financium de la DFCG fut placé cette année sous le signe de la RSE. Plusieurs tables-rondes et plénières ont abordé le sujet, avançant des pistes pour mieux prendre en comptes les sujets sociaux et environnementaux.
Alors que la COP 27 battait son plein, les directeurs financiers ont débattu, lors de l'événement Financium de la DFCG, de leur contribution à la question environnementale mais aussi sociale. Un sujet qui a mobilisé de nombreuses tables rondes au cours de ce congrès (qui a même couronné le dirigeant financier responsable), ce qui montre la montée en puissance de l'extra-financier au sein des directions financières et une volonté de transformer la finance pour qu'elle réponde également à des sujets RSE.
KPIs pour définir des objectifs
Premier sujet que le Daf peut adresser : la mesure. « Le Daf peut permettre de mesurer, définir des trajectoires, intégrer la RSE comme une part dynamique de l'entreprise », a avancé Eric Heurtaux, directeur financier groupe de l'éditeur de logiciel Mirakl, à l'occasion d'une table-ronde intitulée « Un nouveau modèle de développement : mettre l'impact environnemental et sociétal au coeur de l'entreprise ». En effet, qui mieux que le Daf pour définir des mesures qualitatives, des KPIs qui permettent à la fois de prendre des directions et vérifier que ces objectifs sont tenus ?
« Ces indicateurs doivent servir a l'entreprise pour accéder a des financements, intéresser le personnel, savoir où investir et comment mais aussi aller plus loin et bâtir des business models qui prennent en considération cet environnement », a énuméré Sylvain Alizant, directeur financier de Nutriset, société qui lutte contre la malnutrition, pendant une table-ronde consacrée à la mesure et au pilotage de la performance globale.
Un système d'information adapté
Un nouveau rôle qui n'est pas forcément évident à remplir : « L'enjeu du Daf est de pouvoir collecter et fiabiliser ces informations qui ne sont pas simples à capter sans consommer trop de temps. Il faut donc repenser son système d'information », a proposé Hervé Gbego, associé au sein de la société de conseils Endrix et président du groupe DFCG RSE, au cours de la discussion sur la mesure.
Au sein du groupe Randstad, la direction financière se prépare à l'obligation de produire une déclaration de performance extra-financière (DPEF), même si ce n'est pas encore le cas. Ainsi, un pôle Finance durable a été créé en France afin de prendre en charge le reporting extra financier. L'occasion de mettre en place de l'automatisation pour 75% des indicateurs (principalement les indicateurs sociaux).
Faire parler la comptabilité classique sur les sujets RSE
Hervé Gbego a également plaidé pour que le système d'information ainsi revisité connecte financier et extra-financier : « Il faut parler le langage de l'entreprise qui est la comptabilité financière. Il faut réussir à faire parler la comptabilité classique sur ces sujets non financiers même si ce n'est pas simple ». Une façon de se saisir des questions sociales et environnementales au sein des directions financières mais aussi de mieux appréhender le risque lié à l'immatériel : de quelles façons ils agissent sur le modèle d'affaire de l'entreprise mais aussi comment l'entreprise a un impact sur les écosystèmes.
Sylvain Alizant a ainsi dit travailler depuis quelques années avec une chercheuse sur des nouvelles normes comptables afin de faire apparaître les salariés au bilan dans le but de valoriser l'actif salarial.
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Répondre aux investisseurs, clients et candidats
Autre sujet d'importance : le financement. « Les investisseurs ont de plus en plus d'exigences environnementales », a souligné Christophe Colard, Daf de Batigère Grand Est, acteur du logement social, lors de la table-ronde sur le nouveau modèle de développement. Le Daf doit donc être en mesure de présenter des données extra-financières et de répondre aux questions des investisseurs sur ce sujet.
Etre rigoureux sur le sujet, avec des chiffres véritablement probants, permet de se différencier vis à vis des investisseurs mais aussi des clients (de plus en plus alertes sur le sujet) et des candidats. Le collectif « Pour un réveil écologique », par exemple, a listé des questions précises pour analyser du mieux possible l'engagement (ou non) de son futur employeur dans la transition écologique ; une liste qui comporte des éléments financiers comme la part du budget et des investissements consacrée à l'approche des problèmes environnementaux.
Le profit n'est plus une fin en soi
Cette évolution des directions financières nécessite également une réel changement de culture. Ce qui n'est pas aisé tant il faut mettre à mal des croyances profondément ancrées. « Nous avons tous appris lors de nos études que l'objectif de l'entreprise est de maximiser le profit. Aujourd'hui il faut changer de système d'exploitation, et trouver des solutions profitables au bénéfice de la Terre et de ses habitant. Le profit n'est plus une fin en soi », a déclaré Bertrand Badré, fondateur du fonds Blue like an orange sustainable capital, dont l'objectif est de financer des projets à impact positif dans les pays émergents, à l'occasion d'une plénière baptisée « Vers un capitalisme à visage humain ».
Pour y arriver, il a notamment suggéré de passer du « diktat du court terme » à une vision à plus long terme. Christophe Colard l'a rejoint sur ce thème : « Les investissements ne doivent pas répondre à des exigences à court terme mais nous devons nous engager sur des actions à long terme qui ont des conséquences dans le futur ». Il dit ainsi quantifier son ROI à échéance 5 ans. Eric Heurtaux pense même que le ROI n'est plus pertinent sur ces sujets RSE : soit l'entreprise opère une mue sérieuse soit elle disparaît. On pourrait dire la même chose de l'humanité : soit nous réussissons à maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 1,5°C soit nous allons au devant d'une situation qui portera son lot de famines, maladies, immigrations massives et guerres.
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