Comment concilier les enjeux RSE des grands groupes et des ETI-PME ?
En matière de RSE, les ETI-PME manquent souvent des moyens financiers et organisationnels pour répondre aux attentes des grandes entreprises, tenues de respecter des normes de plus en plus contraignantes. Pour résoudre ce défi, les partenaires doivent collaborer pour trouver des solutions durables qui répondent aux enjeux de chacun.
La responsabilité sociale des entreprises (RSE) prend une place prépondérante dans la stratégie d'entreprise. Elle se réfère à la manière dont les entreprises gèrent leurs impacts économiques, sociaux et environnementaux tout en respectant les valeurs éthiques et les normes juridiques. Lutte contre la corruption imposée aux grandes entreprises[1], description des principaux risques créés par ses relations d'affaires dans la déclaration de performance extra-financière, devoir de vigilance, bientôt européen[2], évaluation des tiers et respect par ces derniers de chartes éthiques sont au coeur du dispositif de maitrise des risques des grands groupes. L'accroissement des réglementations en matière d'éthique et de responsabilité sociale des entreprises rejaillit nécessairement sur les obligations des ETI-PME dans leurs relations d'affaires avec les grands groupes.
Concilier enjeux RSE des grandes entreprises et des ETI-PME, un défi
Les diligences raisonnables imposées aux grandes entreprises, destinées à prévenir les risques de corruption, d'atteintes graves aux droits humains ou à l'environnement, se traduisent pour les ETI-PME par une multiplication de questionnaires et de déclarations à remplir, d'audits d'évaluation extra-financière à subir et de clauses contractuelles ou chartes auxquelles adhérer, parfois sous peine de résiliation du contrat.
Or, les questionnaires RSE des grands groupes, destinés aux fournisseurs et sous-traitants, sont encore trop généraux et pas suffisamment centrés sur les enjeux pertinents pour ces derniers. 66% des fournisseurs constatent un manque de cohérence entre les exigences RSE des clients en matière d'achats et leurs propres pratiques RSE, notamment concernant la loyauté des pratiques commerciales, les relations et les conditions de travail, les matières premières et les circuits courts, ou encore les questions d'éthique[3].
Bien que les objectifs à atteindre en matière de RSE soient similaires quelle que soit la taille des entreprises, la nature et la portée des enjeux varient en fonction de la taille de l'entreprise.
Pour les ETI-PME, les enjeux RSE impliquent d'améliorer leurs performances dans des domaines variés tels que la gestion des déchets, la réduction de la consommation d'énergie, l'adoption de pratiques équitables en matière de recrutement, et plus généralement la conformité aux réglementations environnementales et sociales. Dans le même temps, exposés à une potentielle rupture des relations commerciales en cas de non-respect de standards RSE de leurs donneurs d'ordre, ces ETI-PME ne disposent bien souvent ni des moyens organisationnels ni des moyens financiers adéquats pour répondre seuls à ces objectifs. Cette situation peut accentuer pour certains le sentiment de dépendance vis-à-vis des grands groupes.
Pour les grands groupes, les enjeux RSE sont souvent plus complexes en raison de la taille et de la portée de leurs activités. Ils sont confrontés à des problèmes tels que la gestion de chaînes d'approvisionnement mondiales, la réduction de leur empreinte environnementale sur une grande échelle, la protection de la vie privée des clients et la garantie de pratiques équitables en matière d'emploi à grande échelle. Leurs ressources sont certes plus importantes pour mettre en place des programmes RSE, mais ils sont également confrontés à des pressions plus importantes de la part des parties prenantes, comme en témoigne la multiplication des contentieux pour manquement au devoir de vigilance.
La conciliation des enjeux RSE des grandes entreprises et des PME peut ainsi relever du défi, ce qui implique une meilleure collaboration entre partenaires pour parvenir à des pratiques durables répondant aux enjeux de chacun.
Concertation nécessaire pour parvenir à des engagements mutuels
Il est important que les grandes entreprises et les PME se concertent pour identifier des enjeux RSE significatifs communs et établir des engagements mutuels. Les grandes entreprises peuvent offrir des programmes de formation et des incitations pour aider leurs partenaires à atteindre leurs objectifs en matière de RSE, tandis que les PME peuvent communiquer régulièrement sur leurs performances environnementales et sociales, déterminées conjointement en amont de la relation contractuelle.
En travaillant ensemble sur leurs enjeux communs, les entreprises peuvent construire des partenariats durables et vertueux.
En définitive, la clé de la conciliation des enjeux RSE des PME et des grandes entreprises est la collaboration entre partenaires et l'engagement à long terme en faveur de la durabilité. Les grandes entreprises ont, à ce titre, un rôle moteur à l'égard de leurs partenaires de plus petite taille.
L'auteur :
Gwladys BEAUCHET est avocate associée en droit de l'environnement, compliance RSE au sein du cabinet DS Avocats. Du fait de son expertise en droit de l'environnement et en droit social, elle conseille régulièrement les entreprises françaises et internationales dans la gestion des risques environnementaux et sociaux liés à leurs activités et à leurs projets immobiliers. Elle les accompagne également sur la mise en oeuvre de politiques RSE spécifiques à leurs secteurs, de la cartographie des risques juridiques à la détermination d'outils de gestion adaptés au modèle économique de l'entreprise.[1] Sont concernées les sociétés d'au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l'effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d'affaires ou le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions d'euros
[2] Projet de directive européenne sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises.
[3] Etude BPI France-PwC-Orse : "RSE : la parole aux fournisseurs ! -janvier 2020.
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