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Billet de Daf - La vraie valeur de l'entreprise

La rentabilité seule ne suffit pas à faire la valeur de l'entreprise. Celle-ci est beaucoup plus globale et doit comprendre la notion d'utilité et de durabilité. C'est le point de vue que défend Béatrice Fayolle, directrice des valeurs de Sbt Humans Matter dans ce billet.

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Billet de Daf - La vraie valeur de l'entreprise

« Le langage ne sert pas d'expression à une pensée toute prête. En se transformant en ­langage, la pensée se réorganise et se modifie. Elle ne s'exprime pas, mais se réalise dans le mot » (Vygotski, 1985 : 331).

C'est ainsi qu'est arrivé le titre de direction des valeurs au sein de mon entreprise, par le sentiment que la direction financière était réductrice de la réelle valeur créée. Et par l'envie de tester un titre qui oblige à s'adapter au titre pour lui donner une réalité, au-delà de la seule valeur financière. La rentabilité s'associe à la durabilité et à l'utilité de l'entreprise pour qualifier la vraie valeur de celle-ci.

L'utilité de l'entreprise repose sur sa capacité à contribuer positivement à la société en créant des emplois et en fournissant des produits et services utiles, la durabilité respecte les normes environnementales et sociales, la rentabilité permet de rémunérer les parties prenantes de l'entreprise, toutes contributrices à la création de valeur.

Ainsi, l'entreprise qui dégage une forte rentabilité en utilisant des ressources finies (en voie d'épuisement) n'a que peu de valeur. De même, l'entreprise qui dégage une bonne rentabilité dans un modèle de ressources et de fonctionnement durable, mais qui ne rend pas un service utile, n'a que peu de valeur. Quelle valeur apporterait une pharmacie supplémentaire dans un village qui en compte déjà plusieurs ? Ces valeurs doivent aussi s'apprécier selon le contexte. Prenons l'exemple de l'entreprise M-Pesa (Afrique), plateforme de paiement mobile lancée au Kenya en 2007. Elle s'est étendue à d'autres pays d'Afrique et est devenue un outil de paiement très populaire dans la région avec un impact social positif, car elle permet aux personnes qui n'ont pas de compte bancaire d'accéder à des services financiers de base. M-Pesa est utile en Afrique. Elle n'aurait en France aucune utilité, pas de valeur.

La direction des valeurs devient le gardien des équilibres de ­l'entre­prise dans ses opérations et dans sa stratégie. ­L'impact sur l'envi­ronnement, les finances et le social est mesuré et les décisions sont prises pour ajuster les déséquilibres.

Bien sûr, renommer la direction financière en direction des valeurs ne suffit pas à créer un impact. Le changement de nom doit être accompagné d'actions concrètes de promotion et de suivi des valeurs non financières. Charte éthique, indicateurs de durabilité et d'utilité ou encore incitation à l'engagement citoyen. Il est important de commencer par des changements internes pour incarner réellement ses valeurs, mais aussi d'entreprendre des actions à l'extérieur pour les communiquer efficacement auprès de ses parties prenantes : clients, investisseurs, partenaires, régulateurs, etc. Une des clés pour y parvenir est de développer une stratégie de communication qui met l'accent sur les valeurs de durabilité et d'utilité de l'entreprise ainsi que sur les résultats financiers obtenus grâce à ces valeurs. Cela peut passer par la publication de rapports annuels intégrant des indicateurs de performance spécifiques, la participation à des événements sur les enjeux environnementaux et sociaux ou encore la création de partenariats avec des organisations engagées dans la transition écologique. Il est possible d'encourager les parties prenantes à intégrer ces valeurs dans leurs propres décisions grâce à des incitations appropriées, telles que des réductions tarifaires pour les clients optant pour des produits durables, des primes pour les employés qui proposent des idées innovantes en matière de durabilité ou encore des avantages fiscaux pour les investisseurs qui soutiennent les entreprises durables.

Quand avons-nous arrêté d'utiliser la valeur financière comme la seule valeur de l'entreprise ? Un peu comme ceux qui ont arrêté d'utiliser le printemps comme point de référence du temps qui passe. Un monde se meurt, un autre apparaît : il n'est pas question de choisir entre l'un ou l'autre. La volonté est davantage de rallier celles et ceux qui attendent avec hâte leur printemps et celles et ceux qui ne les comptent plus depuis longtemps.

L'auteure : Béatrice Fayolle est directrice des valeurs de SBT Humans Matter, membre ambassadrice des AFR Acteurs de la Finance Responsable et associée Time for the Planet.
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