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CSRD : les nouveaux rôles des directions (extra) financières

La complexité de la CSRD impose la structuration de filières extra-financières pérennes, de penser nouveaux relais métiers et nouvelles données pour répondre aux exigences. Les directions administratives et financières (daf) sont à l'avant-poste, et doivent se transformer pour faire face à ces nouvelles responsabilités.

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Créations d'entreprises
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Le 31 juillet dernier, la Commission européenne a publié le règlement délégué relatif au premier jeu de normes d'informations en matière de durabilité. Il s'agit du véritable coup d'envoi opérationnel du reporting CSRD. Les entreprises assujetties peuvent enfin se mettre en ordre de marche. Si les travaux préparatoires avaient déjà débuté, les récentes publications de l'EFRAG ont précisé les contours des dispositifs de gouvernance de la durabilité. La liste des points de données nécessaires à la constitution des indicateurs CSRD et les principes d'analyse de la matérialité permettent de mieux appréhender la réalité et la complexité du dispositif à mettre en oeuvre. Les directions générales doivent identifier les responsables du déploiement d'une filière extra-financière efficace et pérenne. Sa mission principale sera d'analyser et d'intégrer la durabilité comme composante essentielle aux stratégies d'entreprise. S'il n'existe pas d'organisation type pour déployer cette filière, une tendance est actuellement observée pour les organisations déjà soumises au Non Financial Reporting Disclosure (NFRD) : s'appuyer sur les daf, et faire appel à des relais métiers.

Les directions financières, des acteurs incontournables

Tout d'abord, les daf sont au coeur des organisations et des processus de prises de décisions et d'application des stratégies d'entreprise. Elles bénéficient déjà d'une vision transverse avec un haut niveau de granularité en matière d'informations. Les dispositifs actuellement en place permettent de collecter l'information depuis les unités de production locales pour la consolider et la communiquer au plus haut niveau de l'entreprise. Ce réseau de compétences bénéficie aussi de processus, d'outils et de contrôles éprouvés. Ils constitueront de puissants leviers d'intégration de la dimension extra-financière et permettront de répondre à son besoin de couverture de l'ensemble des fonctions de l'entreprise.

De la même manière, cette place privilégiée et cet outillage pertinent rendent naturel, pour les daf, l'intégration du principe de double matérialité. Ce dernier est prépondérant pour apprécier la durabilité telle que la prône la Commission européenne. Les daf sont les plus légitimes pour articuler le pilotage financier avec la dimension extra-financière sur le moyen-long terme. L'association des deux dimensions fera partie intégrante de la gestion budgétaire qui est déjà une prérogative des daf. Il est aussi question de pérenniser l'intégration de la durabilité aux processus financiers et de bénéficier ainsi de la qualité des contrôles des données utilisées. Pour rappel, ces dernières seront auditées au même titre que les informations financières.

Enfin, les daf maitrisent les processus des communications aux investisseurs et actionnaires. Or la CSRD prévoit un reporting apportant les preuves matérielles et chiffrées des constats, actions et stratégies vis-à-vis de la durabilité. Au même titre que les rapports financiers, les reportings CSRD seront exploités pour apporter de nouvelles approches de valorisation des entreprises.

Si les daf sont souvent à la manoeuvre, elles ne peuvent pas agir seule. La durabilité implique l'ensemble des directions d'entreprise et notamment la RSE qui maitrise les dispositifs opérationnels des stratégies durables et extra-financières. Pour un déploiement optimal et sécurisé de la filière, il est judicieux d'avoir une co-gouvernance daf et RSE. Cette équipe gagnante bénéficie en effet d'expertises, d'outils et de processus complémentaires. Les bases de la gouvernance du dispositif de déploiement de la CSRD posées, les responsables financiers font face à deux problématiques majeures.

Aujourd'hui acteurs du déploiement, demain référents durabilité

L'implication et plus encore, l'adhésion des grandes directions métiers est un prérequis indispensable pour notamment récupérer certaines données. C'est particulièrement vrai pour ce qui touche l'environnement et les parties prenantes externes de l'entreprise qui impactent l'écosystème direct et indirect. Des relais doivent être clairement identifiés conjointement avec ces autres directions qui n'ont pas forcément la maitrise des enjeux liés à la durabilité et/ou qui ne connaissent pas les exigences de la CSRD. La sensibilisation, la formation et la co-construction des dispositifs d'identification des impacts et des données à collecter seront ainsi déterminantes. Les DAF doivent communiquer régulièrement sur l'avancement des travaux de déploiement et impliquer les autres directions pour ancrer efficacement la filière extra-financière et transformer les acteurs du déploiement d'aujourd'hui en référents durabilité de demain.

Le second défi majeur des daf réside dans la captation et l'exploitation des informations nécessaires aux indicateurs de la CSRD. C'est pourquoi, au sein de la gouvernance de la filière, les directions des systèmes d'informations (DSI) sont des interlocuteurs indispensables à la réussite du déploiement du dispositif. Sur le périmètre financier, la principale difficulté consiste à pouvoir intégrer la dimension extra-financière à l'analyse financière classique et ce, dans les SI Finance. De plus en plus d'éditeurs de solutions d'ERP proposent d'intégrer des modules extra-financiers. Cependant, il est judicieux de prendre le temps d'étudier les offres en sachant que les normes techniques sectorielles et la réglementation elle-même peuvent encore évoluer. Il faut garder à l'esprit que la construction d'une organisation autour d'un outil n'est pas gage de réussite : faire simple en restant pragmatique. Les daf doivent s'inspirer des règles de data gouvernance déjà appliquées au sein de leurs organisations et les étendre aux nouveaux périmètres. La bonne intégration et analyse des données externes sera essentielle.

La direction administrative et financière durable (DAFD) de demain

L'importance du rôle des daf s'impose d'elle-même pour la mise en oeuvre de la CSRD. Elles ont la position, les données, des réflexes réglementaires. La mise en place de partenariats internes pertinents s'en suit logiquement.

Au-delà de l'étape de déploiement du dispositif, la daf aura à renforcer son rôle de moteur des stratégies durables au sein de l'entreprise. Elle maîtrisera les outils et indicateurs nécessaires à l'appréciation de la double matérialité qui alimente régulièrement le pilotage et la prise de décisions. Elle sera donc le parfait partenaire de la direction RSE, avec laquelle elle partagera la co-gouvernance de la filière extra-financière. Ensemble, elles pourront proposer des stratégies durables et des actions concrètes, qui feront pleinement sens au regard de la réalité de l'entreprise et de ses parties prenantes.

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