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DossierBrexit: I want to break free!

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2 - Plongeon dans l'inconnu de l'ère post-référendum

Le Royaume-Uni est un partenaire économique de premier plan pour la France. Sa sortie de l'UE est donc inquiétante. S'il est difficile de prédire les futurs accords qui régiront les relations entre les deux pays, quelques hypothèses permettent de se faire une idée de l'impact sur les entreprises françaises.

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En ce matin du 24 juin 2016, un étrange smog envahit l'Europe: les résultats du référendum britannique viennent de tomber. Les Britanniques ont décidé d'écrire leur avenir au singulier et de quitter l'Union européenne, prenant au dépourvu experts et entreprises.

La livre sterling, première victime du Brexit

Aujourd'hui, l'heure est à l'attentisme et aux conjectures. Les impacts réels du Brexit se feront sentir lors de la sortie effective du Royaume-Uni de l'UE. Néanmoins, la dépréciation de la livre sterling constitue le premier dommage collatéral. Le lendemain du vote, elle atteint son plus bas niveau face au dollar depuis 30 ans, et face à l'euro depuis deux ans. Après une première chute de 10%, elle poursuit sa dégringolade.

"Tant que les conditions de sortie de l'UE ne seront pas connues et que l'incertitude durera, la livre sterling sera soumise à une grande volatilité, reconnaît Philippe Gelis, CEO de Kantox, fournisseur de solutions de gestion et d'échange de devises. Une volatilité qui risque d'empirer en fonction de l'évolution des négociations et du scénario qui se profilera." Ana Boata, économiste chez Euler Hermes, spécialiste de l'assurance-crédit, prévoit, quant à elle, une parité avec l'euro d'ici à 2018. "Voire avant" ().

Si une livre sterling basse est une bonne nouvelle pour les importateurs de produits britanniques, la donne est évidemment bien différente pour les exportateurs français. "La dépréciation actuelle de la livre sterling par rapport à l'euro a un impact négatif de l'ordre de 0,4 % sur les exportations françaises en moyenne annuelle", estime Axelle Lacan, économiste au sein de l'institut macroéconomique Coe-Rexecode. Les entreprises exportatrices se trouvent pénalisées et face à un choix cornélien: augmenter leur prix pour épargner leur marge, préserver les volumes au détriment de la marge, voire abandonner le marché britannique.

Néanmoins, la baisse de la monnaie britannique constitue aussi une opportunité pour les entreprises françaises souhaitant s'implanter outre-Manche. "Profitant d'un taux de change favorable et d'une baisse de la demande, nombre d'entreprises préparent la période post-Brexit en acquérant des actifs au Royaume-Uni, constate Jean-Noël Mermet, managing director de Frenger International, société de conseil spécialisée dans le développement international. Les Chinois, les Américains ou encore les Suisses sont d'ores et déjà en train de s'y positionner. En revanche, les Français ne semblent pas très opportunistes. Le Royaume-Uni était jusqu'à présent la première destination en matière d'investissements pour les entreprises tricolores, mais le Brexit et les incertitudes qu'il génère va probablement remettre en cause cette suprématie."

S'implanter ou ne pas s'implanter, telle est la question

Si le coût d'acquisition est plus attractif, l'intérêt d'une filiale britannique repose d'abord sur le dynamisme du marché local. Et en la matière, les prévisions économiques ne sont guère rassurantes.

"Le PIB par habitant va certainement baisser, de l'ordre de 3 à 5,5% d'ici à 2020 selon les scénarios, signale Charlie Joyez, chargé d'études économiques chez Pramex International, ­cabinet conseil en implantation à l'international. Le marché risque d'être moins attrayant pour les nouveaux entrants. L'arbitrage se fera également au regard des droits de douane: la hausse de la demande d'implantation sera limitée à une dizaine de cas par an, contre une centaine hier, si les droits de douane s'établissent à plus de 2%."

Axelle Lacan (Coe-Rexecode), pour sa part, rappelle que "l'économie britannique était déjà fragilisée avant le résultat du référendum. On anticipe une légère récession dès le début de l'année 2017. Et il ne faut pas se laisser leurrer par la bonne tenue de la consommation britannique cet été. C'est un phénomène macroéconomique connu: prévoyant une période inflationniste, les ménages anticipent leurs dépenses. Ce qui ne dure qu'un temps. Aux entreprises souhaitant s'implanter outre-Manche, je conseillerais la prudence et la patience".

"Il ne faut pas se laisser leurrer par la bonne tenue de la consommation britannique cet été. C'est un phénomène macroéconomique connu."
Axelle Lacan, économiste au sein de l'institut macroéconomique Coe-Rexecode

Pour les entreprises du secteur B to B, la situation est-elle meilleure? "Pas vraiment, répond Ana Boata (Euler Hermes). Au Royaume-Uni, les défaillances d'entreprise sont déjà en hausse, avec 8,5 % d'augmentation attendue l'an prochain. Quant aux retards de paiement, la tendance est également haussière. À la mi-2016, ils étaient en hausse de 37% dans la construction, de 20% dans les services informatiques et de 15% dans la chimie. Les délais de paiement sont inférieurs à 60 jours mais la situation se dégrade. La perte de volume liée à la ­contraction de la demande, couplée à la détérioration des ­comportements de paiement et à l'incertitude croissante, rend le marché britannique bien moins séduisant."

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Carine Guicheteau

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