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Comment les néobanques challengent les banques traditionnelles

Les néobanques sont de plus en plus nombreuses sur le marché français. Certaines d'entre elles fixent spécifiquement le marché entreprises. Quels sont leurs atouts, leurs limites ?

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Comment les néobanques challengent les banques traditionnelles
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" Nous étions entrepreneurs et nous avons vécu la frustration de ne pas bénéficier de services bancaires suffisamment fluides et performants. Par exemple, il fallait systématiquement ouvrir des PDF pour retrouver une opération, sur notre compte en ligne, datant de plus de 90 jours alors qu'on a par ailleurs des comptes Gmail capables de nous offrir facilement un historique de 10 ans ! C'était aberrant !" C'est de cette frustration qu'est née l'idée d'Alexandre Prot et de son associé, il y a trois ans, de créer Qonto, une néobanque réservée aux professionnels et aux entreprises. Après un an de construction de l'offre, le service a été lancé en 2017.

Deux ans et deux levées de fonds (32 millions d'euros) plus tard, Qonto annonce 50 000 clients et compte 160 salariés. La néobanque française s'est déployée en Italie, Allemagne et Espagne depuis cet été et s'affiche comme un des leaders du secteur dans l'hexagone. Ses ambitions sont fortes même si elle doit fait face à une concurrence de plus en plus importante.

Huit néobanques en France pour les entreprises

" Nous recensons 20 néobanques s'adressant au marché français. Huit d'entre elles visent les professionnels. Qonto, Anytime, Sogexia, Manager One, Shine et Holvi sont uniquement spécialisées sur cette cible. N26 et Révolut s'adressent aux particuliers et aux professionnels ", détaille en effet Stéphane Dehaies, en charge de l'activité business transformation banques pour KPMG. " Depuis trois ans, nous constatons une accélération forte de l'arrivée de nouveaux acteurs sur ce marché. Ils se positionnent sur des segments jugés comme mal ou peu desservis par les banques traditionnelles : les PME, les artisans, les indépendants notamment. "

Leurs atouts : une agilité certaine, une ergonomie bien pensée pour une expérience client agréable et des solutions technologiques efficaces répondant aux exigences de réactivité, de souplesse et d'instantanéité de plus en plus prégnantes dans les directions financières des entreprises. " Les néobanques apportent sur le marché de nouvelles fonctionnalités très appréciées, par exemple une gestion souple de la flotte de cartes bleues ou encore des capacités de prédiction de solde avec l'Intelligence Artificielle. Grâce à la technologie, elles peuvent parfois réussir à fournir un meilleur accompagnement qu'un conseiller classique devant traiter avec de très nombreux clients ", souligne Julien Maldonato, Associé innovation au sein de Deloitte. Domitille Pellerin, RAF du groupe d'éducation privé Cartesia et nouvelle cliente de Qonto, confirme : " Je me suis tournée vers une néobanque car j'avais besoin de pouvoir gérer mes cartes bancaires plus librement, sans intervention d'un conseiller. Les plafonds sont modifiables facilement, et rapidement. J'ai aussi pu donner accès à mon comptable et à certains salariés à quelques fonctionnalités, ce qui me dégage de tâches chronophages et sans valeur ajoutée. "

Les banques traditionnelles sont-elles dépassées ?

Malgré des promesses alléchantes, une réussite certaine et des croissances intéressantes, les néobanques n'ont néanmoins pas encore réussi à mettre out les banques traditionnelles. Elles doivent en effet faire face à un frein important : aucune des néobanques présentes en France ne peut, pour l'instant, proposer de solution de financement à ses clients entreprises faute d'agrément d'établissement de crédit. " Ces néobanques sont souvent agrées comme établissement de paiement au lancement de leurs activités. Résultat : même si elles ambitionnent de devenir la banque principale de leurs clients, elles sont souvent, pour l'instant, cantonnées, au rôle de banque secondaire. Elles proposent principalement des offres sur les opérations de gestion au quotidien et de paiements, poursuit Stéphane Dehaies. Il est probable qu'à l'avenir, elles cherchent à élargir leurs offres. Soit en direct, soit, plus probablement, via des partenariats avec des acteurs du financement. " Alexandre Prot, de Qonto, confirme cette ambition, même si sa banque apparait comme banque principale pour certains de ses clients ne souhaitant pas faire appel à du financement bancaire : " D'ici un ou deux ans, nous devrions être capables de proposer du financement. Soit en direct, soit, plus probablement, via des partenariats avec des services financiers avec l'émergence entre autre de l'Open Banking. "

Julien Maldonato de Deloitte pointe un autre frein au développement de ces néobanques, en faveur des banques traditionnelles : le capital confiance et notoriété de ces nouveaux acteurs. " Il est vrai qu'on entend parler des néobanques depuis 5 ans environ. Elles ont la côte dans les écosystèmes de start-ups mais le buzz n'a pas vraiment atteint les territoires moins urbanisés et les entreprises plus traditionnelles qui préfèrent encore miser sur la proximité géographique de leur conseiller et sur la solidité supposée des grandes banques bien établies. La confiance dans sa banque est un critère de choix crucial, ces nouveaux acteurs doivent donc travailler désormais sur leur crédibilité. "

Même s'il est probable que certaines néobanques ne survivront pas, pas seules en tout cas, dans ce contexte concurrentiel très dur, leur émergence permet d'amener sur le marché de nouveaux standards et poussent les banques traditionnelles à se remettre en question. " Les banques traditionnelles investissent fortement pour ne pas se laisser dépasser par ces nouvelles offres et solutions technologiques plus adaptées aux nouveaux besoins des consommateurs. A terme, je pense que nous assisterons à un alignement des offres ", souligne Stéphane Dehaies. Pour le bonheur de l'ensemble des clients donc ! " Les néobanques devront, d'ici là, trouver un business model pérenne. Pour l'instant, elles se structurent et se développent essentiellement grâce à leurs investisseurs. "

Y aller ou pas ?

" Les DAF doivent étudier les offres proposées par ces nouveaux acteurs, identifier ceux qui pourraient leur apporter un service complémentaire intéressant avec une amélioration de leur efficacité opérationnelle ou nouvelle expérience client. Ces néobanques leur permettront probablement d'être des DAF plus connectés, plus efficaces, plus proches de leurs équipes et leurs partenaires", conseille Stéphane Dehaies. " D'autant que ces néobanques sont agiles. Il ne faut pas hésiter à échanger avec elles sur les besoins. Elles seront dans la co-construction des offres de demain".

Attention néanmoins aux doubles facturations en cas de maintien d'une banque principale classique, comme le souligne Julien Maldonato de Deloitte : " Il s'agit d'identifier très précisément les besoins auxquelles la néobanque choisie répond et vérifier qu'il n'y a pas de doublons dans les services retenus d'un côté et de l'autre ".


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