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DossierIntroduction en Bourse versus émission obligataire : quels coûts pour quels bénéfices ?

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3 - Une vraie mutation pour la Daf

Reporting, communication financière auprès de la presse et des analystes, organisation de road shows... À l'issue d'une IPO, l'entreprise se trouve sous le feu des projecteurs. Une situation qui va transformer la direction financière et le métier du Daf. Issu de DAF magazine N° 12 - juin?- août 2013

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S­i le choix d'une introduction en Bourse peut constituer un formidable outil de croissance et de financement, une telle opération s'accompagne de changements structurels importants au sein de l'entreprise. Et particulièrement pour la direction administrative et financière, dont le responsable doit notamment accepter son nouveau rôle : celui de communiquant.

Information réglementée : de nouveaux défis en perspective

L'entreprise devra tout d'abord répondre à des impératifs stricts en matière de reporting. Même sur Alternext, où l'obligation en matière d'information réglementaire est allégée par rapport aux sociétés cotées sur l'Eurolist, les sociétés sont tenues de publier un rapport annuel audité ainsi qu'un rapport de gestion dans les quatre mois suivant la clôture de l'exercice. Un rapport, couvrant les six premiers mois de l'exercice, devra également être fourni dans les quatre mois après la fin du deuxième trimestre. Enfin, l'entreprise s'engage à publier les rapports relatifs aux conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil d'administration.

Certaines sociétés disposent des structures requises pour répondre à ces exigences avant même de procéder à l'IPO, tandis que d'autres sont obligées de mettre en place des systèmes de contrôle plus sophistiqués, qui nécessitent un effort managérial conséquent, voire une refonte structurelle. " Tout dépend de l'organisation de la société sur le plan financier avant le projet d'introduction en Bourse ", confirme Christophe Lamboeuf, Daf d'Intrasense, spécialisée dans la conception et le développement de logiciels de visualisation et d'analyse d'images médicales. Car cette mutation repose tout particulièrement sur la direction financière. " Il faut des processus de clôture bien rodés, qui permettent de produire des comptes fiables dans des délais serrés, comme dans une grande entreprise. "

Etoffer la direction financière, un passage obligé ?

Olivier Jolland, Daf (Tessi)

" En termes d'organisation, cette opération ne va pas forcément nécessiter de créer de nouveaux postes ", poursuit Christophe Lamboeuf. " Il faut renforcer les effectifs au besoin, mais ils sont parfois disponibles au sein de la société ", confirme Denis Bley, le Daf de Linedata, éditeur de solutions dédiées aux professionnels de l'asset management, de l'assurance et du crédit. " On devra en revanche leur demander davantage de travail. " La société Tessi, par exemple, a procédé à une véritable restructuration à l'occasion de son IPO, en 2001. " Nous avons mis en place une organisation permettant de raccourcir les délais de publication et d'accélérer les fréquences de reporting, dans le cadre de contraintes réglementaires plus fortes ", explique Olivier Jolland, Daf de l'entreprise de traitement de flux, qui développe un chiffre d'affaires de 235 millions d'euros. " Nous avons établi des processus permettant une totale traçabilité et une auditabilité, ajoute-t-il. Tout ceci s'est accompagné d'une organisation de type support partagé qui nous a permis de professionnaliser et de spécialiser les équipes avec une élévation du niveau moyen d'expertise à chaque poste. "

DAF de société cotée, un métier à part

Mais la charge de travail supplémentaire ne se limite pas aux obligations en matière d'information réglementée. Le Daf d'une PME ou d'une ETI cotée en bourse verra son métier changer en profondeur, notamment sur le plan de la communication, puisqu'il devra tenir le marché informé de l'évolution de l'activité de l'entreprise et de sa situation financière. Cet aspect passe par la rédaction de communiqués, mais surtout par des réunions et des road shows. Si certaines sociétés font le choix de recruter une personne à plein-temps pour gérer les investor relations, c'est généralement le Daf qui s'en charge en PME. C'est le cas chez Linedata, qui compte une trentaine d'investisseurs institutionnels dont les fonds détiennent des actions de la société, et qui sollicitent des présentations en one-to-one. Denis Bley, Daf de la société, évalue à une demi-journée par mois le temps consacré à la communication financière auprès des analystes et des investisseurs. Mais le directeur financier peut y passer beaucoup plus de temps, notamment quand la société prépare un nouvel appel au marché.

" Lorsque l'entreprise est cotée, le directeur financier est soumis à la sagacité des analystes financiers, qui vont le challenger plusieurs fois par an, ajoute Denis Bley. Ils voudront savoir pourquoi telle annonce, effectuée au dernier semestre, ne s'est toujours pas concrétisée, par exemple. Il faut apprendre à échanger avec eux. " De quoi justifier, au besoin, un coaching ou une formation spécifique pour acquérir les compétences nécessaires, quitte à faire appel pendant quelques mois à un consultant extérieur. Et il est des profils plus aptes que d'autres à assumer ces nouvelles fonctions : " On trouve parfois des directeurs financiers qui sont de purs techniciens, pas forcément ouverts sur l'extérieur... Or, il faut que le Daf d'une entreprise cotée soit un excellent communiquant. Dans ce type de situation, le Daf doit aussi être orienté haut de bilan. C'est une culture assez particulière, qu'on ne trouve pas toujours dans le cadre d'une PME ", souligne Christophe Lamboeuf.

Focus : IBO, une charge de travail conséquent pour la direction financière

L'IBO, l'offre obligataire proposée par NYSE Euronext, s'adresse aux sociétés cotées et non cotées. Pour les premières, le travail du Daf ne change pas, puisque le processus d'introduction est similaire à une IPO et que le processus n'implique pas d'obligation déclarative additionnelle. En revanche, la direction financière d'une entreprise non cotée qui se lance dans une IBO sera soumise à une charge de travail supplémentaire comparable à celle d'une société cotée en matière de reporting.

Les obligations déclaratives sont fonction du marché de cotation. Plus souples sur Alternext, elles nécessitent néanmoins la publication de plusieurs rapports annuels. En ce qui concerne la communication auprès des investisseurs, le travail du Daf sera similaire à celui d'une entreprise cotée, avec la publication de communiqués et l'organisation de road shows. Comme dans le cadre d'une IPO, les investisseurs voudront connaître les performances de l'entreprise - d'autant plus que leur investissement sera perdu en cas de défaut. Surtout, une communication régulière et efficace permettra de rassurer le marché, et donc de solliciter de nouveau le marché obligataire si les besoins de l'entreprise le nécessitent. " Si l'entreprise veut que l'opération s'inscrive dans la durée et que les investisseurs aient un appétit pour un deuxième ou un troisième tour, une communication régulière est nécessaire ", confirme Alain de Woillemont, Daf d'AgroGeneration, société de production agricole, qui a procédé à une IBO de 9,4 millions d'euros sur Alternext l'an dernier et a renouvelé l'opération en avril 2013 pour lever 11 millions d'euros.

Antoine Pietri

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