DossierIntroduction en Bourse versus émission obligataire : quels coûts pour quels bénéfices ?
La bourse des PME est devenue réalité le 23 mai 2013. Un peu plus tôt, NYSE Euronext lançait l'Initial Bond Offering. Comment le Daf peut-il se positionner lors d'une telle opération de financement ?

Sommaire
- Les différents coûts d'une IPO et d'une IBO
- Introduction en Bourse : des prestataires incontournables
- Entrée en Bourse : des frais récurrents à ne pas négliger
- Anticiper l'après-bourse
- Quand faut-il envisager une IPO ou une IBO ?
- L'IPO, pour obtenir des fonds propres et gagner en notoriété
- L'émission obligataire, un outil à réserver aux ETI ?
- Une vraie mutation pour la Daf
- Information réglementée : de nouveaux défis en perspective
- Etoffer la direction financière, un passage obligé ?
- DAF de société cotée, un métier à part
- Cas pratique Spineway : " La préparation de l'IPO a représenté trois mois de travail à temps plein "
- Préserver l'indépendance de la société
- Monter en puissance sur le contrôle de gestion
- Cas pratique Inside Secure : " J'ai piloté avec succès l'introduction en Bourse de ma société?"
- La communication, clé du succès
- Pour aller plus loin
1 Les différents coûts d'une IPO et d'une IBO
Bourse ou émission obligataire, la première étape consiste, pour l'entreprise, à choisir quel marché lui convient. Si elles optent pour l'IPO (initial public offering), en France, les sociétés peuvent être cotées sur le marché libre, sur Euronext ou sur Alternext. Dispense de produire des comptes trimestriels audités et réalisation d'une opération d'un montant minimal de 2,5 millions d'euros : Alternext attire " la plupart des PME, qui sont plus à l'aise sur ce marché aux contraintes moins fortes ", remarque Marc Lefèvre, directeur du développement commercial et des relations émetteurs chez NYSE Euronext. Réservé aux entreprises dont la capitalisation va de 100 millions à 1 milliard d'euros, Euronext impose une réglementation beaucoup plus stricte, avec la communication trimestrielle du CA et la publication de comptes semestriels et annuels aux normes IFRS.
Dans le cadre d'une IBO (initial bond offering), les obligations émises par l'entreprise seront également cotées sur un marché. Une cotation sur Alternext nécessite une émission minimale de 5 millions d'euros, contre 10 millions minimum sur Euronext. Le choix du marché effectué, reste à définir les coûts générés par l'opération envisagée : recours à des conseils, frais de maintien, voire passage aux normes IFRS... et retrait de cote.
2 Introduction en Bourse : des prestataires incontournables
" Les coûts d'introduction sur Euronext ne sont pas nécessairement plus élevés que sur Alternext, remarque Damien Rahier, directeur général de la société de Bourse Portzamparc. Toutefois, une entreprise qui n'est pas déjà conforme aux normes IFRS devra anticiper certains frais supplémentaires pour être cotée sur Euronext. " En plus des conseils habituels des dirigeants, trois prestataires de service jouent un rôle prépondérant lors d'une IPO :
- le listing sponsor, qui établit le prospectus qui sera visé par l'AMF ;
- le PSI (prestataire de service en investissement), un intermédiaire financier qui place les titres de l'augmentation de capital ;
- l'agence de communication financière.
La commission prélevée par le PSI s'inscrit dans une fourchette comprise entre 3,5% et 5% environ des fonds levés, tandis que les frais liés au travail du listing sponsor s'élèvent à 2%. Côté communication financière, prévoir de 50 000 à 200 000 euros en fonction de la portée de l'opération.
Autre élément : les frais d'admission prélevés par NYSE Euronext, environ 0,4% de la somme levée. Au total, les coûts sont en général compris entre 5 à 7% du montant levé. Pour une IPO de 10 millions d'euros, ils peuvent atteindre 700 000 euros, quand, pour une levée de fonds de 50 millions d'euros, ils seront aux alentours des 2,5 millions d'euros.
Les conditions d'une émission obligataire sont comparables à celles d'une IPO. Le principal document à fournir par l'entreprise est le prospectus visé par le régulateur. Outre la préparation de ce prospectus, qui entraînera des frais d'avocats, il faudra également prendre en compte la commission des banques qui accompagneront l'entreprise lors de l'opération. La particularité de l'IBO est qu'elle nécessite l'obtention d'une note attribuée par une agence de notation agréée, comme Scope Credit Rating, Euler Hermes Rating ou Creditreform. Cette notation permet aux investisseurs de juger de la solidité financière de l'entreprise. Elle est facturée entre 15 et 50 000 euros.
Au total, les frais d'émission initiaux pour une IBO sont très variables mais représentent de 2 à 5% du montant levé. " L'avantage est qu'il est possible d'intégrer ces frais au nominal. Il n'y a donc pas d'impact sur le compte de résultats, mais simplement un impact bilanciel ", remarque Alain de Woillemont, Daf de la société AgroGeneration. L'entreprise de production agricole a procédé à une IBO de 9,4 millions d'euros sur Alternext l'an dernier et a renouvelé l'opération en avril 2013 pour lever 11 millions.
" Malgré le bilan positif de notre IPO, nous avons procédé à un retrait en raison d'une liquidité faible sur le marché. "
Maesa, qui crée et développe des gammes de produits de beauté, est entrée en Bourse en 2006. Elle développe alors un CA de 20 millions d'euros. Début 2011, la société, dont le CA a atteint 76 millions d'euros, ne trouve plus d'avantages à être présente sur les marchés financiers et décide de mettre fin à l'aventure. " Le bilan est tout de même globalement positif, puisque ce passage sur les marchés actions a permis d'asseoir l'entreprise et l'a aidée dans ses opérations de croissance externe, estime Pascal Magne, le Daf de Maesa. Mais l'intérêt est devenu limité en raison d'une liquidité faible sur le marché. Le fait de sortir de la Bourse permet de recentrer l'énergie dépensée à préparer des communiqués et à organiser des réunions investisseurs sur des choses utiles au développement de l'entreprise. " Depuis le retrait de la cote, Maesa économise un peu plus de 200 000 euros annuels de frais. Le coût de l'opération, pour l'entreprise, a représenté environ 600 000 euros.
3 Entrée en Bourse : des frais récurrents à ne pas négliger
Que ce soit pour une IPO ou une IBO, l'entreprise règlera des frais récurrents. Pour la première opération, ces coûts fixes sont liés à l'audit des comptes, à l'animation boursière du titre et aux actions de communication. La société devra s'acquitter d'un contrat de liquidité de 10 à 20 000 euros annuels, destiné à fluidifier le cours boursier de l'entreprise. Les frais incluent aussi l'audit des comptes : une entreprise cotée sur Alternext publiera ses comptes annuels audités sur le site de NYSE Euronext. " Au total, l'entreprise doit faire face à des frais minimaux de 100 000 euros annuels pour maintenir l'opération, mais ce chiffre peut atteindre 200 000 euros ou plus en fonction des opérations de communication décidées par la direction ", précise Damien Rahier (Portzamparc).
De nombreuses sociétés utilisent la Bourse comme un moyen de communiquer vis-à-vis de leurs prospects, de leurs clients ou de leurs partenaires, voire des investisseurs, au moyen de road shows. " Cette communication a un prix, mais il est moins important que celui d'une campagne de publicité comprenant des spots télévisés, et elle permet que la presse financière s'intéresse au dossier ", ajoute le dg de Portzamparc. Par ailleurs, toute société déjà cotée a la possibilité de procéder à une émission secondaire pour lever des capitaux supplémentaires. Les coûts sont alors moins importants que ceux de l'IPO initiale, mais certains coûts fixes demeurent. " Pour une levée de fonds complémentaire, les frais n'atteindront pas 5% ", confirme Damien Rahier. Dans le cas d'une IBO, les frais récurrents seront liés au coupon, c'est-à-dire à l'intérêt qui sera versé chaque année aux investisseurs. Le niveau du coupon, très variable, est choisi par l'entreprise, aidée de ses conseils. Son montant est principalement lié au risque, et donc à la notation de l'entreprise. Si les groupes très solides peuvent se permettre d'émettre des obligations avec un rendement inférieur à 5%, les coupons des PME se situent en général entre 7 et 9,5%. La société immobilière Capelli, qui a procédé à la première IBO sur Alternext l'an dernier, proposait un rendement annuel brut de 7% pour une notation BBB.
Outre le coupon, les frais récurrents de l'IBO incluent aussi la mise à jour de la notation, dont le montant, variable, peut atteindre 30 000 euros annuels. Il faut aussi compter un contrat auprès d'un partenaire financier qui s'occupera de la mécanique de collecte et du paiement du coupon chaque année. Là encore, ces frais sont très variables, en fonction du nombre d'obligations émises et du nombre de souscripteurs.
Comme Euronext et Alternext, le marché libre est un compartiment qui permet aux entreprises d'être cotées. Ce marché, dépourvu de réglementation, ne nécessite aucune obligation de communication trimestrielle ou semestrielle des résultats de la société. Beaucoup de professionnels refusent d'y travailler en raison du manque de régulation. " Pour nous, le marché libre n'est pas un véritable marché boursier. Nous avons cessé de le regarder à compter du jour où Alternext a été créé ", explique Damien Rahier, dg de la société de Bourse Portzamparc.
4 Anticiper l'après-bourse
Il arrive que le fait d'être coté ne corresponde plus aux aspirations de l'entreprise. Liquidité insuffisante, notoriété ou capitaux propres suffisants pour poursuivre son développement : il est alors temps d'envisager un retrait de la cote, mais cela entraîne des frais. Ceux-ci sont constitués du montant du rachat des actions en circulation, puisque l'entreprise doit tout d'abord lancer une offre publique de rachat et rassembler 95% des titres. Par ailleurs, la société devra préparer une note d'opération dans le but d'obtenir le visa de l'AMF, qui vérifiera que les actionnaires minoritaires ne sont pas lésés par la sortie de la cote. Il faut également compter la commission de la banque qui gère le retrait, ainsi que des conseils divers. " En dehors du rachat des titres, on peut estimer quele montant total des coûts représente au moins 200 000 euros. Mais il peut s'élever à beaucoup plus, en fonction du profil de la société ", avertit Damien Rahier.
NYSE Euronext a procédé le 23 mai au démarrage d'EnterNext, la nouvelle place de marchés dédiée aux PME et aux ETI. Cette filiale de l'opérateur boursier couvre les sociétés dont la capitalisation est inférieure à 1 milliard d'euros. L'entité a pour ambition de promouvoir auprès des PME et des investisseurs des sources de financement alternatives. La Bourse, en premier lieu, mais aussi de nouveaux services, comme l'offre obligataire IBO lancée l'an dernier. La filiale a annoncé qu'elle pratiquerait des réductions tarifaires incitatives, dont une remise de 10 % sur les frais d'introduction en Bourse et de 50 % sur les frais de transfert depuis le marché réglementé. Interrogée par DAF Magazine, Caroline Weber, la directrice générale de Middlenext, s'est montrée réservée sur les perspectives d'EnterNext. " Les réductions annoncées sont insuffisantes au regard des marges de NYSE Euronext, qui sont disproportionnées car le groupe est dans une situation de monopole ", a-t-elle déclaré.
En plus du temps passé en interne par les équipes dirigeantes pour préparer l'opération, celle-ci engendre des frais importants. Le chiffrage dépend de critères comme la taille de la société, le montant levé ou encore le choix des conseils. Issu de DAF magazine N° 12 - juin?- août 2013
5 Quand faut-il envisager une IPO ou une IBO ?
Depuis le choc sans précédent qu'a représenté la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008, le marché des introductions en Bourse est resté au point mort dans l'Hexagone. Une tendance qui s'explique par une défiance générale face à l'incertitude des marchés actions, mais aussi par l'atonie de l'économie française. Pourtant, face aux difficultés récurrentes que rencontrent les PME pour trouver des financements auprès des banques, des entreprises recommencent à se pencher sur la possibilité d'une introduction en Bourse. " Nous constatons que de plus en plus de sociétés sont intéressées. Elles nous demandent de travailler sur ces sujets, même si elles ne passent pas forcément à l'acte ", confirme Damien Rahier, le dg de la société de Bourse Portzamparc. Par ailleurs, depuis l'introduction par NYSE Euronext d'un mécanisme appelé IBO (pour initial bonds offering), les PME ont désormais accès au marché obligataire, longtemps réservé aux seules grandes entreprises.
6 L'IPO, pour obtenir des fonds propres et gagner en notoriété
L'appel aux marchés boursiers sert principalement à lever des capitaux propres pour permettre de répondre à des besoins de ressources financières liés aux investissements. Ainsi, l'IPO de la société Maesa, spécialisée dans les produits de beauté, lui a notamment permis de procéder à deux acquisitions importantes aux États-Unis en 2007 et 2009. Et une fois introduite en Bourse, l'entreprise pourra de nouveau solliciter le marché, avec une dilution des droits de vote et du capital détenu par les actionnaires historiques plus ou moins forte en fonction de l'évolution du cours de l'action. Par ailleurs, il lui sera possible de financer une partie de sa croissance externe, le cas échéant, par paiement en titres des actionnaires de l'entreprise cible, sans peser sur la trésorerie de la société. Au-delà de la question du financement, le fait d'être coté en Bourse permet également d'améliorer la notoriété de l'entreprise.
Lorsque Intrasense est entrée en Bourse en février 2012 sur Alternext (la filiale d'Euronext dédiée aux small caps et mid caps), la société voulait profiter d'une ouverture à l'international. " Outre le fait d'accéder à des fonds propres sans créer de la dette, cette opération nous a apporté de la visibilité. Lorsque vous dites que vous êtes coté sur NYSE Euronext, cela parle tout de suite à un interlocuteur américain ", explique Christophe Lamboeuf, le Daf de l'éditeur de logiciels spécialisés dans l'imagerie médicale.
Mais le choix d'entrer en Bourse est à étudier avec précaution. En plus d'un coût élevé pour procéder à l'IPO (initial public offering) et des frais de maintien, l'opération est synonyme d'une dilution du capital. Par ailleurs, un tel choix ne convient pas nécessairement à tous les profils d'entreprises. La réaction des marchés actions diffère en fonction du business model de la société : " La Bourse a plutôt tendance à apprécier les entreprises de croissance, observe Damien Rahier. Et une entreprise qui fonctionne avec un business model récurrent et une rentabilité acceptable mais une faible croissance sera moins bien valorisée. "
7 L'émission obligataire, un outil à réserver aux ETI ?
Les entreprises qui souhaitent éviter une dilution du capital peuvent opter pour une émission obligataire. L'IBO, mécanisme introduit l'an dernier par NYSE Euronext, permet aux PME et aux ETI de faire appel au marché obligataire, et ainsi de s'endetter à cinq ou dix ans, soit à plus longue échéance que le crédit bancaire. Contrairement à ce dernier, l'IBO est dépourvue de clauses contraignantes ou covenants. Cette opération oblige toutefois les entreprises à passer par une agence de notation pour valider l'opération.
Vidéo : présentation de l'IBO par Eurnoext (en anglais)
L'une des plus grosses opérations en la matière a été réalisée par la société Capelli (cf. DAF magazine n° 11, p. 14), qui a émis 11,7 millions d'euros d'obligations à cinq ans, une durée moyenne pour ce type d'opération, avec un coupon fixé à 7 %. La société de promotion immobilière visait un montant de 15 millions d'euros, mais la demande n'a pas permis d'atteindre cette somme.
Ce marché reste aujourd'hui timide, et certains spécialistes se montrent réservés quant à la pertinence de ce recours pour les petites entreprises. David Brault, directeur de la société de management de transition spécialisée en finance Objectif Cash, estime que ce type d'opération n'est pertinent que pour les entreprises de plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. " En théorie, il est possible de financer 5 millions d'euros par de l'emprunt obligataire mais, en pratique, il s'agit de sommes beaucoup plus importantes, explique-t-il. L'intérêt principal est d'éviter la dilution des actionnaires, mais les contraintes sont très nombreuses. L'obligation de transparence est comparable à celle d'une société cotée. "
La solution, pour les PME, peut consister à se regrouper pour accéder au financement obligataire. Entre septembre et décembre 2012, le fonds obligataire Micado France 2018 a ainsi procédé à 14 émissions obligataires de PME et d'ETI avec une maturité de six ans, pour un montant total d'environ 60 millions d'euros. Ces sociétés (Manitou, Homair Vacances, Orapi, ou encore Solucom) n'étaient pas susceptibles d'émettre individuellement un volume suffisant d'obligations pour monter seules une opération, mais l'émission est devenue possible en se regroupant.
Carmat, Stentys, Mauna Kea Technologies, Intrasense, Vexim, Erytech, Theradiag, EOS Imaging, SpineGuard... En France, la majorité des introductions en Bourse réalisées ces derniers mois ont lieu dans la filière biomédicale ou "med-tech". Une tendance qui s'explique par le fait que " les logiciels médicaux ou biomédicaux, la recherche en laboratoire et les "medical devices" constituent un secteur très actif dans l'Hexagone ", remarque Christophe Lamboeuf, Daf d'Intrasense.
Une autre piste, celle des émissions obligataires "jointes", à l'instar de celles coordonnées par Arkeon Finance, qui a accompagné les sociétés Egide et Quantel dans le cadre de deux émissions obligataires d'une durée de trois ans pour des montants respectifs de 5 et 4 millions d'euros, avec un coupon de 4 %. " Le fait de ne pas dépasser le seuil de 5 millions d'euros pour chacune des deux émissions a permis une procédure simplifiée et moins coûteuse, ne nécessitant pas l'établissement d'un prospectus visé par l'AMF ", détaille Samuel Pallotto, avocat associé du cabinet Brunswick qui a conseillé Arkeon Finance dans ce dossier. " D'ordinaire, il est très délicat de réaliser des émissions obligataires pour de tels montants ", précise-t-il.
Financer une opération de croissance externe, conquérir un nouveau marché, améliorer sa crédibilité à l'international... Tout cela peut inciter une entreprise à se lancer dans une introduction en Bourse ou une émission obligataire. Issu de DAF magazine N° 12 - juin?- août 2013
8 Une vraie mutation pour la Daf
Si le choix d'une introduction en Bourse peut constituer un formidable outil de croissance et de financement, une telle opération s'accompagne de changements structurels importants au sein de l'entreprise. Et particulièrement pour la direction administrative et financière, dont le responsable doit notamment accepter son nouveau rôle : celui de communiquant.
9 Information réglementée : de nouveaux défis en perspective
L'entreprise devra tout d'abord répondre à des impératifs stricts en matière de reporting. Même sur Alternext, où l'obligation en matière d'information réglementaire est allégée par rapport aux sociétés cotées sur l'Eurolist, les sociétés sont tenues de publier un rapport annuel audité ainsi qu'un rapport de gestion dans les quatre mois suivant la clôture de l'exercice. Un rapport, couvrant les six premiers mois de l'exercice, devra également être fourni dans les quatre mois après la fin du deuxième trimestre. Enfin, l'entreprise s'engage à publier les rapports relatifs aux conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil d'administration.
Certaines sociétés disposent des structures requises pour répondre à ces exigences avant même de procéder à l'IPO, tandis que d'autres sont obligées de mettre en place des systèmes de contrôle plus sophistiqués, qui nécessitent un effort managérial conséquent, voire une refonte structurelle. " Tout dépend de l'organisation de la société sur le plan financier avant le projet d'introduction en Bourse ", confirme Christophe Lamboeuf, Daf d'Intrasense, spécialisée dans la conception et le développement de logiciels de visualisation et d'analyse d'images médicales. Car cette mutation repose tout particulièrement sur la direction financière. " Il faut des processus de clôture bien rodés, qui permettent de produire des comptes fiables dans des délais serrés, comme dans une grande entreprise. "
10 Etoffer la direction financière, un passage obligé ?
" En termes d'organisation, cette opération ne va pas forcément nécessiter de créer de nouveaux postes ", poursuit Christophe Lamboeuf. " Il faut renforcer les effectifs au besoin, mais ils sont parfois disponibles au sein de la société ", confirme Denis Bley, le Daf de Linedata, éditeur de solutions dédiées aux professionnels de l'asset management, de l'assurance et du crédit. " On devra en revanche leur demander davantage de travail. " La société Tessi, par exemple, a procédé à une véritable restructuration à l'occasion de son IPO, en 2001. " Nous avons mis en place une organisation permettant de raccourcir les délais de publication et d'accélérer les fréquences de reporting, dans le cadre de contraintes réglementaires plus fortes ", explique Olivier Jolland, Daf de l'entreprise de traitement de flux, qui développe un chiffre d'affaires de 235 millions d'euros. " Nous avons établi des processus permettant une totale traçabilité et une auditabilité, ajoute-t-il. Tout ceci s'est accompagné d'une organisation de type support partagé qui nous a permis de professionnaliser et de spécialiser les équipes avec une élévation du niveau moyen d'expertise à chaque poste. "
11 DAF de société cotée, un métier à part
Mais la charge de travail supplémentaire ne se limite pas aux obligations en matière d'information réglementée. Le Daf d'une PME ou d'une ETI cotée en bourse verra son métier changer en profondeur, notamment sur le plan de la communication, puisqu'il devra tenir le marché informé de l'évolution de l'activité de l'entreprise et de sa situation financière. Cet aspect passe par la rédaction de communiqués, mais surtout par des réunions et des road shows. Si certaines sociétés font le choix de recruter une personne à plein-temps pour gérer les investor relations, c'est généralement le Daf qui s'en charge en PME. C'est le cas chez Linedata, qui compte une trentaine d'investisseurs institutionnels dont les fonds détiennent des actions de la société, et qui sollicitent des présentations en one-to-one. Denis Bley, Daf de la société, évalue à une demi-journée par mois le temps consacré à la communication financière auprès des analystes et des investisseurs. Mais le directeur financier peut y passer beaucoup plus de temps, notamment quand la société prépare un nouvel appel au marché.
" Lorsque l'entreprise est cotée, le directeur financier est soumis à la sagacité des analystes financiers, qui vont le challenger plusieurs fois par an, ajoute Denis Bley. Ils voudront savoir pourquoi telle annonce, effectuée au dernier semestre, ne s'est toujours pas concrétisée, par exemple. Il faut apprendre à échanger avec eux. " De quoi justifier, au besoin, un coaching ou une formation spécifique pour acquérir les compétences nécessaires, quitte à faire appel pendant quelques mois à un consultant extérieur. Et il est des profils plus aptes que d'autres à assumer ces nouvelles fonctions : " On trouve parfois des directeurs financiers qui sont de purs techniciens, pas forcément ouverts sur l'extérieur... Or, il faut que le Daf d'une entreprise cotée soit un excellent communiquant. Dans ce type de situation, le Daf doit aussi être orienté haut de bilan. C'est une culture assez particulière, qu'on ne trouve pas toujours dans le cadre d'une PME ", souligne Christophe Lamboeuf.
L'IBO, l'offre obligataire proposée par NYSE Euronext, s'adresse aux sociétés cotées et non cotées. Pour les premières, le travail du Daf ne change pas, puisque le processus d'introduction est similaire à une IPO et que le processus n'implique pas d'obligation déclarative additionnelle. En revanche, la direction financière d'une entreprise non cotée qui se lance dans une IBO sera soumise à une charge de travail supplémentaire comparable à celle d'une société cotée en matière de reporting.
Les obligations déclaratives sont fonction du marché de cotation. Plus souples sur Alternext, elles nécessitent néanmoins la publication de plusieurs rapports annuels. En ce qui concerne la communication auprès des investisseurs, le travail du Daf sera similaire à celui d'une entreprise cotée, avec la publication de communiqués et l'organisation de road shows. Comme dans le cadre d'une IPO, les investisseurs voudront connaître les performances de l'entreprise - d'autant plus que leur investissement sera perdu en cas de défaut. Surtout, une communication régulière et efficace permettra de rassurer le marché, et donc de solliciter de nouveau le marché obligataire si les besoins de l'entreprise le nécessitent. " Si l'entreprise veut que l'opération s'inscrive dans la durée et que les investisseurs aient un appétit pour un deuxième ou un troisième tour, une communication régulière est nécessaire ", confirme Alain de Woillemont, Daf d'AgroGeneration, société de production agricole, qui a procédé à une IBO de 9,4 millions d'euros sur Alternext l'an dernier et a renouvelé l'opération en avril 2013 pour lever 11 millions d'euros.
Reporting, communication financière auprès de la presse et des analystes, organisation de road shows... À l'issue d'une IPO, l'entreprise se trouve sous le feu des projecteurs. Une situation qui va transformer la direction financière et le métier du Daf. Issu de DAF magazine N° 12 - juin?- août 2013
12 Cas pratique Spineway : " La préparation de l'IPO a représenté trois mois de travail à temps plein "
Au début des années 2010, l'entreprise Spineway, créée en 2005, est confrontée à une problématique double. La société, spécialisée dans les implants du rachis, qui connaît un rythme de croissance de 30% par an, doit trouver une source de financement pour développer ses activités. Par ailleurs, l'entreprise, qui désire se développer à l'étranger, et notamment aux États-Unis, est en quête de notoriété à l'international. " Nous étions à la recherche de sources de financement externe pour poursuivre l'opportunité de développement sur de gros marchés : USA, Chine, Brésil..., explique David Siegrist, le Daf de la société. Nous avons donc décidé de procéder à une introduction en bourse. "
13 Préserver l'indépendance de la société
" Nous aurions pu accéder à ces pays à fort potentiel sans financement externe, mais cela nous aurait pris sept ou huit ans. La levée de fonds a été un moyen d'aller plus vite ", précise le Daf. La société a également étudié la possibilité de faire appel à un fonds de capital-développement, " mais procéder à cet appel au marché nous permettait de garder davantage d'indépendance, puisque 20% seulement du capital a été distribué sur les marchés financiers. Ainsi, le solde reste aux mains des fondateurs. " La société, qui compte une majorité d'actionnaires français, a décidé d'être cotée sur Alternext. L'opération s'est déroulée en février dernier, avec un prix de 7,41 euros par action, permettant à Spineway de lever 4,8 millions d'euros pour financer ses besoins d'investissement pour les quatre années à venir. Pour préparer cette opération, l'entreprise a fait appel à Oddo, qui a joué le rôle de "listing sponsor" et qui assure le contrat de liquidité. " Cette préparation a représenté au moins trois mois de travail à temps plein, répartis sur quatre ou cinq mois, indique David Siegrist. Sur cette période, le Daf est obligé de mettre en stand-by certains dossiers pour se concentrer sur l'essentiel, il est impossible de lancer un projet de fond. "
Vidéo : Interview de Stéphane Le Roux, P-dg de Spineway
14 Monter en puissance sur le contrôle de gestion
Quelques mois après l'IPO, le cours de l'action fluctue autour de 10 euros, soit une hausse de 26%. Une progression qui pourrait permettre à l'entreprise de solliciter, à nouveau, le marché dans des conditions attractives, si son développement nécessite des capitaux frais. Pour l'heure, la société se concentre sur le lancement d'une nouvelle gamme de produits, en plus de son développement géographique : " Nous lançons, cette année, un produit contre la scoliose de l'adolescent et nous abordons le marché américain, sur lequel nous avons commencé à travailler l'année dernière. "
Spineway a également décidé d'étoffer la structure de la direction financière. Outre le Daf et un responsable comptable, l'équipe accueillera bientôt un contrôleur de gestion. " Nous sommes une petite société, mais il nous faut monter en puissance sur l'aspect du contrôle de gestion pour renforcer le reporting, note le Daf. Nous allons cependant rester une équipe relativement réduite, notamment parce que nous avons fait le choix d'être cotés sur Alternext, qui n'impose que la diffusion de deux comptes, un semestriel et annuel, ce qui reste raisonnable. "
Raison sociale : Spineway
Forme juridique : SA à conseil d'administration
Activité : Conception d'implants et d'instruments chirurgicaux
Dirigeant : Stéphane Le Roux
Daf : David Siegrist
Effectif 2013 : 30 salariés
CA 2012 : 4,7M €
Pour Spineway, l'arrivée sur les marchés financiers a été un moyen de capitaliser sur une forte croissance pour lever des capitaux frais et se développer sur de nouveaux marchés. Et David Siegrist, le Daf, a décidé de renforcer la direction financière. Issu de DAF magazine N° 12 - juin?- août 2013
15 Cas pratique Inside Secure : " J'ai piloté avec succès l'introduction en Bourse de ma société?"
Booster la croissance de son entreprise en misant sur son introduction en Bourse. Tel est le défi relevé par Richard Vacher Detournière, directeur général finances d'Inside Secure, spécialiste des circuits intégrés pour les transactions sécurisées. " Depuis le 20 février 2012, notre entreprise est cotée sur Nyse Euronext à Paris ", déclare fièrement le directeur financier, en rappelant l'objectif de la démarche : " Augmenter les fonds propres pour financer les investissements en R & D et le BFR de la société. " Des capitaux d'autant plus nécessaires qu'Inside Secure s'attaque à de nouveaux marchés, comme celui de la téléphonie mobile au travers de la technologie NFC, qui a commencé à décoller en 2011. " Ce qui génère en interne de nombreux investissements. D'où la nécessité de renforcer notre bilan pour consolider un tel projet de développement. "
Aussi, pour rafler la mise sur les marchés, Inside Secure a opté pour le pragmatisme : " Notre objectif étant de financer un projet de croissance, les dirigeants et investisseurs historiques se sont engagés à ne pas vendre d'actions lors de l'introduction en Bourse et à conserver les titres qu'ils détiennent ("lock-up") pour respectivement 12 et 6 mois. " Une exigence qui a été très bénéfique : " Durant la période d'offre publique, la demande de titres a été cinq fois plus importante que ceux offerts. Aussi, le prix par action, au départ fixé entre 7 et 8,54 euros, a pu finalement être établi à 8,30 euros. " Et l'entreprise a ainsi pu lever 79,3 millions d'euros, soit le montant maximal prévu par l'offre, pour une part du capital mise en Bourse d'environ 29 %.
16 La communication, clé du succès
Le secret d'une telle réussite ? " Avoir su vendre l'histoire d'Inside Secure aux investisseurs ", résume Richard Vacher Detournière, qui a effectué un "road show" dans les grandes places financières afin de faire valoir le potentiel de la société, forte d'un taux de croissance annuel dépassant les 50 % depuis 2006. " Un travail de longue haleine qui a suscité le concours de l'ensemble de l'équipe dirigeante ", même si le directeur financier fut véritablement aux commandes de l'opération. " J'ai été au coeur du projet, confirme ce dernier, en tant que coordinateur oeuvrant en partenariat avec le management et nos partenaires extérieurs. "
Pour mener à bien une telle opération, la société s'est appuyée sur un panel de spécialistes, à l'instar de Jones Day, son cabinet d'avocats, PwC, son auditeur, et les banques introductrices, BNP Paribas et Natixis. " Un soutien essentiel, note le directeur financier. Les banques ont su nous conseiller quant au timing pour optimiser les chances de succès de l'introduction en Bourse. " Une collaboration fructueuse qui amène le directeur financier à tirer une conclusion : " Pour réussir une telle opération, le Daf ne doit pas forcément être un expert dans les introductions en Bourse, puisqu'il est entouré de spécialistes dont c'est le métier. En revanche, il doit connaître en détail les rouages de son entreprise,car c'est de là que découle son aptitude à séduire les investisseurs. "
Gérer de A à Z l'introduction en Bourse de sa société. Voilà la mission à laquelle s'est attelé le directeur financier d'Inside Secure, Richard Vacher Detournière. Une opération qui a porté ses fruits, puisque l'entreprise a raflé le jackpot?: 79,3 millions d'euros?! Issu de Daf 5, avril-mai 2012
17 Pour aller plus loin
IPO : les institutionnels attirés hors d'Europe
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