Hausse des délais de paiement : la trésorerie des entreprises se maintient mais reste fragile
Malgré une inflation en baisse, les délais de paiement entre entreprises s'allongent dans un contexte politico-social à risque. Une situation qui impacte fortement la trésorerie des entreprises par effet domino. Une trésorerie qui tend à stagner mais demeure fragile selon la dernière étude Coface.
"En 2024, 97 % des entreprises interrogées accordaient des délais de paiement à leurs clients. En 2024, le délai de paiement moyen s'est allongé : il atteint 51 jours, contre 48,2 jours l'an dernier", a rapporté Bruno de Moura Fernandes, responsable de la recherche macroéconomique au sein de Coface, expert en assurance-crédit à l'occasion de la présentation de sa deuxième enquête sur les comportements de paiement en France en 2024 - Coface ce mardi 18 septembre. Et si le retard de paiement moyen atteint 45 jours pour les TPE, il est moindre dans les entreprises de plus grande taille (38 jours pour les PME et « seulement » 32 pour les entreprises de plus grande taille).
D'une façon générale, pas moins de 85% des entreprises ont constaté des retards de paiement de leurs clients au cours des 12 derniers mois, contre 82% l'an dernier. Et si ce constat vaut pour toutes les tailles d'entreprises, la majorité d'entre elles déclarent que les retards de paiement ont été plus fréquents que lors de l'année précédente. Ils sont même 29% à estimer qu'ils seront encore plus nombreux au cours des 12 prochains mois. La taille des entreprises reste un facteur important face aux retards de paiement : si la majorité des entreprises ont constaté un allongement de ces retards, ce pourcentage monte à 73% pour les TPE, contre « seulement » 55% des ETI et des grandes entreprises. Parmi les entreprises ayant subi des retards de paiement, 40% les attribuent aux difficultés financières de leurs clients, loin devant les problèmes organisationnels (27%) et la gestion des flux de trésorerie sans difficultés financières (20%).
Une trésorerie qui stagne mais "reste fragile"
"Les retards de paiements engendrent la peur de l'effet domino : les entreprises ne peuvent pas payer leurs fournisseurs car elles-mêmes ne sont pas payées par leurs clients", souligne Nathalie Paris, directrice indemnisation et recouvrement au sein de l'expert en assurance-crédit. Car, au-delà de leur durée, ces retards de paiement ont un impact de plus en plus important sur la trésorerie des entreprises. Ainsi, plus de la moitié des TPE estiment ainsi que les retards de paiement ont un impact « très important » ou « critique » sur leur trésorerie. Et 39% des PME et 21% des ETI et des grandes entreprises ont également déclaré que leur trésorerie était très impactée, contre respectivement 32% et 13% en 2023. Cependant, "La trésorerie des entreprises a arrêté de se détériorer, mais si elle stagne, elle reste fragile", analyse Bruno de Moura Fernandes de Coface. Ainsi, notons qu'en 2025, les entreprises s'attendent davantage à une stagnation de leur trésorerie qu'à une dégradation : 39% des TPE anticipent un maintien de leur trésorerie en 2025 (contre 30% une dégradation). Et de même, 51% des PME anticipent le maintien de cette trésorerie (contre 24% une dégradation).
Si la trésorerie des entrepries est en première ligne, une des nombreuses autres conséquences de ces retards de paiement est également la hausse du nombre de défaillances d'entreprises. Ainsi, selon Coface, 39 506 défaillances ont été enregistrées sur les 7 premiers mois de l'année, en hausse de 23% par rapport à 2023 et de 26% par rapport à 2019.
Des échéanciers de remboursement qui s'allongent
De son côté, Nathalie Paris, directrice indemnisation et recouvrement au sein de l'expert en assurance-crédit constate "une hausse de 5% du volumes des dossiers à traiter par son service dont 15% de dossiers supérieurs à 100 000 euros". Au sein du service recouvrement, l'analyse est la même : les délais de paiement augmentent et touchent toutes les tailles d'entreprises. "Si les demandes d'échéancier de paiement étaient en moyenne de 6 mois en 2022, ces échéanciers s'allongent et en 2024 sont en moyennne de 9 mois et peuvent pour certains aller jusqu'à 18 mois", conclut-elle.
Dans sa deuxième enquête sur les comportements de paiement en France
Enquête sur les comportements de paiement en France en 2024
Des retards toujours plus longs et plus fréquents, dans un contexte de risques politico-sociaux accrus
Paris, le 18 septembre 2024 - La deuxième édition de l'enquête Coface sur les comportements de paiement montre un allongement du délai moyen de paiement tandis que 85% des entreprises ont par ailleurs subi des retards de paiement, la majorité indiquant qu'ils sont plus longs et plus nombreux qu'en 2023. Cette détérioration des comportements de paiement se traduit par une nouvelle hausse des défaillances, désormais stabilisées à des niveaux bien supérieurs à 2019 et à 2023.
Délais de paiement, une pratique généralisée
Lire aussi : Congés d'été : gare à vos factures impayées !
En 2024 comme l'an dernier1, la pratique d'accorder des délais de paiements2 reste généralisée en France: 97% des entreprises interrogées accordaient des délais de paiement à leurs clients, et ce, quel que soit le secteur et la taille de l'entreprise. Ce pourcentage dépasse 90% dans tous les secteurs. Le délai de paiement moyen s'est allongé : il atteint 51 jours, contre 48,2 jours l'an dernier, et il est toujours nettement supérieur à ceux accordés en Allemagne3 (32 jours) et en Pologne4 (42 jours), tout en restant bien inférieur à ceux enregistrés en Chine5 (70 jours) et dans le reste de l'Asie6 (64 jours).
Signe que la pratique est bien ancrée, les TPE7 - pourtant relativement moins enclines à accorder des délais de paiement - sont tout de même 95% à le faire. Elles accordent cependant des délais plus courts, 40% d'entre elles offrant des délais inférieurs à un mois (contre moins de 20% pour les entreprises de plus grande taille).
Retards de paiement : la situation continue de se détériorer
85% des entreprises interrogées ont constaté des retards de paiement8 en 2024, contre 82% l'an dernier. Ces retards sont plus fréquents qu'en Allemagne (78% des entreprises), en Pologne (49%), en Chine (62%) et dans le reste de l'Asie (60%), où - comme en 2023 - les délais de paiement accordés sont plus longs mais les retards moins fréquents.
La majorité d'entre elles indiquent que les retards de paiement ont été plus fréquents que lors de l'année précédente : 89% des PME déclarent en avoir constaté (contre 88% en 2023). Ce pourcentage est également très important pour les ETI, les grandes entreprises et les TPE avec respectivement 84% et 80% des entreprises, contre 78% l'an dernier.
La taille des entreprises reste un facteur déterminant dans la durée des retards. 73% des TPE ont constaté un allongement de ces retards, contre « seulement » 55% des ETI et des grandes entreprises. Si la majorité des entreprises déclare des retards de paiement inférieurs à 30 jours, elles sont tout de même 46% à avoir été confrontées à un retard supérieur à un mois.
Bien qu'aucun secteur ne soit épargné, l'automobile, l'énergie, la pharmacie, l'agroalimentaire, les services financiers et la construction sont particulièrement touchés cette année avec plus de 25% des entreprises déclarant des retards supérieurs à 2 mois dans ces secteurs.
Parmi les entreprises ayant subi des retards de paiement, 40% les attribuent aux difficultés financières de leurs clients, loin devant les problèmes organisationnels (27%) et la gestion des flux de trésorerie sans difficultés financières (20%).
Les défaillances d'entreprises nettement supérieures à leur niveau d'avant-COVID
Après s'être maintenu à des niveaux particulièrement faibles jusqu'à la mi-2022, le nombre de défaillances d'entreprises a nettement progressé en 2023, avant de se maintenir clairement au-dessus des niveaux d'avant-COVID au premier semestre 2024. 39 506 défaillances ont été enregistrées sur les 7 premiers mois de l'année, en hausse de 23% par rapport à 2023 et de 26% par rapport à 2019.
Cette dynamique concerne tous les secteurs et tailles d'entreprises. Les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 250 000€ sont les plus touchées puisqu'elles représentent 87% des défaillances.
La pression persistante sur les marges et trésoreries devrait maintenir les défaillances à un niveau élevé au second semestre 2024 et (au moins) en première partie d'année 2025.
Perspectives économiques dégradées et risques multiples
Comme l'an dernier, les perspectives négatives concernant le comportement de paiement des clients s'inscrivent dans un contexte d'anticipations économiques relativement pessimistes. Quelle que soit leur taille, les entreprises interrogées s'attendent largement à une dégradation ou, au mieux, à un maintien de l'activité en France et dans le monde.
Si ce constat est similaire pour les entreprises de toute taille, les entreprises exportatrices sont plus optimistes, dans un contexte de reprise relative du commerce mondial. Les perspectives sont plus nuancées concernant l'évolution de la trésorerie, étant donné que les coûts de financement et, dans une moindre mesure, salariaux resteront élevés, alors même que de nombreuses entreprises devront continuer à rembourser leur PGE.
Si les principaux risques mentionnés par les entreprises - à savoir les difficultés de recrutement, le coût des matières premières et le ralentissement de la demande mondiale - restent globalement inchangés par rapport à l'an dernier, un risque a fait son entrée directement en première position : l'environnement politico-social en France, cité par 37% des entreprises.
Retrouvez ici l'intégralité de l'étude
1 Enquête de paiement des entreprises en France : Des retards de paiement plus longs et plus fréquents, les petites entreprises en première ligne. 8 novembre 2023. Lire les résultats de l'enquête
2 Délai de paiement : délai entre le moment où un client achète un produit ou un service et le moment où le paiement est dû.
3 Enquête sur le comportement de paiement des entreprises en Allemagne : La pression monte sous le couvercle. 12 septembre 2024. Lire les résultats de l'enquête
4 Poland Payment Survey 2023: Slightly shorter payment delays but not for all sectors. 19 décembre 2023. Lire les résultats de l'enquête
5 China Payment Survey 2024: Payment delays continued to shorten, but corporates increasingly cautious. 1 mars 2024. Lire les résultats de l'enquête
6 Asia Payment Survey 2024: Overall improvement but worsening payment behaviour in textile and construction. 4 juin 2024. Lire les résultats de l'enquête
7 Sont considérées ici comme TPE toute entreprise réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros et comme PME toute entreprise réalisant un chiffre d'affaires compris entre 2 et 50 millions d'euros.
8 Retard de paiement : paiement après expiration du délai de paiement
Sur le même thème
Voir tous les articles TrésoreriePar Marie-Amélie Fenoll
Par Pierre-Emmanuel Scherrer, [...]
Par Marie-Amélie Fenoll
Par Stéphanie Gallo