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Quelle alchimie entre un CFO et son fonds de LBO ?

La relation entre le tandem CEO/CFO, et le fonds de LBO auquel il est associé est hautement stratégique. De nombreux facteurs entrent en jeu pour que l'alchimie fonctionne. Regards croisés.

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Quelle alchimie entre un CFO et son fonds de LBO ?

Quelles sont les attentes d'un côté comme de l'autre ? Qui détient le pouvoir de décision ? Comment créer la bonne alchimie entre le CFO et le board ? Pour répondre à ses interrogations, Daf magazine a croisé les regards de Sophie Pourquery, co-dirigeante de Bee-up Capital, fonds spécialisé dans le financement de PME industrielles, et Alexis Bazin, CFO sous LBO de l'ETI industrielle Précision Global.

Sans surprise, dialogue et compréhension mutuelle font partie des principales attentes de part et d'autre. Ainsi, côté CFO « une certaine forme de transparence est attendue de la part du fonds, et dans le cas où cela n'est pas possible à un instant t, une communication adéquate a posteriori est souhaitée, explique Alexis Bazin. Le CFO attend du fonds une capacité à comprendre le travail de transformation réalisé par les équipes. Le principal souhait du CFO est de pouvoir interagir avec un board qui certes challenge, mais qui comprends et qui, in fine, prend les bonnes décisions. » Du côté du fonds, les trois qualités essentielles requises pour un CFO de société sous LBO sont d'avoir la capacité de contribuer à la vision, d'être un agent dans la conduite du changement et d'avoir le sens de l'urgence. « Par ailleurs, la réussite d'un projet d'entreprise repose sur la qualité du duo formé par le CEO et le CFO qui avancent en tandem. Le CFO doit être un contrepoids, voire un garde-fou si besoin », estime Sophie Pourquery. Tout semble donc clair. « Les rôles de chacun et le processus de décision sont établis par rapport à une stratégie définie d'un commun accord et à l'avance. Si le management remplit sa feuille de route il a toutes les raisons pour que la relation avec le fonds soit excellente », souligne la co-dirigeante de Bee-Up Capital.

Vigilance sur l'agenda

Pourtant certains facteurs viennent nuancer ce premier constat. « Cela peut se compliquer lorsqu'un événement externe change la feuille de route, reconnaît-elle. Il peut y avoir un désalignement des intérêts, des priorités différentes et un agenda bousculé de part et d'autre. Chacun doit alors créer les conditions d'un dialogue pour se réaligner. » On en revient donc à la problématique du temps court et du temps long. Le temps plus court du fonds qui, quoi qu'il arrive, doit délivrer un multiple ou un rendement à ses LP's à 5 ans et le temps plus long de la société qui est engagée dans un processus de transformation du business en profondeur. « Certes le processus de transformation est bien à l'agenda du fonds au départ, mais les difficultés de sa mise en oeuvre peuvent être, dans certains cas, sous évaluées. Un tel processus se fait en quatre temps : 1/ révision de l'organisation, 2/ adaptation des équipes impliquant souvent des mises à niveau, 3/ mise en place et optimisation des process et 4/ révision des outils et des systèmes. Cette séquence s'inscrit inévitalement dans un temps long, exigeant une implication totale du management. Or, à l'agenda du fonds peut venir se greffer la vente du business (plus rapide que prévue) ou une opération de M&A (fortement créatrice de valeur pour l'actionnaire dans une logique de revente), qui sera inévitalement disruptive pour les travaux de transformation en cours », détaille Alexis Bazin.

Si le tandem CEO/CFO est clé, la culture du fonds et la personnalité du partner sont elles aussi déterminantes et donnent souvent le ton de la relation. Par exemple, les fonds européens associent plus facilement le management à la stratégie. Toutefois, quelle que soit la culture du fonds, un minimum de confiance dans la relation est nécessaire, sans quoi cela peut générer une crise de confiance qui déstabiliserait l'entreprise. Car, si le pouvoir décisionnaire est a priori toujours dans les mains de l'actionnaire, les choses sont rarement aussi simples. « L'actionnaire a le pouvoir de remplacer le management, avec plus ou moins de difficultés, selon la taille et la maturité managériale de l'entreprise. En effet, c'est le management qui exécute la feuille de route, c'est lui qui est sur le terrain, c'est encore lui qui a les équipes en direct. Il convient donc de bien évaluer l'impact du départ du dirigeant par exemple, sur la vie de l'entreprise, les collaborateurs et l'equity value. Le remplacement du management induit un temps de latence que l'entreprise devra absorber avec un risque de désorganisation certain », insiste Sophie Pourquery. Plus la société est importante, plus elle a de process, plus le management sera interchangeable. A l'inverse, plus la société est petite, plus le CEO occupe des fonctions transversales et détient le pouvoir. Une troisième configuration existe dans l'industrie où le véritable pouvoir n'est ni aux mains du fonds, ni dans celles du CEO, mais bien entre les mains des ouvriers dont l'activité de l'entreprise dépend totalement. « Dans ce cas, le dialogue avec les représentants syndicaux est fondamental », indique Sophie Pourquery. Le pouvoir est donc pluriel, d'où la nécessité d'avoir une certaine alchimie pour que la collaboration soit profitable à tous.

Créer la bonne alchimie

Les ingrédients nécessaires à cette alchimie sont peu nombreux mais essentiels. Il faut avant tout créer et maintenir un lien régulier entre le fonds et le management (CEO/CFO). C'est ce qui permettra de créer un climat de confiance et d'écoute mutuelle. « La communication entre le CFO, ou plutôt le tandem CEO/CFO, et le fonds est essentielle. C'est une démarche vitale qui doit être structurée. Il faut bien doser ce que l'on communique, de quelle façon, à quel moment. Une part d'échanges informels hors du cadre des reportings réguliers fait au board est également importante pour nourrir le lien de confiance. Pour les revues avec le board il est essentiel d'opter pour une communication aussi simple et pertinente que possible, structurée autour de messages clés, le détail étant regroupé en annexes », conseille Alexis Bazin. L'objectif étant d'éviter les mauvaises surprises de dernières minutes. Pour le CFO qui reste le chef d'orchestre de cette communication, cela revient souvent à faire l'équilibriste sur un ligne de crête.

Quid des administrateurs tiers ?

Sous LBO, la gouvernance n'est pas seulement binaire entre le management et le fonds. La présence d'administrateurs extérieurs peut être un atout. « Avoir des tiers indépendants au board est une bonne chose si leur capacité à jouer leur rôle de modérateur médiateur est réel. Ils ont des compétences et des réseaux que le fonds n'a pas », note Alexis Bazin. Pour Sophie Pourquery, le métier d'administrateur s'est professionnalisé : « à travers des formations délivrées notamment par Science Po et l'IFA (Institut français des administrateurs) ils apprennent à challenger avec bienveillance et sans complaisance en posant des questions ouvertes. Leur rôle est d'orienter les décisions dans l'intérêt de la société avant tout. » Leur apport devient donc réel. Le tout est de trouver le bon mix par rapport au projet d'entreprise grâce à une gouvernance multiple incarnée par des administrateurs d'horizons différents.

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