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DAF et DRH : et si on apprenait à se parler ?

Ce n'est un secret pour personne, les DAF et les DRH ont parfois du mal à aligner leurs priorités. Pourtant, aujourd'hui plus que jamais, les enjeux de transformation auxquels sont confrontées les organisations nécessitent une meilleure collaboration de ces deux piliers de l'entreprise.

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DAF et DRH : et si on apprenait à se parler ?

Est-ce que le niveau de collaboration entre les DAF et les DRH doit (et peut) être encore amélioré au service d'une meilleure performance de l'entreprise ? En clair, les DAF et les DRH se comprennent-ils vraiment ? La question fait sourire Benoit Serre, vice-président de l'ANDRH (l'association nationale des DRH) et expert des ressources humaines, car le sujet relève visiblement d'un éternel débat interne entre ces deux fonctions. Sans qu'un remède miracle n'ait encore été découvert. « Ce n'est pas si facile car la direction financière et la direction des ressources humaines ne parlent pas le même langage, ne partagent pas le même planning », justifie Nadia Soussi, expert-comptable en charge de la transformation finance et associée au sein du cabinet RSM.

Deux salles, deux ambiances

« La problématique, c'est que les DAF et les DRH ne vivent pas, la plupart du temps, dans le même espace-temps. On entend parfois les DAF dire : avec les RH, le coût c'est tout de suite mais les retours c'est toujours beaucoup plus tard ! », plaisante Benoit Serre, reconnaissant grossir le trait pour faire passer l'idée générale. « En tout cas, ce qui est certain, c'est que ces deux directions ne sont pas confrontées aux mêmes contraintes immédiates, même si, bien sûr, elles se mettent toutes les deux au service de la performance de l'entreprise : le DAF va avoir des contraintes de financement, de trésorerie, etc. Le DRH doit, lui, gérer des contraintes de corps sociaux. »

Constat partagé par Bruno Mettling, aujourd'hui à la tête du cabinet de conseil stratégique et opérationnel Topics après avoir été (notamment) directeur financier adjoint du groupe la Poste, DRH du groupe Caisse d'Épargne, directeur général délégué de la banque fédérale des Banques Populaires et directeur général adjoint du groupe Orange. Topics met justement en avant, dans son accompagnement, un double fil rouge mêlant performances financière et humaine. « Les deux fonctions travaillent pour la performance de l'entreprise mais il ne faut pas sous-estimer leurs positionnements très différents. Le financier est souvent dans une position court-termiste avec de la production d'informations à réaliser à un rythme soutenu. Les DRH sont plutôt, eux, sur du moyen et long terme. Les enjeux de recrutement, de formation, etc. ne se jouent pas sur quelques semaines ou mois. » Pour autant, pour l'expert, il est plus que jamais nécessaire que DAF et DRH apprennent à (mieux) se parler. « Un dysfonctionnement entre les deux directions peut mettre en danger l'entreprise. Prenons l'exemple d'Alstom, une entreprise avec un carnet de commandes qui explosait mais une direction financière qui a serré les budgets pour faire grimper la rentabilité, sans mettre les moyens nécessaires pour assurer les commandes. Résultat : des retards de livraison, des amendes et des difficultés graves pour l'entreprise. »

Ensemble pour mieux répondre aux enjeux de transformation

Sans en arriver à ces situations potentiellement graves, dans un contexte de transformation des organisations de travail, de bouleversement technologique, d'évolution dans les ressorts de l'engagement des collaborateurs, une meilleure coordination entre la finance et les ressources humaines paraît plus que jamais nécessaire. « La coopération entre la DAF et la DRH est une des réponses à ces transformations », poursuit le patron de Topics. « Par exemple, la fonction finance est soumise à une évolution très forte avec la robotisation, l'automatisation, etc. Le DAF doit pouvoir s'appuyer sur l'expertise des services RH pour l'aider à mener cette transformation du point de vue des recrutements, de la formation, de l'accompagnement des collaborateurs. Et l'inverse est évidemment vrai. Le DRH doit s'appuyer sur le DAF pour intégrer une certaine culture analytique : cela devient aujourd'hui nécessaire de calculer le coût de l'absentéisme, du turn-over, estimer le ROI des programmes de formation par exemple. Le DAF doit aider le DRH à gérer le capital humain comme un actif stratégique. » Mais pour avancer sur ce chemin, le DAF doit se débarrasser complètement et définitivement d'une vision dépassée considérant les ressources humaines comme un centre de coût.

Le sujet des primes de partage de la valeur est, par exemple, un des champs de coopération naturelle entre les DAF et les DRH. Un mauvais partage de la valeur génère en effet un désengagement des collaborateurs et dégrade la marque employeur. Avec toutes les conséquences liées.

Plus globalement, Benoit Serre, vice-président de l'ANDRH, liste trois sujets sur lesquels DAF et DRH doivent vraiment collaborer de la manière la plus étroite possible : « Les grands projets stratégiques de transformation, la politique de rémunération et les sujets de transformation de l'organisation de travail nécessitant des investissements. » Concrètement, comment avancer sur ce chemin ? Nadia Soussi, de RSM, préconise une prise de conscience respective des périmètres de chacun, doublée de la multiplication des échanges. « Il faut que le DRH et le DAF créent de la proximité entre eux, que les échanges soient fluides. Il faut créer la relation. Chacun doit être convaincu que les échanges ne peuvent pas se limiter à des échanges de données chiffrées. Cela a été longtemps le cas dans un certain nombre d'entreprises, c'est moins vrai mais il y a encore des axes d'amélioration certains pour que ces deux directions oeuvrent conjointement au profit de la performance. »

Dans ces conditions, les PME et ETI dans lesquelles le DAF endosse aussi la responsabilité des RH seraient-elles les plus performantes sur ces questions nécessitant une double intervention ? Oui, répond Thibault d'Autume, DAF de la Fabrique By CA, qui a également les RH sous sa responsabilité. « Cela permet d'appréhender plus rapidement tous les enjeux. » Il temporise néanmoins : « Il faut que le DAF ait une appétence pour les RH et qu'il puisse s'appuyer sur des experts du sujet, dans son équipe ou en externe. » « Oui mais », répond de son côté Bruno Mettling, « à condition que le DAF soit bien accompagné ». Et c'est un non catégorique pour le vice-président de l'ANDRH : « C'est une hérésie. Cela place, de fait, les ressources humaines sous un angle financier. »

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