Dépôt de brevets, une procédure enfin simplifiée
Deux articles de la loi Pacte renforcent la protection de l'innovation et encouragent les dépôts de brevet par les PME. L'objectif ? Lever les freins à l'innovation des petites et moyennes entreprises et combler le retard de la France en matière de propriété intellectuelle.
Par la modification des articles 40 et 42, la loi Pacte souhaite inciter les PME à déposer plus de brevets. De fait, jusqu'ici, la procédure française de dépôt de brevets décourage bon nombre de petites et moyennes entreprises, qui ne protègent pas suffisamment leurs innovations. Partant de ce constat, le gouvernement à travers la loi Pacte, a tenté de rééquilibrer les choses.
Sans créer de procédure nouvelle, la loi Pacte introduit des changements dans les articles 40 et 42 relatifs " à la protection des inventions et libération de l'expérimentation des entreprises " en modifiant les régimes de certificat d'utilité et en introduisant une nouvelle procédure d'opposition au brevet. Deux mesures qui ont pour objectif de booster l'innovation et de rappeler aux PME l'importance de se protéger. Car la portée d'un brevet va bien au-delà de la simple action de protection : elle assure aux entreprises un avantage compétitif dans le cadre d'un projet de levée de fonds par exemple. De même, détenir un titre de propriété intellectuel permet de mieux exporter, notamment aux États-Unis.
Le certificat d'utilité, un mini brevet
Comparé au brevet d'invention, valable 20 ans, mais dont les modalités d'attribution sont assez contraignantes, le certificat d'utilité fait figure de "mini brevet ". Plus rapide et nettement moins coûteux à obtenir, il était jusqu'à présent délivré pour une durée de 6 ans. "C'est notamment sur ce levier qu'a choisi d'agir le gouvernement. L'article 40 renforce le certificat d'utilité en allongeant sa durée de 6 à 10 ans et en offrant de surcroît la possibilité aux entreprises de transformer ce certificat en brevet d'invention par la suite", explique Maître Elisabeth Logeais, associée chez UGGC Avocats, spécialiste en propriété intellectuelle.
Petit rappel, pour obtenir un brevet d'invention, une demande doit être déposée auprès de l'INPI pour un brevet français et de l'OEB pour un brevet européen. Attention : un brevet délivré par l'INPI n'a qu'une portée nationale. Pour obtenir une portée au niveau européen, il faut passer par l'OEB. Un rapport de recherche est établi qui donne des indications sur l'état de la technique avant le dépôt de la demande et permet d'apprécier les conditions de nouveauté et d'activité inventive que doit remplir une invention pour qu'un brevet soit délivré. Alors que l'INPI ne peut que constater le défaut "manifeste" de nouveauté pour rejeter une demande, l'OEB examine l'ensemble des conditions de validité de la demande (brevetabilité, nouveauté et activité inventive), ce qui valorise les inventions qui ont cet examen de passage. Cependant, toute cette procédure est contraignante et prend du temps. D'où la réticence de nombreuses PME à s'y aventurer...
À la place, elles peuvent avoir recours au certificat d'utilité. À l'instar du brevet, il protège une invention de produit ou de procédé, mais sur une durée plus courte. " Contrairement au brevet d'invention, la délivrance d'un certificat d'utilité ne nécessite pas de recherche préalable ni d'analyse des conditions de nouveauté et d'activité inventive ", explique Maître Elisabeth Logeais. De plus, le certificat d'utilité est potentiellement transformable en brevet d'innovation, juridiquement plus fort. "Enfin, comme de nombreux autres pays utilisent des modèles d'utilité, il sera en principe possible d'étendre le certificat à d'autres pays même si les conditions sont très variables."
Plus d'agilité, mais un risque de contestation plus élevé
Attention : dans le cas d'un certificat d'utilité, l'invention n'ayant pas fait l'objet de rapport de recherche ni d'examen des conditions de fond, sa validité n'a pu être mise à l'épreuve. Il peut donc être contesté par des tiers. "Toutefois, le certificat d'utilité reste une mesure de protection suffisamment efficace pour signaler un droit réservé", estime Elisabeth Logeais. Pour l'avocate, le certificat d'utilité est donc une option intéressante, mais avec une faiblesse existentielle de par l'absence d'examen des conditions de validité. "Cependant, modifier le régime du certificat d'utilité en permettant sa délivrance rapide avec option de le transformer en demande de brevet dans un certain délai a l'avantage de donner du temps aux entreprises. En termes d'agilité, c'est un gain certain", souligne Elisabeth Logeais.
Remettre le certificat d'utilité sur le devant de la scène est également un moyen de sensibiliser les PME à la valeur de la propriété intellectuelle et à l'importance de protéger leurs innovations. "Cela permet de redonner du crédit et de la souplesse au droit de la propriété intellectuelle, qui est un levier de valorisation et de différenciation extrêmement important pour les entreprises, surtout lorsqu'elles sont de petite taille et de taille intermédiaire", souligne Maître Elisabeth Logeais.
La deuxième disposition de la loi Pacte concernant le dépôt de brevet est l'introduction d'un droit d'opposition, porté par l'article 42. Celui-ci entérine en effet la création d'une nouvelle procédure d'opposition devant l'INPI, autrement dit une procédure administrative qui se veut une alternative plus simple que l'unique recours judiciaire en place jusqu'à présent. "Il s'agit peut-être d'une procédure plus courte que d'aller devant le tribunal et qui vise à renforcer la crédibilité du brevet, mais elle pose question. L'INPI va rendre une décision administrative qui peut aboutir à la révocation ou à la modification du brevet. Que se passe-t-il si l'une des parties souhaite contester cette décision ? Vers qui se tourner et y aura-t-il concordance des procédures au niveau européen ?", interroge l'avocate.
Le délai est un autre point de vigilance. "Il faut compter 9 mois à compter de la date de délivrance du brevet européen pour faire opposition, et le délai d'opposition à l'encontre d'un brevet français n'est pas encore fixé", précise Maître Logeais. Les entreprises auront intérêt à regarder très régulièrement toutes les publications de brevets de l'INPI si elles souhaitent exercer ce droit, qui nécessite un travail d'investigation pour démontrer que l'invention protégée n'aurait pas dû se voir accorder un brevet, faute de remplir les conditions précitées. "Enfin, il faut souligner que dans le même souci de renforcer le brevet français, l'art.42 bis de la loi Pacte prévoit que l'INPI examinera les conditions de fond de validité du brevet avant de l'accorder ou de le refuser."
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