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Anticiper les nouvelles réglementations climatiques et ESG pour 2024-2025

À l'aube de 2024, les entreprises françaises se trouvent à un carrefour crucial. Avec l'entrée en vigueur imminente de nouvelles réglementations en matière de climat et d'ESG, la préparation est la clé du succès. Ces réglementations visent à renforcer la transparence et la responsabilité, poussant les organisations à intégrer de manière proactive les considérations environnementales et sociales dans leurs opérations.

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Entrepreneuriat social
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La France, en tant que leader européen dans la lutte contre le changement climatique, impose des normes strictes aux entreprises en matière de divulgation d'informations environnementales et sociales. Selon les directives récentes de l'Union européenne, à partir de 2024, les grandes entreprises devront fournir des informations détaillées sur l'impact de leurs activités sur l'environnement. Cette exigence s'étendra en 2025 aux PME. Actuellement, environ 5 000 entités en France sont obligées de publier un Bilan des Émissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES) réglementaire. Avec l'introduction de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et sa transposition en droit français, on estime que près de 8 000 entreprises françaises seront concernées par cette obligation de reporting.

Les critères de la CSRD pour les entreprises concernées incluent les grandes entreprises, tant les filiales de sociétés non européennes que les entreprises européennes. Les sociétés avec plus de 250 employés et/ou un chiffre d'affaires annuel dépassant 50 millions d'euros et/ou des actifs totaux excédant 25 millions d'euros seront également obligées de se conformer à ces normes de reporting. Ces critères étendus signifient qu'un plus grand nombre d'entreprises devront évaluer et communiquer l'impact de leurs activités sur l'environnement et la société, ainsi que l'impact des enjeux environnementaux et sociaux sur leur performance économique.

La CSRD s'appuie sur le concept de double matérialité, demandant aux entreprises d'évaluer à la fois l'impact de leurs activités sur la société et l'environnement, et l'impact des facteurs externes sur leurs opérations. Les rapports doivent couvrir des domaines tels que la stratégie de l'entreprise, la mise en oeuvre de cette stratégie, et la performance, y compris les indicateurs clés de performance (KPI), tout en couvrant des thèmes environnementaux, sociaux, et de gouvernance, suivant les normes définies par les ESRS (European Sustainability Reporting Standards) développés par l'EFRAG.

Un rapport récent de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) indique que seulement 40 % des entreprises françaises sont actuellement conformes aux normes ESG existantes. Les nouvelles réglementations exigeront des rapports plus approfondis sur les émissions de gaz à effet de serre, l'utilisation des ressources, et les impacts sociaux.

Les entreprises doivent s'attendre à des changements significatifs, notamment :

  • L'adoption de la Taxonomie Verte de l'UE, qui définit ce qui peut être considéré comme une activité économique durable.
  • La mise en oeuvre de la norme CSRD qui impose des rapports de durabilité plus détaillés.
  • L'intégration des critères ESG dans la stratégie d'entreprise globale.

La directive CSRD, qui remplace l'actuelle directive NFRD (Non Financial Reporting Directive), vise à harmoniser et renforcer le reporting de durabilité des entreprises. Elle élargit considérablement le champ d'application par rapport à la directive NFRD, en touchant un nombre plus important de sociétés, notamment toutes les sociétés cotées sur les marchés réglementés européens, à l'exception des micro-entreprises. Elle introduit le concept de double matérialité, obligeant les entreprises à identifier leurs enjeux ESG majeurs, notamment en termes d'impacts, de risques et d'opportunités pour elles, mais aussi des impacts qu'elles peuvent avoir sur la société et l'environnement. Cette approche est structurée autour de trois domaines clés : la stratégie, la mise en oeuvre de cette stratégie, et la performance, incluant des standards de reporting transversaux, sectoriels et spécifiques.

Environ 50 000 entreprises dans l'UE seront concernées par ces nouvelles règles, une augmentation significative par rapport aux 11 700 entreprises actuellement couvertes. La directive CSRD entre en vigueur progressivement, avec une application commençant dès 2024 pour les grandes entreprises cotées (de plus de 500 employés) déjà soumises à la NFRD, et s'étendant aux grandes entreprises non cotées à partir de 2025, et aux PME cotées à partir de 2026. Les entreprises devront publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance dans un rapport de gestion au format digital.

Par ailleurs, la taxonomie verte européenne, un système de classification pour les investissements durables, jouera un rôle essentiel dans cette stratégie réglementaire. Elle permettra aux investisseurs de savoir si une activité est considérée comme durable sur le plan environnemental, en se basant sur six critères clés liés à l'environnement. Cette taxonomie est applicable à tous les acteurs européens depuis juin 2020, et à partir de l'exercice 2024, 50 000 acteurs seront concernés, couvrant non seulement les entreprises, mais aussi les États membres et les acteurs financiers.

Les entreprises doivent donc se préparer à des changements substantiels dans la manière dont elles préparent et publient leurs informations relatives à la durabilité, en intégrant une vision à la fois prospective (objectifs) et rétrospective, et en tenant compte de l'impact de leurs activités sur le monde extérieur ainsi que de l'impact externe sur leur processus de création de valeur.

Outre la directive CSRD, les entreprises françaises doivent également se conformer à d'autres réglementations ESG importantes. L'une de ces réglementations est le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) de l'UE, qui est en vigueur depuis près de deux ans auprès des acteurs financiers. Ce règlement vise à créer un écosystème de la finance durable en intégrant l'ESG dans la gestion des risques et en favorisant la transparence et le long terme. Il s'appuie sur une définition commune de ce qu'est une activité durable, en distinguant les activités contribuant à un objectif environnemental ou social, tout en appliquant des pratiques de bonne gouvernance. Le SFDR met également l'accent sur la double matérialité, qui concerne à la fois la gestion des risques financiers liés à l'ESG et la limitation des incidences négatives des investissements en matière de durabilité.

En termes de conformité, une étude de KPMG a révélé que les entreprises françaises prennent de plus en plus au sérieux la fiabilité de leur reporting ESG, avec 89 % d'entre elles ayant recours à des services de certification de l'information. Cela indique une forte anticipation des réglementations en faveur de cette pratique. Malgré cela, le rapport a également noté que la couverture des différents aspects de l'ESG dans le reporting n'est pas encore suffisamment large et précise. Par exemple, 77 % des entreprises françaises communiquent sur les risques de gouvernance, mais d'autres dimensions, telles que la biodiversité, restent peu abordées.

En outre, l'investissement dans les critères ESG est de plus en plus valorisé par les entreprises, car il attire davantage de clients, optimise la gestion des ressources, améliore l'image de marque, attire les meilleurs talents, et assure le respect des lois. La loi sur la transition énergétique de 2015, par exemple, exige que les sociétés informent sur l'intégration des critères ESG dans les fonds qu'elles offrent. Les entreprises qui appliquent déjà ces critères auront une longueur d'avance pour l'avenir, en particulier avec la détermination de l'Europe à atteindre des objectifs climatiques ambitieux promettant un durcissement et une multiplication des règlements ESG obligatoires.

Enfin, la réglementation européenne sur les critères ESG et les objectifs climatiques est en train de redéfinir le marché obligataire et aura un impact considérable sur les entreprises et leurs activités de financement. Le cadre réglementaire ESG de l'UE, qui évolue rapidement, deviendra une partie intégrante du mode de fonctionnement des entreprises et concernera tous les acteurs du marché. La taxonomie de l'UE, une classification scientifique commune des activités économiques considérées comme « vertes », joue un rôle central dans ce cadre.

Conclusion : L'horizon 2024-2025 représente un défi, mais aussi une opportunité pour les entreprises françaises. En anticipant et en se conformant à ces réglementations, elles ne répondront pas seulement aux attentes légales et éthiques, mais renforceront également leur compétitivité sur le marché mondial. L'ère de la responsabilité environnementale et sociale est à notre porte, et l'heure est à l'action.

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