Recherche

La piste d'audit fiable : une obligation toujours difficilement appréhendée

Six ans après l'entrée en vigueur de la réglementation sur la piste d'audit fiable, les entreprises ont toujours des difficultés à y voir clair. Alors comment et pourquoi est-il important de se mettre en conformité et d'engager dès à présent cette documentation ?

Publié par le - mis à jour à
Lecture
5 min
  • Imprimer
La piste d'audit fiable : une obligation toujours difficilement appréhendée

Depuis l'entrée en vigueur de la réglementation liée à la piste d'audit fiable (issue de la Directive 2010/45/UE du 13 juillet 2010), le constat est sans appel : les entreprises éprouvent toujours des difficultés à se mettre en conformité avec cette obligation. Ceci peut s'expliquer de plusieurs manières :

- Par l'absence de cadre précis quant à son formalisme, qui peut mener à une certaine incompréhension des entreprises sur le résultat réellement attendu par le vérificateur fiscal ;

- Par le caractère chronophage du projet. On attend de l'entreprise de restituer les flux de facturation de manière exacte et de s'assurer que ces derniers sont bien en conformité avec les exigences réglementaires, ce qui peut représenter un vrai challenge, surtout lorsqu'il n'existe pas ou très peu de procédures écrites en interne ;

- ou encore par l'absence de redressement. En effet, jusqu'à l'année dernière, l'administration a fait preuve d'une certaine tolérance et n'adressait aux entreprises vérifiées qu'un avertissement de non-conformité sans pour autant délivrer de PV de carence au titre d'irrégularités et manquements aux règles comptables et fiscales. Mais ceci a bien changé depuis et les redressements se multiplient.

C'est pourquoi, il est important de rappeler l'importance de mettre en place les contrôles établissant une piste d'audit fiable (" les CEPAF ") entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou la prestation de services qui en est le fondement, et de rédiger la documentation qui doit permettre à l'administration de les appréhender facilement lors d'un contrôle.

1. Qu'est ce que la piste d'audit fiable (" PAF ") ?

Le processus de facturation doit être sécurisé par la mise en place d'une Piste d'Audit Fiable pour tous les flux qui ne sont pas réalisés au moyen d'une facture électronique certifiée, autrement dit pour les factures papier et PDF simples, qu'elles soient émises ou reçues. Au-delà de la documentation des systèmes de contrôle interne, l'entreprise doit apporter une preuve légale des moyens de fiabilité mis en oeuvre.

L'objectif étant de garantir l'authenticité de l'origine, l'intégrité du contenu et la lisibilité des factures émises ou reçues.

2. Qui est concerné ?

Sont concernées toutes les entreprises qui reçoivent ou émettent les factures sous un procédé autre que EDI fiscal et signature électronique RGS**. De ce fait, la piste d'audit fiable s'applique donc aux factures pouvant présenter un risque tel que format " papier ", " pdf simple ", " EDI simple " ou encore une facture signée moyennant une signature ne représentant pas les garanties d'une signature RGS**.

3- Quels sont les enjeux ?

Les entreprises l'oublient souvent, mais en cas de défaillance de la documentation, les sanctions peuvent être les importantes :

- Pour les factures reçues : le rejet de la déduction de la TVA grevant lesdites factures.

- Pour les factures émises : la remise en cause du caractère original de la facture et une pénalité de 50% du montant de l'opération, ramenée à 5 % sur justification comptable de l'opération dans les 30 jours d'une mise en demeure, et 15 € pour chaque omission ou inexactitude constatée (étant rappelé que le montant total des amendes dues au titre d'une facture ne peut dépasser le 1/4 du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné).

4- Comment gérer ce projet : en interne ou en externe ?

Cette question devra être arbitrée par chaque entreprise. Si elle dispose des ressources suffisantes en interne, elle décidera surement d'internaliser la gestion du projet afin d'en optimiser le coût. Néanmoins, passer par un prestataire externe peut s'avérer être une meilleure solution. Pourquoi ? Comme précisé, la documentation PAF nécessite une synchronisation, parfois difficile, de nombreux acteurs internes (les directions achats, ventes, comptables, financières, logistique, etc). De plus, en tant qu'acteur interne, il est parfois difficile d'avoir une vision globale cohérente de l'intégralité du processus, notamment dû à l'éclatement des différents services dans les organisations, mais également l'accumulation des cas particuliers. Un tiers aura donc un regard extérieur et neutre et aussi une meilleure capacité à "mettre en musique" l'ensemble des parties prenantes, tel un chef d'orchestre.

5- Comment tirer avantage de cette contrainte ?

Au-delà du simple respect des obligations, la mise en place de la PAF peut être une réelle opportunité de mettre à plat l'ensemble du processus de facturation (clients et fournisseurs), d'identifier les dysfonctionnements et ainsi d'envisager des leviers d'amélioration : sécurisation des flux d'information, sécurisation du contrôle interne, optimisation de l'allocation des ressources internes, réduction du délai de règlement des clients et des fournisseurs, etc. Il serait donc inopportun de la voir uniquement comme une contrainte.

6- Le pourquoi de cette mesure ?

L'objectif principal poursuivi par l'Etat est de s'assurer que les entreprises respectent certaines règles dans leur processus de facturation afin d'éviter les fraudes liées notamment à la déductibilité de la TVA. Si les entreprises ne l'ont pas déjà fait, il est temps d'initier le chantier nécessaire pour répondre à cette obligation, au risque de se trouver démunis lors d'un prochain contrôle fiscal et se voir in fine redresser les montants de TVA déductibles.

Mojca Grobovsek est experte en TVA au sein d'Ayming. Elle accompagne depuis plus de 11 ans des entreprises sur tous les sujets liés à la TVA internationale et s'occupe des problématiques techniques liées à la territorialité et à l'optimisation des flux. Elle intervient également sur des sujets relatifs aux processus de facturation et à la mise en place d'une piste d'audit fiable. Depuis 8 ans, elle est formatrice officielle en TVA pour les Chambres de commerce de Paris Ile-de-France. Elle est également membre du conseil d'administration de l'Association internationale de TVA.

Sur le même thème

Voir tous les articles Risques
S'abonner
au magazine
Retour haut de page