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Sourcing: focus sur les risques fournisseurs au Maroc

Entreprises, formalités douanières, tribunaux ou encore liens avec le pouvoir politique, les risques fournisseurs inhérents au Maroc ne sont pas à négliger. Mais ne doivent pas détourner une entreprise de ce pays aux multiples fournisseurs potentiels, en biens comme en services.

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
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Sourcing: focus sur les risques fournisseurs au Maroc

Le Maroc peut, sous bien des aspects, se révéler une terre intéressante pour y dénicher des fournisseurs, que ce soit en biens comme en services. "Au niveau des entreprises marocaines, la langue française s'impose au côté de l'arabe. Pour un client français, c'est plus facile pour négocier un contrat. Autre atout majeur, sa proximité géographique avec le client final en France ou en Europe", avance Amine Diouri, responsable études et communication chez Inforisk.
Le Maroc est également bien classé par Coface (A4) et s'inscrit dans des accords de libre-échange avec l'Union européenne. "Ces derniers permettent aux partenaires commerciaux du Maroc de bénéficier de pas mal d'avantages sur le volet fiscal (droits de douane) et commercial (marges préférentielles)", indique Rida El Masloumi, directeur de filiale chez MVP Performance Achat. Enfin, comme le souligne Khalid Idrissi, directeur de l'appui aux investisseurs et à la création d'entreprise à la Chambre française de commerce et d'industrie au Maroc (CFCIM), "le Maroc a de belles performances en Afrique et peut être utilisé comme un tremplin vers le reste du continent africain".

Autant de raisons qui peuvent faire regarder du côté du Maroc lorsque l'on est à la recherche de fournisseurs. Il convient cependant d'être prudent sur certains points, tant les pratiques et la culture commerciales peuvent, dans ce pays qui nous paraît pourtant si proche, être éloignées de nos habitudes franco-françaises. L'évaluation du risque fournisseurs s'y heurte à quelques spécificités.

Bien noté par la Coface (A4... sachant que les notes vont de A1 à E, A4 équivaut à convenable), le Maroc se voit attribuer un score de 49/100 par Bureau Van Dijk

Tribunaux et formalités douanières aléatoires

Si, comme le rappelle Mohammed Rhalib, associé chez KPMG Maroc, "le Code de commerce est semblable au droit français", son application est plus problématique. Les tribunaux marocains sont complexes à aborder et surtout aléatoires. Frédéric Louat, directeur général de Coface Maroc, recommande de signer les contrats avec les fournisseurs en droit français désignant un tribunal en France et même un arbitrage à Paris dans le cas de gros contrats. Et Charafa Chebani, directrice du pôle CFCIM-Business France, conseille également de porter attention à la propriété intellectuelle: "Afin de bien protéger son produit et son savoir-faire pour éviter toute reproduction illégale, il est nécessaire de s'entourer de conseillers juridiques et fiscaux locaux qui connaissent les spécificités locales."

Il n'y a pas que les tribunaux qui sont difficiles à appréhender au Maroc. Frédéric Louat pointe les lourdeurs administratives qui peuvent ralentir les affaires au Maroc: "On ne peut jamais être sûr du temps que vont prendre les formalités douanières, c'est assez aléatoire. Il faut passer par des transitaires qui connaissent ces spécificités." Des sociétés qui sont choisies par les fournisseurs eux-mêmes. Il s'agit donc de savoir avec qui travaillent ses partenaires. Autre faiblesse du Maroc: le financement. "La situation du marché bancaire au Maroc est telle que le financement de trésorerie est insuffisant et qu'on se finance sur le poste client. Les fournisseurs demandent donc généralement des acomptes, explique Frédéric Louat. Mon conseil: ne fournissez pas d'acompte sans caution de restitution d'acompte."

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TPE et taux de défaillance

Une fois ces spécificités liées au Maroc connues et maîtrisées, il s'agit également de se renseigner sur ses partenaires, au risque, sinon, de se retrouver avec l'un de ses fournisseurs qui cesse son activité. Même si le taux de défaillance est proportionnellement plus faible qu'en France (de l'ordre de 6000 défaillances en 2015 selon Inforisk sur un peu plus de 500000 entreprises au Maroc, contre 63000 défaillances en France selon Altares sur environ 3 millions d'entreprises), il y a au Maroc un grand nombre de TPME: "Elles représentent plus de 90% des entreprises, indique Mohammed Rhalib. Il faut s'assurer que ces petites entreprises, si on les choisit comme partenaires, seront capables d'absorber les charges fixes si les bons de commande baissent."

Outre les informations commerciales qui permettent d'avoir une visibilité claire sur sa contrepartie - la société existe-t-elle réellement, depuis quand, quels sont son chiffre d'affaires, sa structure financière, ses actionnaires? -, Frédéric Louat conseille de se procurer des informations "non tangibles": "Quand on traite avec une entreprise marocaine, les informations non tangibles sont très importantes. Il est par exemple nécessaire de savoir de quelle famille vient le dirigeant: il y a au Maroc des familles qui ont, de par leur rôle historique, un pouvoir non dit extrêmement fort."

Pour s'assurer de la qualité de la prestation de son fournisseur, il importe également de lui rendre visite. "Les produits industriels sont en général normés mais venir visiter l'usine de son fournisseur pour s'assurer qu'il est certifié ou bien encore qu'il utilise des machines conventionnelles permet de s'assurer que les produits seront conformes à ses attentes", précise Charafa Chebani.

Dernier point à ne pas oublier: la dimension culturelle. Quand on se fournit au Maroc, il s'agit d'appréhender les différences culturelles entre la France et le Maroc afin que la relation se passe au mieux.


"Il s'agit d'être dans une relation de partenariat où chacun apporte de la plus-value"

Khalid Idrissi

Investir la sphère personnelle

Première chose à savoir: les Marocains aiment les relations commerciales qui durent, basées sur une confiance mutuelle. Ce qui signifie que "les fournisseurs marocains sont capables de se mettre en quatre pour un client avec lequel ils commercent depuis longtemps. Surtout si la relation est un peu sortie du cadre professionnel pour investir la sphère personnelle", constate Frédéric Louat. Ne pas hésiter, donc, à demander des nouvelles de la famille de vos fournisseurs et à accepter les invitations à dîner chez eux.

Et qui dit relation de confiance dit pied d'égalité. "Il s'agit d'être dans une relation de partenariat où chacun apporte de la plus-value", note Khalid Idrissi. Ne jamais prendre les Marocains de haut, qui sont fiers de leur pays et supporteraient très mal le fait d'être comparés négativement à une autre nationalité. Attention également aux messages non verbaux: "Faire attendre quelqu'un lors d'un rendez-vous est un signe de pouvoir, cela montre que l'on n'a pas vraiment besoin de lui", explique Frédéric Louat.

Enfin, la relation au temps n'est pas la même. "Il faut savoir rester zen: même si le fournisseur dit avoir un problème peu de temps avant la livraison, ce sera généralement fait dans les temps, in fine", observe Frédéric Louat. Commercer avec le Maroc est finalement tout un art... mais qui peut s'avérer payant!



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