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Assurance-crédit: un pas vers l'équilibre entre les parties
Mise en lumière en 2008 par la crise, l'assurance-crédit a pris de l'importance dans un paysage français où les retards de paiement concernent les deux tiers des entreprises. Des mesures ont été prises, notamment en faveur de l'export. Quelle est la nouvelle réalité de cette relation tripartite ?
" L'assureur-crédit est devenu en cinq ans un partenaire à part entière, au même titre que la banque ", reconnaît Armand du Chayla, trésorier du groupe Terreal, spécialiste de la fabrication de produits de construction en terre cuite. En couvrant la créance du fournisseur sur son acheteur, l'assurance-crédit permet en effet d'éviter les défaillances en chaîne. Si, dans cette relation tripartite, le lien n'est contractuel qu'entre l'assureur-crédit et l'assuré fournisseur, les effets indirects sur l'acheteur sont également importants. L'assureur doit apprécier le risque que la créance garantie ne soit pas honorée par l'acheteur avec lequel son client est en relation commerciale, et attribue une note à l'acheteur.
Pourtant, seulement 10 % des entreprises françaises de plus de dix salariés sont couvertes par des contrats d'assurance-crédit. L'encours total maximal de crédit assuré en France est compris entre 320 et 365 milliards d'euros, contre un montant total du crédit interentreprises évalué à 600 milliards d'euros. En cause, la diminution des engagements des assureurs-crédit. Selon le baromètre 2012 réalisé par le cabinet de recouvrement ARC, la tendance est relevée par 83% des sociétés interrogées.
En juin 2013, Bercy et la Médiation du crédit rendaient publics, via une convention, les engagements pris par les principaux acteurs du marché pour garantir une meilleure relation entre assureurs et entreprises. " Cette réforme est l'aboutissement du travail réalisé conjointement par le gouvernement, la Médiation du crédit et les assureurs-crédit ", indique Alexis Prevesianos, directeur grands groupes et institutions d'Euler Hermes France.
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La fin de la rupture d'encours sans préavis
En 2009, la crise frappe et l'assurance-crédit se désengage des entreprises les plus fragiles, dans un contexte où le chiffre d'affaires ne fait que chuter. Avec plus de sinistres et moins de primes, le secteur est aussi affecté. Une concertation est alors engagée entre les pouvoirs publics et les assureurs-crédit. " Dès la fin 2008, avec l'accord de la Médiation du crédit et, en mai 2009, avec la réunion à Matignon, les relations de l'État avec le secteur se structurent, poursuit Alexis Prevesianos. De bonnes pratiques ont été identifiées et la convention de juin les étend à l'ensemble du marché, de façon à ce qu'il n'y ait pas de trous dans le filet. " L'accord n'est juridiquement pas contraignant et ne prévoit aucune sanction. En tête des engagements, les assureurs-crédit signataires, à savoir Atradius, Axa Assurcrédit, Coface, Euler Hermes, Groupama Assurance Crédit, FFSA (soit 90% du marché) mettent fin à la rupture d'encours sans préavis. Pour le trésorier de Terreal, " c'est une avancée très importante car la disparition rapide des lignes sans consultation préalable était brutale et pénalisante. "
Information réciproque et assurance privée complémentaire
Des améliorations sont également apportées du côté de l'information réciproque entre acheteur et assureur-crédit. " Jusqu'alors, une entreprise acheteuse n'était pas systématiquement informée de la révision des décisions la concernant comme l'encours moyen ou la notation, explique Cyrille Charbonnel, directeur de Coface Europe de l'Ouest et France. Or, tout le monde gagne à avoir plus de transparence. L'assureur-crédit a besoin des éléments relatifs à la situation financière de l'acheteur et, de ce point de vue, le projet du Gouvernement d'assouplir l'obligation de la publication des comptes pour les petites entreprises nous paraît mal venu. " Plus précisément ce projet de loi (n° 1341, déposé le 4 septembre 2013), qui modifie le régime de la publicité des comptes en offrant aux TPE une option de confidentialité, tient compte d'une directive européenne relative aux comptes annuels et consolidés, publiée en juin dernier. Cette directive prévoit, en effet, que les plus petites entités peuvent établir un bilan et un compte de résultat abrégés. Elles ne sont plus dans l'obligation d'utiliser les comptes de régularisation pour certaines dépenses, et peuvent être dispensées d'une annexe et d'un rapport de gestion sous certaines conditions. Les États membres ont jusqu'en juillet 2015 pour transposer cette directive dans le droit national.
La convention de juin 2013 prévoit, via un système d'inscription par les sociétés à la plateforme dédiée (www.acheteurs-assurance-credit.fr), une information de l'acheteur en cas de dégradation de l'appréciation du risque le concernant. Il dispose a minima de trois semaines pour échanger avec l'assureur, au cours desquels il peut fournir tous les éléments objectifs démontrant son redressement. " Un vrai dialogue s'instaure qui conduit l'entreprise à être plus proactive et à savoir mieux se présenter, estime Armand du Chayla (Terreal). Malgré tout, le rapport de force n'est pas inversé. "
Enfin, l'État a demandé au marché de renouveler son offre complémentaire du type "CAP" afin de mieux répondre aux besoins des entreprises. Ces produits privés de couverture complémentaire donnent la possibilité de souscrire une garantie additionnelle pour mieux couvrir un encours. " En principe, notre couverture porte sur la globalité du portefeuille, indique Cyrille Charbonnel (Coface). Or, cette offre complémentaire permet d'acheter une garantie sur un client donné, que l'assuré estime stratégique ou parce qu'il est source d'une forte marge. La couverture à l'unité est à nouveau possible. "
Et demain ?
L'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2013 complète le dispositif public d'assurance-crédit sur les exportations de court terme, c'est-à-dire dont la durée de risque maximale est inférieure à deux ans.
Cette mesure s'adresse aux PME et aux ETI françaises souvent confrontées à l'impossibilité de trouver une couverture auprès des assureurs-crédit privés, en particulier sur certaines zones géographiques ou pour des secteurs économiques spécifiques, ce qui pénalise les exportateurs français dans leur développement sur les marchés internationaux. Pour répondre à cette situation, l'État redevient assureur-crédit en étendant sa garantie à la Coface (article L. 432-2 du Code des assurances) pour que celle-ci réassure des sociétés privées habilitées à pratiquer de l'assurance-crédit à l'export en France, lorsque les conditions de leur intervention sans couverture publique ne sont plus réunies (voir encadré).
Actuellement, le dispositif public d'assurance-crédit, géré par la Coface pour le compte de l'État, est essentiellement utilisé pour proposer aux créances moyen et long termes (risque supérieur ou égal à deux ans).
Pour activer le dispositif public d'assurance-crédit géré par la Coface pour le compte de l'État prévu par la loi de finances rectificative pour 2013, la PME ou l'ETI devra prouver le retrait des assureurs-crédit privés. Soit elle produit au moins quatre lettres de refus de couverture d'assureurs-crédit privés, soit elle constate la baisse significative de l'encours et du taux d'acceptation d'au moins deux assureurs-crédit privés.
La réassurance portera sur tout ou partie de l'opération mise en place par l'assureur-crédit privé. Autrement dit, elle permet d'obtenir une garantie égale, même si l'assureur-crédit la réduit ou ne la donne pas entièrement, la différence de garantie étant apportée par la Coface. Au maximum, elle est égale à la garantie de l'assureur-crédit. Le cadre d'intervention du nouveau dispositif sera limité à la couverture des exportations de court terme à destination des pays dits "à risques non cessibles", à savoir les pays autres que ceux à haut revenu de l'OCDE et de l'Union européenne. En contrepartie de la couverture publique, le bénéficiaire de la garantie versera une prime représentative du risque porté par l'État.
Si l'assurance-crédit se développe proportionnellement à l'aggravation de la pratique très française de retarder les paiements, le secteur a de beaux jours devant lui ! Ainsi, selon la consultation nationale publiée le 21 novembre par CroissancePlus et la Médiation interentreprises auprès des fournisseurs des grandes entreprises françaises, "57% des PME estiment que les délais de paiement ont augmenté par rapport à 2012".
Dans ce contexte tendu, les sénateurs ont adopté un amendement controversé. Dans le projet de loi Consommation défendu par Benoît Hamon, ministre délégué à l'Économie solidaire et à la Consommation, cet amendement inclut dans le délai global légal de paiement un délai d'approbation, c'est-à-dire le délai de vérification et de réception des biens et services (en l'état actuel, ces délais cachés peuvent porter le délai de paiement jusqu'à 120 jours). Toutefois, les sénateurs ont ouvert une porte en offrant aux entreprises la possibilité de prévoir par convention un délai spécifique lorsque des vérifications et des procédures de réception un peu plus longues sont nécessaires. La limite étant de ne pas constituer une clause ou pratique abusive.
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