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Quand les entreprises familiales font le pari d'ouvrir leur capital

L'ouverture du capital d'une entreprise familiale à des investisseurs extérieurs est un pari, voire dans certains cas une question de survie. Comment faire le bon choix? Comment éviter les écueils ? Éclairages et témoignages au détour d'une conférence organisée par France Invest la semaine dernière.

Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
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Quand les entreprises familiales font le pari d'ouvrir leur capital
© HasanEROGLU - Fotolia

Peur de ne plus se sentir chez soi, d'avoir une pression financière trop importante, ... ouvrir le capital d'une entreprise familiale à des investisseurs est toujours une affaire sensible tant pour le chef d'entreprise que pour le Daf. Cependant, certaines ont sauté le pas afin de pouvoir se développer à l'international ou pour se lancer dans un projet de croissance externe.

Investir dans un projet

C'est le cas de l'entreprise Chabé spécialisée dans le transport en voiture avec chauffeur créée en 1920, aujourd'hui entre les mains de la petite-fille du fondateur, Agnès Lo Jacomo depuis 1992 : "Je ne pouvais assumer tout seule la croissance externe de l'entreprise sans avoir à m'endetter personnellement. Nous avons alors décidé de faire entrer en 2011 un fonds d'investissement à hauteur de 25% du capital". (NDLR: en 2010: le capital de Chabé était estimé à 25 millions d'euros). Une décision stratégique de croissance externe dans un secteur très concurrentiel. "Ça s'est bien passé car il y a eu une forte baisse d'activité en 2015 après les attentats et par la suite une très forte concurrence avec l'arrivée des VTC et d'Uber. Or, c'était l'époque où devait sortir le fonds et nous avons pris des décisions stratégiques ensemble", précise la présidente du groupe Chabé à l'occasion de la conférence Comment financer sa croissance (interne ou externe) ou commencer sa transmission: les options des actionnaires familiaux? organisée par France Invest, association des investisseurs pour la croissance, le 19 novembre dernier.

Confiance et communauté d'intérêts

Le choix des partenaires financiers doit reposer sur la confiance. Communauté d'intérêts, de valeurs, ... "Pour assurer la réussite d'un tel partenariat, il faut mettre en place un comité stratégique pour échanger sur les intérêts respectifs des entreprises", estime de son côté Frédéric Coirier, président du directoire de Poujoulat, entreprise spécialisée dans la fumisterie.

Dans les entreprises familiales, le rapport au temps n'est pas le même. Il y a une volonté de construction sur la durée qui n'est pas à horizon 4 ou 5 ans, durée sur laquelle s'engagent les fonds d'investissement. "Mais ces entreprises familiales comprennent qu'elles évoluent par phase avec les actionnaires financiers sur un projet", explique Philippe Bonhomme, associé au sein de la banque d'affaires Hottinguer. Pour Frédéric Coirier, président du directoire de Poujoulat, la durée idéale d'un cycle d'investissement "serait entre 7 à 10 ans".

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Des cycles d'investissement trop courts

"L'impatience d'un financier court-termiste n'était pas compatible avec un métier comme le nôtre qui fonctionne par cycles, où la production et les prises de commandes sont souvent aléatoires. Il fallait trouver quelqu'un qui avait la patience et la passion de voir une entreprise grandir petit à petit et qui s'accorde du management déjà mis en place. Parce que dans une entreprise familiale comme la nôtre, le reporting c'est mon père qui passe la tête par la porte et qui dit : il reste des sous dans la caisse?", témoigne Pascal Piriou, à la tête du groupe du même nom basé à Concarneau en Bretagne et spécialisé dans la construction et la réparation navale. L'entreprise familiale qui "n'aurait pas osé franchir le pas de l'internationalisation en famille" a fait le pari d'ouvrir son capital en 2006 à des investisseurs extérieurs, quand la 2e génération dont est issu l'actuel président a repris les rênes de l'entreprise.

Ouvrir son capital à des investisseurs c'est aussi "confronter ses idées, décloisonner les secteurs. Avoir de nouveaux contacts au-delà des territoires", pour David Soulard, directeur général de Gautier, entreprise vendéenne de mobilier. Ainsi, "avoir un partenaire financier qui investit dans différentes typologies d'entreprises c'est très intéressant pour connaitre d'autres secteurs". Pour sortir l'entreprise de la cotation en 1999, il a fallu payer 128 millions d'euros. "Mon père a alors pris 3 LBO avec un remboursement qui court encore sur 5 ans dans l'idée de céder l'entreprise familiale à ses 4 enfants", explique un des fils, directeur général de Gautier. Aujourd'hui, le groupe exporte dans 65 pays et possède 120 magasins en propre.

Le plus gros challenge pour les dirigeants ouvrant leur capital, souligne Pascal Piriou, dirigeant du constructeur naval, est "d'accepter les taloches amicales, et de savoir jusqu'où on peut vous challenger de façon bienveillante". Mais un sujet demeure : celui du poids des taxes françaises notamment pour les entreprises qui investissent mais également pour celles qui transmettent.

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