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DossierLes évolutions de la comptabilité dans les PME et ETI

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4 - Moyens de paiement: quel avenir pour le chèque?

Si l'utilisation des chèques a baissé de moitié en dix ans, la France reste le premier pays d'Europe à recourir à ce moyen de paiement. Sa disparition n'est donc pas à l'ordre du jour. Un plan d'action pour réduire son utilisation est toutefois prévu.

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Côté entreprises, comme particuliers, la France reste championne de l'utilisation des chèques, juste derrière les États-Unis. La première étude sur ce moyen de paiement, réalisée par Edgar, Dunn & Company (EDC) pour le Comité consultatif du secteur financier (CCSF, dont le rôle est d'étudier les relations entre les établissements de crédits et assureurs avec leurs clients) montre que notre pays reste le premier pays utilisateur en Europe avec 3 milliards de chèques émis en 2010, pour un montant moyen de 555 euros, soit 20% des moyens de paiement utilisés en France. Une part qui diminue avec le temps (elle a d'ailleurs baissé de moitié en dix ans), mais qui reste importante en France.

À l'inverse, ce moyen de paiement a disparu dans 14 États européens et ne représente plus que 5% des paiements de la zone euro. Ainsi, "l'utilisation des chèques a tendance à reculer, puisque le nombre de chèques émis en 2012 a baissé de près de 6%, et de 9% en montants", ­souligne Emmanuel Constans, président du CCSF. L'arrivée du virement Sepa (single euro payments area ou espace unique de paiement en euro) devrait accélérer le rythme, voire poser la question de la disparition du chèque en France.

Salaires et fournisseurs payés par chèque

Toujours selon l'enquête de EDC menée auprès de 302 professionnels (entreprises de moins de dix salariés) et 201 PME-PMI (entre 10 et 249 salariés), ces entreprises émettent entre 9 et 35 chèques par mois, soit près de 500 millions de chèques par an. Ils sont essentiellement utilisés pour le règlement des fournisseurs et des salariés. Ainsi, au sein du groupe Korian (spécialisé dans la prise en charge de la dépendance et réalisant un chiffre d'affaires de 1,3 milliard d'euros), "nous avons beaucoup de CDD. Les salariés étant traditionnellement habitués au ­paiement par chèque, nous conservons, pour le moment, ce mode de règlement qui est plus souple, même si cela pose le problème de sécurité des paiements et d'une productivité faible", estime Didier Bonet, trésorier chez Korian.

L'impact réel du peu de productivité du chèque se mesure notamment en heure travaillée à son établissement, sa comptabilisation, sa signature manuelle dans le cas de chèque talon et parfois au contrôle de la banque. Quoi qu'il en soit, "en 2013, nous avons émis environ 4500 chèques par mois, uniquement pour le versement de salaires. Le montant moyen par chèque est d'environ 535 euros, soit au total près de 4% de notre chiffre d'affaires annuel en France" explique-t-il.

Son utilisation a un aspect psychologique: "Le chèque résulte d'une longue tradition, permettant la visualisation du montant dépensé et offrant la possibilité de gagner quelques jours de trésorerie", pointe Véronique Nassour, déléguée générale de l'AFTE (Association française des trésoriers d'entreprises). Surtout, la gratuité de ce moyen de paiement renforce son attractivité pour les entreprises. Pourtant, "le virement ne coûte que quelques dizaines de centimes d'euros, alors que le coût de manipulation du chèque est très élevé. Entre l'impression, la préparation, l'envoi, plus le temps passé du côté de l'encaissement, le coût total de la chaîne peut s'élever jusqu'à 80 euros par chèque", estime Véronique Nassour.

De même, pour les banques, le chèque revient très cher. Le CCSF évalue à 2,5 milliards d'euros le coût des 3 milliards de chèques émis chaque année, pour les banques. Le traitement d'un chèque varie donc de 50 centimes à 1 euro, selon la banque. La Cour des comptes chiffrait plutôt ce coût entre 15 et 40 centimes en 2010. Les banques encouragent donc largement les utilisateurs du chèque à aller vers des moyens de paiement dématérialisés comme les cartes de paiement, les prélèvements ou encore les virements.

Véronique Nassour l'assure: "Nous sommes clairement pour la disparition du chèque. Le traitement par les banques est cher et répercuté de manière indirecte aux entreprises." Et, dans certains cas, "la banque prélève des commissions sur les flux payés par chèque", souligne Didier Bonet. La gratuité n'est donc qu'une façade, tant pour les utilisateurs que pour les banques.

Disparition programmée?

L'avenir du chèque est en suspens. "Il est amené à disparaître de nos moyens de paiement. Mais cela demande des développements informatiques importants. Toutes les entreprises ne peuvent pas supporter un tel investissement", souligne Didier Bonet. Reste qu'un rapport publié en novembre 2012 par Emmanuel Constans et Georges Pauget, ancien président du Crédit Agricole, prévoit une baisse de moitié des émissions de chèques d'ici à cinq ans. Mais "il ne disparaîtra pas car il correspondra toujours à certains besoins, tant chez les particuliers que dans les entreprises. Ces dernières pourraient toutefois jouer un rôle moteur dans la baisse de l'utilisation du chèque, avec les particuliers", estime Emmanuel Constans.

Malgré tout, "il y a un déclin naturel de l'utilisation du chèque, mais il faudrait accélérer, accompagner et organiser cette érosion, sans pour autant rendre ce mode de règlement payant. C'est pourquoi nous avons proposé un plan d'action dans lequel nous misons sur la concertation entre les professionnels par secteur d'activité, les banques, et les organisations professionnelles. Cela devra ainsi passer par des décisions politiques consensuelles plutôt que par une loi, continue-t-il. Mais les banques ne doivent pas distribuer automatiquement des chéquiers à leurs clients ", conclut-il.

Quoi qu'il en soit, "un monde sans chèque n'apporterait que des avantages", estime Véronique Nassour. Cela engendrerait un gain de temps et d'argent, tant pour l'émetteur que pour le receveur du chèque. Mais surtout, "l'impact de la disparition du chèque, pour l'entreprise, serait un pas complémentaire vers la dématérialisation, donc vers des traitements plus sécurisés, plus économiques et plus intégrés au système d'information", conclut Didier Bonet.


L'Europe a travaillé à la disparition du chèque

En Belgique, le chèque a depuis longtemps disparu du paysage des moyens de paiement. Devenu payant, son utilisation s'est érodée naturellement, le pays n'utilisant désormais que des chèques certifiés pour les grosses dépenses (équivalent du chèque de banque, payant d'ailleurs en France).

La Grande-Bretagne a voté une loi pour une disparition programmée du chèque le 31 octobre 2018, en se réservant toutefois la possibilité de revoir le dispositif en 2016 face au comportement des Britanniques.

De son côté, l'Allemagne distribuait les chèques à l'unité et payant, les banques touchant une commission sur chaque chèque. Ces derniers ont été supprimés avec l'arrivée de l'euro en 2002.

Enfin, seuls les États-Unis rivalisent avec la France, non seulement parce que chaque banque locale distribue des chéquiers à ses clients, mais aussi parce que le règlement par carte bancaire est beaucoup moins sécurisé qu'en France.

Marianne Lagrange

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