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[Témoignage] John Tanguy, responsable innovation de la Société du Grand Paris: "Les cahiers des charges empêchent l'émergence de solutions alternatives"

Et si on repensait sa façon de procéder aux appels d'offre en rédigeant des cahiers des charges plus ouverts, en valorisant les propositions innovantes et en favorisant la discussion avec les entreprises répondantes ? Témoignage de la Société du Grand Paris.

Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
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[Témoignage] John Tanguy, responsable innovation de la Société du Grand Paris: 'Les cahiers des charges empêchent l'émergence de solutions alternatives'

Expression de besoins, puis cahier des charges, puis consultation : et si on arrêtait de se soumettre au processus classique lors des appels d'offres ? C'est la décision qu'a prise John Tanguy, responsable innovation de la Société du Grand Paris (SGP). " Ce processus classique peut tuer l'innovation. A cause d'une aversion au risque grandissante et de la loi MOP (relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, NDLR), les cahiers des charges produits empêchent l'émergence de solutions alternatives qui pourraient pourtant avoir un intérêt économique, technologique, écologique et social ", remarque-t-il.

Il pense par ailleurs que les entreprises qui répondent aux appels d'offres ne sont pas encouragées à formuler des propositions innovantes : il n'existe par exemple aucune incitation à faire autrement que par le passé. Dans ces conditions, proposer des choses nouvelles c'est risquer de perdre le marché.


Temps de discussion

La Société du Grand Paris a donc décidé de prendre ce problème à bras-le-corps. Première mesure mise en place : un critère dédié aux optimisations et aux innovations est venu s'ajouter à l'ensemble des critères d'attribution. " Entre 5 et 10 % de l'évaluation de l'offre sont dédiés à la capacité des entreprises à innover et à optimiser les projets ", précise John Tanguy.

Autre chose : des temps de discussions entre les entreprises répondantes, la SGP et ses parties prenantes (maîtrises d'oeuvre et assistance à maîtrise d'ouvrage générale) sont intégrés très tôt dans le processus afin de prendre le temps de la réflexion et de l'analyse sur la base de propositions d'innovation concrètes. " Il est demandé aux entreprises répondantes de produire un mémoire dans lequel sont présentées toutes les pistes d'innovation qui leur paraîtraient pertinentes. Nous voyons émerger des propositions très concrètes avec des impacts positifs tangibles ", explique John Tanguy. Ces ­discussions permettent de nourrir utilement l'offre de chaque candidat, ce qui est profitable aux deux parties.


Une question de confiance

La SGP veille également à rédiger de plus en plus ses dossiers de consultation des entreprises (DCE, le cahier des charges des appels d'offres publics) de manière à ce que ce soit le besoin fonctionnel qui soit décrit et non plus tel ou tel type de solution. " Il s'agit de faire confiance aux entreprises répondantes pour qu'elles nous proposent des solutions performantes que nous n'aurions pas forcément envisagées. Ou qui étaient - à tort - considérées comme risquées et écartées d'office ", indique John Tanguy.

Cet exemple de la Société du Grand Paris montre bien que les achats, loin de brider, peuvent être des accélérateurs d'innovation même au sein d'une entreprise publique soumise au code des marchés publics. " Ce qui bride, ce n'est pas tant le code des marchés publics que l'interprétation que l'on peut en faire, certaines "vieilles habitudes" et l'autocensure ", pointe John Tanguy. Plus qu'une question de processus achats, il s'agit de stratégie, de philosophie d'achats et surtout de culture.

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