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Qui dit LBO dit management package donc Daf...

Entre les promesses de belles plus-values et le risque de perdre sa mise, le management package est source d'appréhension pour les Daf embarqués dans un LBO. Conseils pour bien calibrer cet outil incontournable d'alignement d'intérêt avec les fonds d'investissement [paru dans Daf magazine déc. 2014]

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Qui dit LBO dit management package donc Daf...

" Pas de LBO sans directeur financier dans le management package " annonce d'entrée de jeu Maître Claire Revol-Renié, associée chez Scotto & Associés, cabinet d'avocats spécialisé dans l'accompagnement des managers lors d'opérations de LBO. " L'implication du Daf aux côtés du CEO est centrale dans la réussite d'une opération à effet de levier. Autrement, les investisseurs peuvent interpréter son refus de s'engager comme un très mauvais signal pouvant même parfois remettre en cause l'opération. " La messe est dite. Après le p-dg, le Daf est le principal protagoniste du premier cercle de management sur lequel repose le montage d'un LBO. Et contrairement à d'autres cultures où les dirigeants sont parfois considérés comme " une commodité " interchangeable, en France, l'implication de ces derniers est une condition sine qua non de la conclusion du deal. " Il serait incompréhensible que les hommes clés de la société n'investissent pas à nos côtés, confirme Xavier de Prévoisin, associé parisien du fonds coté britannique 3i, un des principaux acteurs du capital investissement européen. En revanche, nous tenons à ce que les sommes investies par le management respectent des proportions raisonnables et sommes très vigilants à éviter des emballements qui mettraient les managers sous une pression malsaine ".

Minimum un an de salaire

Encore faut-il savoir ce que l'on entend par " investissement raisonnable ". Pendant la bulle des LBO des années 2006/2007, beaucoup de managers appâtés par des perspectives de " jackpot " se sont endettés pour investir dans des opérations trop " leveragées " avec des business plans qui se sont révélés intenables avec la crise. L'effet de levier a alors tourné au " coup de massue " pour ces cadres dirigeants qui ont perdu toute leur mise, et parfois une partie importante de leur patrimoine personnel.


Xavier de Prévoisin, associé parisien du fonds coté britannique 3i


Car cet outil d'intéressement ne se déclenche qu'à partir d'un certain seuil de rentabilité de l'investissement (le TRI), garanti d'abord aux actionnaires financiers. Si les fonds n'atteignent par leur objectif de TRI au débouclage du LBO, le management package ne vaut rien. " Depuis la crise, les objectifs de TRI des fonds d'investissement dans les opérations de LBO sont en moyenne moins élevés, témoigne Claire Revol-Renié. S'ils étaient supérieurs à 20% dans les années 2004-2008, ils tournent plus aujourd'hui autour de 15 à 20%, ce qui abaisse en moyenne le seuil de déclenchement des mécanismes de rétrocession de plus-value pour les managers autour de 10 à 15%. " Cela dit, la mise attendue par les managers comme gage de confiance dans la faisabilité de leur business plan oscille toujours autour d'un à trois ans de salaire. " Il est difficile de faire accepter aux fonds un investissement des managers inférieur à un an de salaire, à moins de justifier d'une situation personnelle particulière. Plus que le montant, ce qui est important, c'est le rapport entre le niveau d'investissement du manager et son patrimoine", prévient l'avocate.



Goûter au " sweet equity "

Les outils optionnels habituellement utilisés pour structurer un management package ont été remis en cause par la nouvelle réglementation fiscale qui interdit l'intégration des actions de préférence et des BSA dans les PEA, mais aussi par les incessantes requalifications des titres optionnels pris en grippe par l'administration fiscale. La pratique tend donc aujourd'hui à privilégier un instrument, auparavant délaissé pour son manque de souplesse : le " sweet equity ".

Ce mécanisme tend à surpondérer l'investissement des managers en actions ordinaires en affectant une part plus ou moins importante de la mise des fonds en " quasi-equity. " Autrement dit, les investisseurs financiers utilisent des instruments dont le rendement est garanti mais plafonné (prêt d'actionnaires ou obligations convertibles), tandis que les managers sont investis principalement dans des outils de capitaux et participent donc à la plus-value de manière plus importante en contrepartie d'un risque plus élevé. " Le sweet equity présente l'avantage d'éviter des émissions de titres de plus en plus complexes et semble plus sécurisé fiscalement, pointe Claire Revol-Renié. Revers de la médaille : lorsque la durée du LBO s'allonge, le prêt d'actionnaire augmenté des intérêts capitalisés, structurellement prioritaire, risque de capter l'essentiel ou la totalité de la valeur des fonds propres au détriment des actions ordinaires, d'autant plus lorsque la création de valeur est moins élevée qu'attendue. Il existe néanmoins des solutions techniques pour y remédier et atténuer ces effets défavorables. "


La menace de la requalification fiscale

Claire Revol-Renié, associée chez Scotto & Associés

Pour les LBO secondaires, tertiaires et même quaternaires, les managers n'ont plus besoin de risquer leur patrimoine mais doivent remettre en jeu une -importante- partie de leur plus-value pour garantir à nouveau l'alignement d'intérêt avec les investisseurs entrants. " Déterminer le montant de la plus-value que le premier cercle de management doit réinvestir est un exercice délicat. Si les dirigeants rechignent à risquer leurs gains, ils envoient de très mauvais signaux à l'acquéreur et lui font comprendre qu'il achète trop cher des promesses intenables. Mais s'ils veulent réinvestir la totalité de leur plus-value, c'est le cédant qui conçoit des doutes sur la juste valorisation de sa participation et soupçonne les managers d'avoir sciemment sous-estimé le potentiel de croissance. En général, on finit par couper la poire en deux et le premier cercle remet dans le nouveau LBO la moitié de sa plus-value pour ne pas éveiller les soupçons des deux côtés " résume Xavier de Prévoisin. Encore faut-il que cette plus-value ne soit pas requalifiée par l'administration fiscale en rémunération et donc taxée en tant que salaire. Ces dernières années, le fisc, en effet, traque tous les LBO performants et requalifient à tour de bras des packages dont ils estiment que les managers n'ont pas pris un risque réel et proportionnel à leurs perspectives de gains. " Nous négocions désormais pour que la part de réinvestissement de la plus-value des managers dans un LBO secondaire ou tertiaire prenne en compte le risque fiscal et soit diminuée d'autant, indique Claire Revol-Renié. Car les contentieux peuvent durer des années et les différences d'interprétation ne permettent pas d'adopter des montages sécurisés à 100%. "

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