Investissement responsable : les PME aussi y ont droit !
Fin octobre, l'Académie des sciences et techniques comptables et financières a organisé un webinaire qui avait pour thème "PME et investissement responsable : comment favoriser le rapprochement ?". L'occasion de discuter des pistes pour aider les PME à faire leur transition sociale et écologique.
Les difficultés engendrées par la crise du Covid-19 peut faire perdre de vue aux entreprises la nécessité de faire leur transition sociale et écologique. Pourtant, s'il est un thème sur lequel parier pour l'avenir, c'est bien celui de la RSE. Il peut notamment aider à accéder au financement responsable, de plus en plus incontournable.
Seulement, les PME ne savent pas toujours comment aborder cette problématique. C'est dans l'optique de réfléchir à des pistes pour les aider à faire leur transition que l'Académie des sciences et techniques comptables et financières a organisé fin octobre un webinaire qui avait pour thème "PME et investissement responsable : comment favoriser le rapprochement ?". Un Cahier de l'Académie consacré au sujet a également été publié.
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Reconstruction durable de l'économie
Lors de ce webinaire, une table-ronde était judicieusement consacrée aux impacts du Covid-19 sur les PME et à la capacité de la RSE à les aider à rebondir. Les différents intervenants ont évidemment souligné la nécessité pour les entreprises de prendre le temps de se reconstruire mais ont vu dans les aspects sociaux et environnementaux un espoir pour une reconstruction plus durable de notre économie. "La crise questionne la durabilité des business models des entreprises. Elle offre un terreau pour réfléchir à un modèle plus durable, les entreprises étant dans une position plus dynamique que d'ordinaire", a souligné Florence Priouret, directrice de division au sein de la direction des émetteurs de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF)
La période actuelle serait donc le moment idéal pour faire sa révolution verte. D'autant plus que les intervenants ont souligné les attentes encore plus fortes des clients mais aussi des salariés et des investisseurs en matière de RSE : il semblerait que le rebond de 2021 ne puisse se faire que si on s'intéresse à ces sujets qui vont devenir capitaux.
La RSE pour mieux rebondir
Une autre table-ronde fut justement l'occasion de se demander ce qu'apportait la RSE aux PME. Pour Philippe Kunter, directeur du développement durable et de la RSE de Bpifrance, il n'y a pas de débat : "Les PME ne peuvent pas se passer de la RSE", a-t-il tranché, rapportant la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique, la recherche de sens des salariés, le réveil écologique des citoyens, etc. Un point de vue partagé par Marie-Cécile Moinier, associée cabinet BM&A, qui a prêté à la RSE la vertu de pouvoir attirer les talents et les conserver mais aussi de mieux maîtriser ses risques. Jean-Michel Mathieu, associé 1630 conseil, voit aussi une amélioration des processus qui mènent à plus de performance.
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Philippe Desfossés, vice-président du Groupe des investisseurs institutionnels sur le changement climatique (IIGCC), a ajouté la montée en puissance des attentes des investisseurs en la matière. "Même pour les PME et ETI, la façons dont sont traités ces enjeux est regardée par les investisseurs. Ne serait-ce parce qu'ils investissent pour le compte de tiers et qu'ils se sont eux-mêmes dotés de politiques d'investissements responsables", a-t-il précisé.
Produire des indicateurs fiables
Cela nous ramène au sujet du webinaire : comment accéder à l'investissement responsable quand on est une PME ? Un sujet encore plus prégnant au regard de la crise et des difficultés de trésorerie des entreprises : pouvoir accéder à de nouvelles formes de financement est primordial.
Il existe, malheureusement de nombreux obstacles : "Sur ce sujet, la communication est un enjeu majeur mais elle doit se baser sur des indicateurs fiables et les PME ne sont pas toujours assez structurées pour produire les indicateurs qu'attendent les investisseurs", a relevé Jean-Michel Mathieu, associé 1630 conseil. Pourtant, bien souvent, les PME ont déjà mené des actions sociales et environnementales, mais sans nommer cela "démarche RSE" et sans produire les indicateurs associés.
Pour aider les PME à formaliser leur démarche, Florence Priouret a donné quelques pistes : notamment, se concentrer sur quelques activités seulement, prioritaires, et réaliser des reportings extra financiers sur ces activités uniquement. "Cela offre une base intéressante pour discuter avec les parties-prenantes des entreprises, les salariés, les clients mais aussi les investisseurs", a-t-elle indiqué. Dans le Cahier de l'Académie, publié en complément du webinaire, il est également question d'un questionnaire d'auto-diagnostic élaboré sur la base du raisonnement de l'IIRC (International Integrated Reporting Council). Seuls quelques indicateurs peuvent être retenus au début, pour initier la démarche.
Intégrer la RSE dans la comptabilité
Philippe Desfossés a conseillé de son côté de se pencher sur sa comptabilité. "La comptabilité est porteuse d'énormément d'informations qui sont pour l'instant mal exploitées", a-t-il insisté. Il est donc possible de partir de ses flux comptables pour sortir des indicateurs RSE.
Et si on faisait évoluer la comptabilité des entreprises pour intégrer la RSE ? Pour Jacques de Larosière, ancien directeur général du Fonds Monétaire International (FMI) et ancien gouverneur de la Banque de France, cela est indispensable. "Aujourd'hui, l'actif est bien déterminé mais ne passif n'est pas correctement évalué : les externalités négatives ne sont pas repérées dans les comptes", a-t-il regretté, pensant que c'est le seul outil qui permettrait de régler le problème du réchauffement climatique car il servirait à faire payer les pollueurs. A condition, bien sûr, qu'il soit obligatoire...
L'Académie est d'ailleurs en train de constituer un groupe de travail pour réfléchir à un outil comptable qui intègrerait la RSE. "Si l'on veut que les entreprises s'emparent des données RSE, elles doivent être intégrées dans un outil comptable au même titre que les données financières. Elles bénéficieront ainsi d'une prise en compte systématique et pérenne", a proposé Marielle Mathieu, conseil en RSE auprès des professions comptables et financières. Cela permettra de proposer aux parties prenantes des données friables, pour initier un réel dialogue. De quoi séduire les investisseurs responsables.
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