[Tribune] D'administrateur à architecte...le virage stratégique des DAF
Si certaines choses ne changent pas, pour le meilleur ou pour le pire, d'autres ne cessent de le faire. En tant que Directeur Administratif et Financier (DAF) ou responsable financier, vous avez le pouvoir d'influencer ces changements.
Outre les évolutions habituelles d'une entreprise, nous sommes confrontés à des changements structurels plus profonds : crises économiques, profondes transformations des environnements réglementaires, pandémies et autres situations d'urgence. Certains de ces défis peuvent être relevés en abordant les questions Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG), à la fois en interne et en externe. Concernant notamment l'évaluation de l'empreinte carbone des entreprises, la Directive sur la durabilité des entreprises (CSRD) s'applique déjà en Europe, ainsi que des législations similaires dans de nombreux pays d'Asie et d'Amérique latine.
Le pouvoir des responsables financiers
D'un point de vue sociétal et en tenant compte de l'évolution du rapport au travail, les jeunes générations arrivant sur le marché recherchent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Pour maintenir l'attractivité du métier, des changements s'imposent. Ces jeunes professionnels veulent également utiliser toutes les technologies disponibles pour se décharger des tâches répétitives et se concentrer sur les plus intéressantes. Une entreprise qui ne répond pas à ces nouvelles attentes rencontrera des difficultés à recruter et fidéliser de nouveaux talents.
Ces changements, notamment ceux relevant de l'ESG, vont profondément modifier notre manière de fonctionner et notre vision des affaires. Les opérations financières sont au coeur de chaque entreprise par leur rôle de mesure et de suivi de la performance. Elles placent la Direction Administrative et Financière en position stratégique pour orienter la prise de décision.
Selon une enquête récente de Gartner, la conduite des efforts de transformation digitale dans le secteur de la finance est la principale préoccupation des directions financières en 2024. C'est une opportunité de repenser la conception des entreprises et la manière dont nous mesurons les performances pour relever ces défis de manière proactive.
Les directions financières comme architectes de l'entreprise
Les DAF jouent un rôle central dans l'adaptation aux nouvelles exigences et à l'évolution des écosystèmes commerciaux. Offrir aux équipes financières un accès à des informations en temps réel leur procure une base résiliente pour s'adapter aux changements. Cette approche permet de devenir des "techniciens numériques", maîtrisant les nouvelles exigences de suivi tout en exerçant les fonctions traditionnelles. Les chiffres de 2022 de l'observatoire ETI-PME de la DFCG reflétaient déjà ces enjeux : la moitié des DAF occupaient également le poste de DSI, déplorant toutefois le manque de compétences et d'implication des équipes internes dans les projets.
L'automatisation des processus financiers crée des bases solides pour l'entreprise et libère des ressources pour relever les vrais défis : la conformité et les exigences de suivi, le rapprochement des ressources, les questions de sécurité et la performance opérationnelle.
Trois stratégies pour une automatisation réussie
Introduire l'automatisation des processus financiers repose sur trois principaux leviers :
Optimiser les bases
Optimiser les éléments de base avant de s'attaquer aux plus complexes permettra de libérer des ressources et de mieux les utiliser. Dans le domaine des finances, cela signifie qu'il faut se concentrer sur un processus de factures fournisseurs propre avant de s'occuper des achats, supprimer la saisie manuelle des données avant de passer à une solution plus élaborée ou plus sophistiquée.
Se défaire de la mentalité de silo
Le département Finance incarne souvent le travail en silos. Au fur et à mesure que les entreprises se développent, les structures organisationnelles qui fonctionnaient bien auparavant se transforment en obstacles. Avec des équipes de plus en plus nombreuses, l'accent peut parfois être mis sur les performances individuelles ou du service, au détriment de la communication et de questions plus fondamentales, comme le flux de trésorerie. L'automatisation peut réellement améliorer la communication. En effet, lorsque toutes les informations sont disponibles et que les processus sont optimisés, les problèmes restants peuvent être traités beaucoup plus efficacement, en collaboration. Il est crucial de prévenir la formation de silos à la fois dans les départements et dans l'automatisation. Pour cela, choisir une solution intégrée est préférable à un logiciel qui ne répond qu'à un seul besoin spécifique. En couvrant un large éventail de processus et en offrant diverses fonctionnalités, elle favorise ainsi une collaboration effective et renforce la cohésion opérationnelle.
Se concentrer sur les besoins des utilisateurs
Un outil n'est utile que s'il répond réellement aux attentes des utilisateurs. Si les besoins des personnes qui l'utiliseront au quotidien ne sont pas pris en compte ou si elles ne sont pas bien formées, elles seront réfractaires au changement et les bénéfices escomptés ne seront pas atteints. Il est donc essentiel de considérer toutes les parties prenantes : les gestionnaires et les utilisateurs directs. Une gestion efficace et complète du changement est capitale : formez correctement tout le monde et sollicitez des contributions actives pendant la phase de mise en oeuvre et par la suite.
La technologie n'est pas une baguette magique mais un outil
Par définition, un outil est conçu pour réaliser une tâche de manière beaucoup plus efficace qu'un humain. L'Intelligence Artificielle, avec des techniques comme le Machine ou le Deep Learning, les opérations analytiques et des solutions comme ChatGPT, est de plus en plus intégrée dans les solutions d'automatisation. Mais tout outil, aussi performant qu'il soit, ne peut pas effectuer le travail seul. Il repose avant tout sur l'humain et sur la définition d'un périmètre fonctionnel, éthique et de sécurité précis.
Les outils d'IA peuvent automatiser les tâches répétitives et les processus, analyser les données en temps réel, mais ils n'ont pas vocation à remplacer l'humain. En évitant les erreurs et le temps perdu à les corriger, ils augmentent l'efficacité, l'attractivité et libèrent la créativité des individus. Avec une visibilité complète et des informations en temps réel sur les performances, les risques et les opportunités des cycles financiers, une entreprise peut prendre des décisions éclairées, mieux servir les parties prenantes et améliorer ses performances.
En conclusion, l'automatisation par l'IA ne se limite pas à rationaliser les processus financiers, mais représente une opportunité stratégique pour élargir les horizons. Elle aide les entreprises à s'adapter aux réglementations en évolution, telles que la facturation électronique et les enjeux ESG, tout en permettant de gérer rapidement les risques financiers et réputationnels. Une étude d'E&Y révèle que 60 % des responsables financiers utilisent encore un patchwork d'applications ² pour gérer les données ESG.
L'essentiel est d'assurer que l'automatisation bénéficie à tous : la technologie doit accroître les compétences, alléger la charge de travail et libérer le potentiel humain. En confiant des tâches plus intéressantes et gratifiantes aux équipes, on favorise leur engagement et la croissance de l'entreprise.
Avec une vue d'ensemble, les organisations peuvent aligner leurs processus avec leurs objectifs et découvrir de nouvelles façons de créer de la valeur. L'IA permet aux Directions financières de devenir les architectes de la transformation digitale, intégrant les stratégies financières aux avancées technologiques pour améliorer l'efficacité et prendre des décisions éclairées.
L'auteur : Emmanuel Olivier est Directeur des opérations d'Esker Worldwide, entreprise spécialisée dans l'automatisation et la digitalisation des processus financiers et comptables.
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