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Place à la comptabilité carbone généralisée !

Fournir ses données carbone à ses fournisseurs, tel est l'un des objectifs de la comptabilité carbone généralisée. Si cette démarche s'annonce difficile et risque de prendre du temps, elle permettra de fiabiliser les données carbone et accompagnera la transformation ESG des entreprises.

Publié par Florian Langlois le | Mis à jour le
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Place à la comptabilité carbone généralisée !

Dans le cadre de leur démarche ESG, de plus en plus d'entreprises décident de réaliser leur bilan carbone. Recommandée par la législation française, ce type d'initiative deviendra obligatoire avec la directive européenne CSRD, qui entrera en vigueur début 2024 et qui forcera les entreprises (grandes entreprises dans un premier temps) à déclarer leurs performances extra-financières. La réalisation de ce bilan carbone consiste à calculer les émissions directes des entreprises, correspondant aux scopes 1 et 2, mais aussi indirectes, scope 3. Toute la difficulté porte sur ce dernier point, car il devient difficile pour une entreprise de calculer ses émissions indirectes si ses fournisseurs ne lui fournit pas ses données carbone.

Pour partager au mieux ces informations, François Meunier, économiste et professeur affilié en finance d'entreprise à l'ENSAE - Institut Polytechnique de Paris, recommande alors de passer à un système de comptabilité carbone généralisée, dans laquelle les entreprises réaliseraient leur bilan carbone et le transmettraient à toutes les parties prenantes avec lesquelles elles ont l'habitude d'échanger. « L'idée première de cette comptabilité carbone généralisée est de se dire, une fois le bilan carbone calculé, qu'il faut en faire profiter vos clients, en diffusant cette information sur les ventes via les factures. La facture rentrant par la suite dans les systèmes d'information de l'entreprise, cette donnée carbone se retrouve alors connectée avec toutes les autres données, financières ou extra-financières, de l'entreprise, » détaille l'économiste à l'occasion d'une conférence organisée par l'Institut Messine suite à la publication d'une note sur ce sujet de la comptabilité carbone généralisée.

Fiabiliser les données carbone

Cette comptabilité carbone généralisée pourrait également permettre aux entreprises de rentrer dans les clous des normes européennes qui ont été votées, telles que les ESRS. « Le plus important dans ces référentiels sont les objectifs. Nous avons, depuis peu, normé la manière dont les objectifs de réduction et les business plan pour atteindre ces objectifs devaient être reportés et transparents. Nous sommes sur des sujets qui sont prédictifs. L'utilisation des ERP et de la puissance de la remontée des informations qui est en place aujourd'hui doit être exploité. Concernant la mesure des scop 1 et 2, les données sont très fiables. En revanche sur le scop 3, les données sont basées, de manière générale, sur des estimations. Ce scop 3 sera donc toujours plus imprécis, il faut en avoir conscience, » détaille Eric Duvaud, Directeur des normes de durabilité de l'Autorité des Normes Comptables et membre de l'EFRAG Sustainability Reporting Technical Expert Group.

Or, ce sujet de la fiabilisation de la donnée est primordial selon l'ancienne Ministre, Chantal Jouanno, aujourd'hui senior environmental advisor chez Accenture. « Le point central, c'est la fiabilisation des données. On a la chance d'avoir une donnée qui se comptabilise et s'additionne, quelque soit le type de produit, mais on est systématiquement confronté à cette question de confiance. Proposer un système qui donne des garanties est absolument central pour fiabiliser l'ensemble du système et les conséquences que pourraient avoir cette comptabilité carbone. » Transmettre ses données carbone à toutes ses parties prenantes pourrait être un premier pas dans cette quête de données fiables.

Associer durabilité et profitabilité

Les entreprises devant jongler entre recherche de durabilité et de profitabilité, l'appropriation de ces nouveaux sujets peut devenir complexe. « Il y aura une vertu de commencer par faire un mécanisme d'éducation et d'information assez visuel et assez simple, suggère Cécile Cabanis, directrice générale adjointe de Tikehau Capital. Les méthodes sont aujourd'hui assez différentes, elles ne sont pas normées. De plus, nous sommes aujourd'hui dans une économie carbonée, c'est donc quelque chose qui va prendre du temps, il ne faut pas avoir peur de cela. Et globalement, nous risquons d'être tous mauvais au début. » Les sociétés font aussi face à des contradictions au sujet de leurs prix. « Les entreprises investissent pour décarboner, les produits sont donc plus chers. Elles doivent alors trouver le juste milieu entre le fait de faire payer du carbone ou de faire payer plus cher les produits décarbonés. Se pose la question de gérer la rentabilité et la capacité d'être profitable tout en étant durable, » poursuit Cécile Cabanis.

Pour faire face à cette problématique, il sera important de faire entrer la logique carbone à tous les niveaux de l'entreprise, autre objectif de cette comptabilité carbone généralisée. « L'objectif central est que la donnée carbone puisse être intégrée dans le processus de décision. Pour ce faire, la data doit être disponible à différents niveaux de l'entreprise, de manière à influencer la décision à ces différents niveaux, » reprend Chantal Jouanno.

Il incombera aux directions financières de se saisir de ce sujet. « La réussite de cette transformation passera par l'appropriation par les acteurs financiers des sujets non financiers. Aujourd'hui, on est en train de basculer, avec la taxonomie verte qui est très incitative, vers des directions financières qui sont obligées de prendre ce sujet à bras le corps, » note Eric Duvaud. Si dans les grandes entreprises, des directions finance durable ou ESG sont en train de voir le jour, dans des plus petites structures, c'est au Daf que revient le rôle de gérer ces sujets extra-financiers.

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