DossierAffacturage : quel impact sur le fonctionnement de l'entreprise ?
À l'heure où le financement du BFR est de plus en plus problématique, bon nombre d'entreprises se tournent vers l'affacturage. Or ce choix n'est pas sans conséquence pour la direction financière, d'autant que son implication varie en fonction du contrat. Décryptage.

Sommaire
- Un dossier solide pour bien négocier
- Déterminer les besoins réels de l'entreprise
- Le full factoring, une solution "tout compris" pour les PME
- Affacturage notifié non géré : attention à la charge de travail
- Solutions informatiques dédiées
- Affacturage confidentiel: un outil à réserver aux entreprises structurées
- La relation client-fournisseur préservée
- Quelles conditions d'accès ?
- Combien ça coûte ?
- Affacturage : les principaux points de vigilance
- Maîtriser l'horizon de financement
- Avis d'expert : "L'affacturage est un produit simple en apparence"
- Témoignage : "Le fait de céder nos factures permet de raccourcir notre délai de paiement"
- Trois questions à Marie-José Jop, Daf de Vitacuire
1 Un dossier solide pour bien négocier
L'an dernier, le montant total des créances prises en charge dans le cadre de contrats d'affacturage atteignait 186 milliards d'euros, contre moins de 21 milliards en 2002. Si le rythme de croissance s'est apaisé, la dynamique positive du produit perdure en 2013 : au premier trimestre, les produits d'affacturage enregistraient une croissance de 4,5 %. Ce succès est lié à la volonté des entreprises de se financer à court terme, puisque le principe du factoring consiste à céder tout ou partie de ses créances à un organisme extérieur, ou factor parmi lesquels Natixis factor, GE Capital Factofrance , CM-CIC factor... Le factor crédite en retour le compte courant de l'entreprise, permettant à celle-ci de disposer de liquidités immédiates, notamment pour financer le BFR.
2 Déterminer les besoins réels de l'entreprise
Avant de recourir à ce type de solution, il est essentiel de déterminer les besoins réels de l'entreprise en matière de financement à court terme. " Le fait de mettre en place ou de défaire un contrat d'affacturage n'est pas neutre pour l'entreprise en termes d'organisation : il est donc important d'inscrire ce projet dans la durée ", insiste Jean-François Boisson, le Daf de Kalidea, dont la société confie 20 millions de factures par an à ABN Amro Commercial Finance. Ce dernier met notamment en garde contre le fait de céder à la pression d'une banque menaçant de couper ses financements à court terme, qui entraîne un passage à l'affacturage dans de mauvaises conditions. Yves Peccaud, fondateur de Culture Cash, souligne que le factoring représente un "fusil à un coup" : " Il s'agit d'une rentrée d'argent relativement facile à obtenir, mais lorsque l'entreprise a cédé les factures de ses clients, elle ne peut plus revenir en arrière. "
La préparation d'un dossier solide, via un audit sur les créances clients de l'entreprise, est indispensable. " Il est important d'avoir en amont une perception claire d'un certain nombre d'éléments : la qualité de la facturation, les montants d'avoir, ou encore le mode de règlement des factures par les principaux clients ", énumère Benjamin Madjar, responsable du département cash and working capital services chez EY (Ernst & Young). Le délai moyen de résolution des litiges avec les clients doit aussi être pris en compte. Chacun de ces éléments donnera à la direction financière une première appréciation des points à travailler pour présenter le meilleur dossier possible auprès de la société d'affacturage, avec un objectif : avoir toutes les cartes en main pour négocier.
Avant de recourir à une solution de factoring, il est important d'auditer les créances clients de l'entreprise pour obtenir des tarifs avantageux.
3 Le full factoring, une solution "tout compris" pour les PME
Si les solutions d'affacturage se divisent en plusieurs types de contrats, les TPE et PME ont souvent recours à des solutions tout compris, dites "full factoring". Dans ce cas, le factor prend en charge le financement des créances, mais aussi la garantie contre les impayés, et la gestion de la relance recouvrement. " C'est le produit le plus classique, qui correspond à la plupart des petites entreprises ", explique Patrick de Villepin, p-dg de BNP Paribas Factor.
Mais il s'agit également de la solution la plus onéreuse. " Il faudrait systématiquement effectuer un comparatif précis entre le coût de recouvrement des créances et les impayés d'un côté, et le coût de l'affacturage de l'autre, avant de se lancer dans un tel processus, estime Laurent Vronski, vice-président de Croissance Plus. Pour certaines entreprises, cela peut être un produit de financement du BFR intéressant, mais il est indispensable de faire une étude comparative en prenant en compte d'autres solutions, comme l'assurance-crédit. "
Le "full factoring" permet aux petites entreprises une prise en charge complète alliant financement des créances, garantie et gestion de la relance des recouvrements. Mais c'est aussi la solution la plus onéreuse...
4 Affacturage notifié non géré : attention à la charge de travail
L'affacturage notifié non géré, solution moins coûteuse que le full factoring, est moins coûteuse que l'affacturage notifié géré, et permet de conserver la main sur le poste client, puisque c'est à l'entreprise d'effectuer les relances en cas d'impayés, et éventuellement de gérer le contentieux.
Cette solution est à réserver aux sociétés structurées, car elle peut représenter une charge de travail importante pour la direction financière, notamment en matière de lettrage comptable. Ce terme désigne le rapprochement des comptes clients de l'entreprise avec ceux en gestion chez la société d'affacturage. Il permet de mettre en relation chaque règlement d'un débiteur avec une facture émise par le fournisseur et financée par le factor. " Le risque, lorsque la gestion du credit management n'est pas parfaitement huilée, est que la société d'affacturage reprenne la main sur le recouvrement, d'où une bascule plus coûteuse ", explique Benjamin Madjar (EY).
5 Solutions informatiques dédiées
" Le lettrage comptable peut varier en fonction du volume traité par le factor, remarque Bozana Douriez, dg déléguée de BNP Paribas Factor. Il y a incontestablement des opérations à mener, mais celles-ci sont en général encadrées par les logiciels comptables. " L'importance du lettrage pousse certaines entreprises à se tourner vers des prestataires qui commercialisent des solutions informatiques spécialement dédiés à la gestion de l'affacturage. Ceux-ci proposent de nombreuses options : création de stratégies de lettrages personnalisables et automatisées, détection des incidents de paiement, gestion de différents centres payeurs... Elles permettent surtout de renforcer le contrôle des données et d'éviter les erreurs de saisie.
Pour limiter les frais, certaines entreprises préfèrent la solution de l'affacturage notifié non géré, où le factor laisse à son client la responsabilité du recouvrement de créance.
6 Affacturage confidentiel: un outil à réserver aux entreprises structurées
L'affacturage confidentiel présente la particularité que la relation avec le factor n'est pas portée à la connaissance des clients. L'entreprise fait financer ses créances commerciales tout en conservant en interne la gestion intégrale du recouvrement. Une fois les factures réglées à l'entreprise par son client, celle-ci devra à son tour restituer les fonds au factor tous les jours ou toutes les semaines, selon les modalités du contrat. En général, les entreprises qui jouissent d'une situation financière robuste optent pour cette solution.
7 La relation client-fournisseur préservée
Premier atout de cette option: l'image de l'entreprise ne souffre pas, puisque le recours à une société d'affacturage n'est pas ébruité. Le deuxième avantage: la société conserve la main sur la gestion du poste clients ainsi que sur les créances commerciales qu'elle établit. Une façon de pérenniser l'aspect relationnel et, ainsi, d'écarter un des inconvénients de l'affacturage traditionnel: la dégradation de la relation client-fournisseur. A noter que l'entreprise devra aussi effectuer les relances en cas d'impayés et, éventuellement, faire intervenir son service du contentieux, le cas échéant. En revanche, en cas d'insolvabilité des débiteurs, l'entreprise est protégée, puisque les contrats d'affacturage confidentiels incluent également une assurance-crédit. Si l'un de ses clients dépose le bilan, la société est donc indemnisée.
8 Quelles conditions d'accès ?
Comme souvent concernant les produits bancaires ou de crédit, les options accessibles aux sociétés dépendent de leur taille, ainsi que de leur solidité financière. Toutes les entreprises ne pourront donc pas accéder à l'affacturage confidentiel. Les deux critères sur lesquels le factor va se pencher au moment de prendre une décision sont le chiffre d'affaires de l'entreprise et son efficacité en termes de recouvrement de créances. Seules les entreprises solides, et surtout structurées, peuvent donc faire appel à ce type de solution. En dessous d'un certain seuil, les factors proposent généralement d'autres prestations, comme l'affacturage classique, géré notifié, notifié non géré... GE Capital, par exemple, ne propose des solutions d'affacturage confidentiel qu'aux sociétés qui enregistrent, au minimum, 8 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel TTC. "Ce chiffre n'a rien d'arbitraire, explique Patrice Coulon, directeur général délégué de GE Capital. Souvent, en deçà, les entreprises n'ont pas l'infrastructure suffisante pour disposer d'équipes dédiées au recouvrement des créances. Or, quand la société n'est pas en mesure de recouvrer ses créances, nous ne pouvons pas intervenir en affacturage confidentiel. "
9 Combien ça coûte ?
Les tarifs pratiqués par les factors sont très variables et sont, en général, définis en fonction des caractéristiques de la société cliente. Les critères entrant en ligne de compte sont la quantité de créances cédées et la taille moyenne de la créance, mais aussi la qualité de la clientèle. Le coût représente généralement un taux compris entre 0,10 et 0,90 % du chiffre d'affaires cédé, mais peut atteindre jusqu'à 1,80 % pour les TPE.
A noter que certaines sociétés d'affacturage peuvent décider de faire appel à des cabinets d'audit pour vérifier l'efficacité du recouvrement et la qualité des créances. Une démarche qui permet au factor de déterminer son exposition en termes de risques.
Si l'affacturage fournit à l'entreprise un financement souple, régulier et pérenne de son BFR, il véhicule pour certains une mauvaise image, et présente le risque d'une dégradation des relations avec les clients. L'affacturage confidentiel permet d'éviter ces inconvénients. Comment y accéder?
10 Affacturage : les principaux points de vigilance
Outre une organisation méticuleuse sur le front du poste client, l'affacturage nécessite une grande rigueur pour l'ensemble de la direction financière. " L'un des risques les plus importants consiste à voir l'affacturage comme une sorte de poubelle où placer les créances pourries de l'entreprise ", met en garde Laurent Vronski (Croissance Plus). Ce type de négligence peut coûter cher, puisque le risque que représente le portefeuille de factures, qui détermine le coût de l'affacturage, est réévalué une à deux fois par an par le factor.
11 Maîtriser l'horizon de financement
Autre point de vigilance à garder à l'esprit : l'horizon de financement. L'affacturage doit en effet impérativement rester un mode de financement à court terme. " Lorsqu'on a recours à une solution d'affacturage, on peut avoir tendance à utiliser cet argent pour financer des projets de long terme, avertit Yves Peccaud. Il y a dès lors un réel risque de positionnement. Il ne faut surtout pas oublier que toute baisse de l'activité provoquera, de façon mécanique, un tarissement du financement. "
Maîtrise de l'horizon de financement, suivi du taux d'avoir, gestion du poste client : le recours à une solution de factoring implique une grande rigueur administrative pour la Daf.
12 Avis d'expert : "L'affacturage est un produit simple en apparence"
"L'affacturage confidentiel a été créé en raison de la mauvaise réputation que véhicule l'affacturage traditionnel", rappelle Laurent Vronski, vice-président de l'association CroissancePlus. "Le premier réflexe, quand on entend parler d'une entreprise qui fait de l'affacturage, est souvent de se dire qu'elle a déjà un pied dans la tombe, explique-t-il. Le côté confidentiel permet d'éviter d'être affecté par cette image négative", ajoute-t-il. Selon lui, pour beaucoup d'entreprises, l'affacturage représente surtout le moyen d'obtenir du cash tout de suite. "Je pense que l'affacturage confidentiel intéresse beaucoup de sociétés, car il s'agit d'un produit simple en apparence: il ne demande qu'une rapide négociation avec le factor au début du contrat", analyse-t-il.
Cependant, "les dirigeants raisonnent parfois seulement en termes de liquidités, ce qui est pour moi une erreur", ajoute Laurent Vronski. En effet, le vice-président de CroissancePlus estime que les entreprises négligent trop souvent une étape indispensable d'analyse avant d'opter pour une telle solution. "Il faudrait systématiquement effectuer un comparatif précis entre le coût de recouvrement des créances et les impayés d'un côté, et le coût de l'affacturage de l'autre, avant de se lancer dans un tel processus. Pour certaines sociétés, cela peut être un produit de financement du BFR intéressant, mais il est indispensable de faire une étude comparative en prenant en compte d'autres solutions, comme l'assurance-crédit", juge-t-il.
L'analyse de Laurent Vronski, vice-président de CroissancePlus
13 Témoignage : "Le fait de céder nos factures permet de raccourcir notre délai de paiement"
14 Trois questions à Marie-José Jop, Daf de Vitacuire
Pourquoi avoir choisi une solution d'affacturage ?
Nous faisons appel à un factor depuis 1996 pour une solution d'affacturage notifié géré qui concerne l'ensemble du périmètre de notre portefeuille client. Pour nous, l'avantage est double : il concerne la gestion et la trésorerie. Étant donné la forte saisonnalité de notre activité, nous devons parfois faire face à une tension de notre trésorerie. Le fait de céder nos factures permet de raccourcir notre délai de paiement. À l'heure actuelle, le taux d'escompte est bas, ce qui rend cette solution d'autant plus avantageuse.
Comment avez-vous choisi votre factor ?
Nous avons choisi de faire appel à Eurofactor. Je pense qu'il est essentiel de miser sur un acteur reconnu et, surtout, de prendre en compte la qualité de gestion. Il est également important que le factor comprenne l'activité de l'entreprise. En ce qui nous concerne, le factor doit intégrer l'impact de notre saisonnalité et comprendre les problématiques liées à la distribution.
Quel est l'impact de cette solution sur l'organisation de votre service financier ?
Faire appel à une telle solution nécessite une très bonne communication entre la société d'affacturage et le service client. Il faut pouvoir contacter les interlocuteurs dédiés chez le factor pour suivre les opérations de près. Il est également impératif d'avoir une grande rigueur dans le suivi administratif pour éviter les problèmes de lettrage des comptes. Si une facture n'est pas lettrée correctement, les comptes ne sont pas d'aplomb.
Marie-José Jop, Daf de Vitacuire, s'exprime sur son expérience d'affacturage.
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