Comment réussir son ICO
Avec le boom des crypto-monnaies est venu celui des ICO (Initial Coin Offering), une nouvelle façon de lever des fonds, s'appuyant sur la technologie de la blockchain. La première ICO a eu lieu en 2014 et, depuis, la machine s'est emballée. En 2017, entre 5 et 6 milliards de dollars ont été levés à travers le monde par le biais de plus de 200 ICO. Pour autant, aussi séduisante soit-elle, cette forme de financement demande un minimum de préparation.
1. Se poser les bonnes questions
Le premier point à prendre en compte est simple : l'ICO est-elle faite pour son entreprise ? "Beaucoup d'entrepreneurs choisissent l'ICO, pensant que c'est un gage de facilité. Or, si le sujet de leur ICO ne concerne pas la blockchain, ça ne peut pas marcher", commente Paul Bougnoux, associé-fondateur du cabinet Largillière Finance.
Nul besoin d'être une entreprise 100 % technologique pour envisager un usage de la blockchain. Cette dernière doit apparaitre comme la solution à une problématique pour que son usage devienne pertinent. "Prenons un producteur de blé qui cultive du blé écoresponsable. Il peut mettre en place une solution de tracking de son blé via la blockchain pour que l'industrie, ou le client final, s'assurent du caractère écoresponsable de sa production. Utiliser la blockchain devient une vraie plus-value ", illustre Xavier Latil, directeur général de The Blockchain Group. Reste alors à relier cette utilisation de la blockchain à la levée de fond.
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2. Réfléchir à son "token"
Dans le cadre d'une ICO seront émis des "tokens" (ou jetons), sorte de monnaie d'échange. L'étape suivante consiste donc à envisager tous les éléments qui rendront le token attractif aux yeux des investisseurs potentiels.
Pour cela, il s'agit de préciser d'abord le "token design", c'est-à-dire les caractéristiques et propriétés du jeton : ce qu'il contient, la technologie blockchain sur laquelle il s'appuie (Ethereum, NEO, Stellar, etc.) et sa typologie. Le jeton sera-t-il utilitaire ou sécuritaire ? Le token sécuritaire est un produit financier très solide et normé, qui peut donner droit à des dividendes. Encore interdit en France, les experts s'accordent toutefois à prédire son plébiscite futur.
A l'heure actuelle, le token utilitaire, qui sert comme une monnaie à l'intérieur d'une plateforme pour acheter des produits ou services de l'entreprise émettrice, prévaut encore. Par exemple, à Toulouse, Stoby est une jeune entreprise spécialisée dans l'emploi des étudiants qui peuvent rendre des services à des particuliers (jardinage, déménagement, baby-sitting...). Elle a annoncé début octobre une levée de fonds en crypto-monnaie, où ses tokens permettront aux investisseurs d'obtenir des avantages en les utilisant sur la plateforme ou en les détenant.
De plus, Stoby s'appuie sur le caractère infalsifiable et intemporel de la blockchain pour y inscrire l'historique des missions des étudiants et garantir ainsi plus de confiance quand un particulier fait appel à l'un d'entre eux. "Les projets qui réussissent sont ceux liés à la vraie vie. L'émission du token doit susciter de l'intérêt et il faut qu'il y ait un marché en face", souligne Paul Bougnoux.
3. Rassurer les investisseurs
L'entreprise doit ensuite penser les "token economics", qui font référence au cycle de vie du token. Elle doit préciser la distribution du jeton, la quantité qu'elle souhaite mettre en circulation et l'impact du token sur ses comptes. L'ensemble de ces éléments seront consignés dans le "white paper", ou livre blanc, un document de référence qui doit, lui aussi, convaincre les investisseurs.
Pour que l'ICO réussisse, il faut en effet que les investisseurs soient au rendez-vous. L'une des précautions à prendre en amont est donc de les rassurer. Pour cela, il faut savoir s'entourer. "Une PME qui n'a aucune connaissance blockchain a besoin d'être accompagnée par des spécialistes de la thématique, confirme Xavier Latil. C'est un marché trop spéculatif pour être pris à la légère".
A l'entreprise, donc, de prouver sa légitimité en termes d'expertise, que ce soit en interne ou grâce au soutien de bons conseillers : avocats, experts financiers, project managers...
4. Animer sa communauté
Dans tout projet d'ICO, le marketing et la communication sont clés. L'objectif consiste à créer une communauté fidèle qui fera vivre le token une fois la levée de fond lancée. Pour cela, il faut être présent sur les réseaux sociaux tels que Telegram ou Twitter, ou encore alimenter des groupes WhatsApp dédiés. Ces espaces permettent de communiquer auprès de sa communauté pour l'informer régulièrement de l'avancement du projet.
Une fois l'ICO réalisée, il faut poursuivre ces efforts car ils influenceront le cours du token. L'objectif des investisseurs étant, bien sûr, que la valeur du jeton augmente. Un marché figé amènera, à terme, un token qui peut mourir.
Témoignage
"Une ICO exige de la technicité et du temps"
Godefroy Jordan, président de SmartHab
SmartHab propose des solutions de logements intelligents (sécurité, énergie, bien-être et pilotage) pour des immeubles neufs. Elle envisage d'ailleurs le développement d'une plateforme, baptisée HAB. Sa finalité : consigner les données sensibles des objets connectés des smart cities et smart buildings de demain, sur une architecture reposant sur la technologie blockchain.
Pour en assurer le financement, la start-up a lancé fin août 2018 une ICO. "Nous avons besoin d'une architecture décentralisée, parce que les capteurs sur lesquels repose notre solution sont partout dans le monde. Ils sont des milliards à générer des milliards de données. Il faut donc les crypter dans quelque chose qui soit un tiers de confiance : la blockchain s'impose comme la solution unique", précise Godefroy Jordan, président de SmartHab.
L'ICO de SmartHab permettra l'émission de 8 milliards de jetons cryptographiques HAB destinés aux transactions sur la plateforme et la création de micro "boîtes noires" dédiées à la conservation des données de sécurité. La première phase de l'ICO a donc débuté à la fin de l'été, avec un placement privé international visant des fonds d'investissement spécialisés dans les crypto-monnaies.
La deuxième phase de l'ICO, qui sera la vente publique des jetons, est prévue pour la fin de l'année. L'objectif minimum de la levée a été fixé à cinq millions de dollars. "C'est aussi chronophage et intense qu'une introduction en bourse, assure Godefroy Jordan. La levée de fonds, à un moment, détournera le management de son activité principale. Il faut donc la prévoir dans un contexte favorable, par exemple quand le dirigeant s'est constitué une équipe solide et qu'il peut dédier des collaborateurs à l'ICO et d'autres à l'activité de l'entreprise. Une ICO exige de la technicité et du temps. "
Repères
Forme juridique : SAS
Activité : gestion d'installations informatiques
Année de création : 2016
Ville : Paris (XVIe)
Dirigeant : Godefroy Jordan, 50 ans.
Effectif : NC
CA : NC
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