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Experts-comptables : un secteur entre résilience et financiarisation

Le baromètre 2025 du CEG révèle une profession comptable résiliente : santé financière solide et regain d'optimisme. Mais la facture électronique, la financiarisation et la pression concurrentielle imposent une transformation rapide des cabinets.

Publié par Eloise Cohen le | mis à jour à
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Experts-comptables : un secteur entre résilience et financiarisation
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Le Baromètre 2025 du CEG confirme la résilience d'une profession habituée aux secousses, mais qui entre dans une zone de fortes turbulences. Optimisme retrouvé et santé financière solide cohabitent avec des menaces structurelles : hausse des coûts, réforme imminente de la facture électronique, financiarisation accélérée et fracture grandissante entre petits et grands cabinets.

L'indicateur de santé financière des cabinets atteint 7,68/10 en 2025, en progression de 0,25 point par rapport à 2024. Plus de 72 % des répondants anticipent une hausse de leur chiffre d'affaires dans les douze prochains mois, contre 65 % l'an passé. Le moral suit la même tendance : état personnel (7,86/10), état professionnel (7,50/10) et optimisme sur l'avenir de la profession (7,10/10) progressent tous par rapport à 2024.

Cependant, la taille du cabinet reste déterminante. Les grands cabinets affichent une confiance plus marquée et captent la dynamique de croissance, quand les structures de moins de 10 salariés se divisent entre perspectives de forte hausse et anticipation de baisses de revenus. Un quart d'entre elles projettent en effet une baisse de chiffre d'affaires en 2025, dont 7 % supérieure à 10 %. À l'inverse, 14 % tablent sur une forte progression. La concentration du secteur apparaît donc comme un mouvement naturel, les grands gagnant en robustesse, sans que cela condamne les petites structures ayant fait des choix stratégiques payants.

Recrutement : une tension qui se relâche

La crise du recrutement, qui avait marqué les précédentes éditions, s'atténue légèrement. 70 % des répondants estiment le recrutement difficile ou très difficile, contre 80 % en 2024. La proportion de postes vacants recule de 54 % à 42 %. Si la situation reste tendue, la détente permet à de nombreux cabinets de relancer leurs actions de prospection commerciale : 47 % déclarent rechercher activement de nouveaux clients en 2025, contre 38 % un an plus tôt.

L'intelligence artificielle s'installe progressivement dans la production. L'intégration de l'IA est notée 5,02/10 pour cette première mesure, avec des écarts significatifs entre petits cabinets (plus souples dans l'adoption) et grands cabinets (capables d'investir massivement). La productivité reste pourtant un point faible : 63 % des répondants ne perçoivent aucune amélioration de leurs délais de production, malgré les outils digitaux déjà en place. Cela confirme que la question n'est pas seulement technologique mais aussi organisationnelle.

Le baromètre souligne également le risque d'une IA élitaire, concentrée dans les structures capables de supporter le coût des nouveaux outils. « La diffusion de l'IA va aller plus vite, et bien plus en profondeur, dans les cabinets qui auront les moyens de se les payer », observait déjà Stéphane Raynaud en 2024. Les données 2025 confirment cette fracture.

Facture électronique : encore sous-estimée

Avec une entrée en vigueur fixée au 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et ETI, et au 1er septembre 2027 pour les PME et micro-entreprises, la facture électronique reste le chantier majeur. Si 78 % des cabinets ont avancé dans la sensibilisation de leurs équipes et 70 % dans celle de leurs clients, le rythme demeure trop lent. 85 % des cabinets déclarent que leurs clients ne les interpellent jamais sur le sujet. Dans ce contexte, la concurrence s'intensifie. Les banques et néo-banques ont profité du report de la réforme pour déployer massivement leurs propres plateformes de dématérialisation (PDP). Leur offensive auprès des entreprises pourrait détourner une partie de la relation client des experts-comptables

La financiarisation, nouvel enjeu stratégique

La montée en puissance des fonds d'investissement dans le secteur constitue l'autre mutation majeure. 32 % des répondants estiment que la financiarisation marque la fin du modèle libéral. Dans le même temps, 56 % jugent que la financiarisation des éditeurs de logiciels conduit à une hausse mécanique des tarifs. Cette évolution répond à une double problématique : générationnelle, les jeunes professionnels étant moins enclins à racheter des cabinets, et technologique, avec des besoins d'investissements massifs que les structures isolées ne peuvent absorber. Mais elle questionne les fondamentaux de la profession, notamment l'indépendance et la gouvernance des cabinets.

Au final, le baromètre 2025 identifie un nouveau triptyque économique structurant :

- la hausse des coûts (logiciels, conformité, documentation),

- la refonte du modèle d'affaires avec la facture électronique,

- et la pression de la financiarisation.

Pour les DAF, ces résultats sont un signal clair : les experts-comptables, partenaires de premier plan des entreprises, doivent accélérer leur transformation et diversifier leurs sources de revenus pour rester au coeur de la chaîne de valeur.

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