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Daf : l'antichambre de la direction générale ?

Dans la course à la direction générale, les Daf ne partaient pas favoris. Mais avec l'évolution de leurs missions à forts enjeux stratégiques, leurs profils séduisent de plus en plus.

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« S'il y a un trait de caractère partagé par la plupart des directeurs généraux avec qui j'ai pu échanger, c'est bien cette capacité, souvent décisive, à prendre des risques, explique Emmanuel Pétrinko, 57 ans, directeur général de la holding familiale Amadéite, spécialiste de la valorisation des macro­algues. Lorsqu'on a un parcours de Daf et que l'on veut devenir numéro 1, il faut retrouver ce "grain de folie" et, pour cela, oublier une partie de ce que l'on a appris. » Le sujet, il le connaît bien. « Dans mon parcours, j'ai toujours eu la volonté d'élargir ma culture générale industrielle, de comprendre, au-delà du financier, les enjeux de business autour de la maîtrise d'un sourcing, la protection de brevets ou le déploiement de forces commerciales. À un moment donné, j'ai senti que j'étais prêt pour l'étape d'après. »

Daf, une antichambre vers la DG ?

Le poste de DG, ou le sommet de la pyramide, s'il n'est pas un objectif partagé par tous les Daf, reste néanmoins assez fréquent dans leurs aspirations. Ils seraient 3 Daf sur 10, parmi ceux accompagnés par Page Executive, à viser à terme une direction générale. Sur des fonctions qui se sont élargies, au-delà de la direction comptable, du contrôle de gestion et des relations avec les partenaires bancaires, les profils rajeunissent et expriment plus nettement leurs ambitions. « Aujourd'hui, les entreprises en prospection sur un poste de Daf ne recherchent plus seulement des compétences en finance d'entreprise, mais un business partner au contact des clients et au fait des enjeux opérationnels, souligne Margaux Perrier, associée au sein du cabinet de recrutement. Beaucoup de Daf s'épanouissent en tant que bras droit du dirigeant, sur des postes dont le contenu s'est étoffé, mais cette évolution du périmètre fonctionne aussi, et de plus en plus, comme une forme d'antichambre vers la direction générale. »

Dans les fonctions amenant aux plus hautes responsabilités, les opérationnels, direction commerciale et direction technique en tête, conservent une longueur d'avance. Mais les profils Daf sont aussi scrutés : 15 à 20 % des directeurs généraux suivis ces dernières années par la branche executive search du cabinet Robert Half sont passés par la case Daf. « Ce n'est pas la voie royale, au sens où l'on demande à un directeur général d'avoir aussi une vision du business qui ne va pas nécessairement de soi en direction financière, remarque Fabrice Coudray, managing director executive search chez Robert Half France. Mais il faut reconnaître de vrais atouts aux profils Daf, rassurants, a fortiori dans un climat économique où les sujets comptables et financiers sont devenus plus sensibles dans beaucoup de structures. »

Des atouts stratégiques

Imprévisibilité des crises, gestion du cash, enjeux de refinancement au moment où le coût de la dette explose, défense des marges face au renchérissement des achats... Pour de nombreuses entreprises, les priorités de la période mettent une lumière supplémentaire sur les profils financiers. Mais, des intentions à l'action, passer de Daf à DG suppose que d'autres paramètres soient alignés. À commencer par un historique dans l'entreprise : « Ce que l'on observe le plus souvent, ce sont des Daf qui évoluent dans leur propre structure, après avoir construit, durant des années, une crédibilité et une légitimité à passer en direction générale, souligne Margaux Perrier. L'un des enjeux derrière est d'ailleurs la capacité à changer de costume et à manager des profils très différents de ceux que l'on trouve en direction financière. On peut voir des Daf extérieurs à l'entreprise en prendre la direction générale, mais cela suppose systématiquement une connaissance très fine des marchés où l'entreprise opère. »

Autre paramètre d'importance, la taille de l'entreprise, avec des bascules plus fréquentes en PME et ETI que dans les grands groupes, où les impératifs de maîtrise du secteur et de connaissance des concurrents sont encore relevés. « Certains contextes sont aussi plus propices, à l'instar de la présence majoritaire dans l'action­nariat d'un investisseur financier, souvent enclin à positionner un Daf en direction générale, souligne Aude Boudaud, associate director corporate finance, private equity & financial services chez Robert Walters. Une introduction en Bourse est également favorable, puisqu'elle augure d'une période dense en communication financière, où un profil Daf est rassurant. En dehors de ces situations, ce qui fait la différence, c'est à la fois les "soft skills" et les opportunités prises dans un parcours pour développer des compétences au-delà de la technicité financière. » Qualités de leadership, appréciées à l'aune des effectifs managés en direction financière et de l'expérience, networking, par des événements sectoriels comme par la capacité à entretenir le lien avec les personnes croisées dans son parcours, la réussite se joue souvent sur des détails. Comme sur des incontournables : « La difficulté principale, pour un Daf voulant évoluer vers la direction générale, tient à sa capacité à pouvoir s'extraire d'une culture professionnelle marquée par la prudence, la gestion du risque et des enjeux forts de compliance, quand il s'agit parfois de prendre des risques pour accélérer le développement d'une entreprise. Ceux qui y parviennent ont réussi à développer une vision à 360 degrés de leur entreprise et de leur marché, ce qui passe inévitablement par l'implication dans les moments forts de la vie d'une entreprise que sont les rapprochements et opérations de croissance externe », conclut Aude Boudaud.

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