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Un an après, que retenir des audits énergétiques obligatoires ?

Retour sur les audits énergétiques obligatoires: quelles leçons peut-on en tirer? Où en sont les plans d'actions? Quels gains ont été réalisés? Et comment tirer parti de la prochaine vague d'audit?

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Un an après, que retenir des audits énergétiques obligatoires ?

Alors que la COP22 de Marrakech a fermé ses portes en novembre 2016, un an après la COP 21 de Paris, un autre anniversaire suivait de près cet événement, moins exposé, mais qui trouve pourtant sa justification dans les engagements pris par les pays en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Le 5 décembre 2016, cela a fait un an qu'environ 10000 entreprises françaises considérées comme grandes entreprises (c'est-à-dire dont l'effectif est supérieur à 250 collaborateurs ou dont le CA est supérieur à 50 M€ en même temps que leur bilan dépasse 43 M€) devaient remettre leurs rapports d'audit énergétique obligatoire réalisé dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur l'efficacité énergétique (2012/27/UE). L'objectif: amener les pays de l'UE à accroître de 20% leur efficacité énergétique d'ici à 2020, limitant ainsi les émissions de GES et le réchauffement climatique. Quels enseignements peut-on tirer de cette première vague d'audit, en gardant en tête que seule une entreprise sur cinq aurait satisfait à cette obligation (cf. encadré en page suivante)?

Enveloppe budgétaire pertinente

La plupart des entreprises qui ont réalisé leurs audits en privilégiant le prix, avec un seuil à moins de 5k€ par audit et par site, n'ont retiré aucun bénéfice de cette contrainte, faute pour ces audits d'avoir identifié des pistes d'optimisation pertinentes. Lorsqu'il faudra relancer ces audits en 2019, le risque existe de ­gaspiller une nouvelle fois de précieux crédits. Une posture à éviter donc, sauf si l'énergie n'est pas un enjeu, comme pour les entreprises qui dépassent à peine les critères mentionnés plus haut, et dont l'activité de services limite par nature leur facture énergétique à quelques dizaines de milliers d'euros par an seulement.

Impératifs d'un audit à forte valeur ajoutée

Lorsque la question se pose, il convient de choisir d'auditer les sites, ou les activités, qui présentent a priori le potentiel d'optimisation le plus important. Ici, deux critères à privilégier: soit les sites concentrant la majeure partie des enjeux, soit ceux n'ayant jamais fait l'objet d'analyses poussées.

Un bon audit doit ensuite présenter une répartition des principales consommations. Il ne faut alors pas hésiter à recourir à des mesures ponctuelles à l'aide d'outils ad hoc sur les postes les plus consommateurs. L'expérience montre en effet qu'il existe souvent des écarts entre la réalité et les idées reçues.

[Exemple] Revue des contrats et facture énergétique: -3%

Une société du secteur des loisirs disposant d'un parc de plus de 60 locaux d'activité a réduit de 3% sa facture énergétique totale, via une action: la revue des contrats d'énergie. Un bel exemple de rentabilisation quasi immédiate!
En général, la mise en place d'une bonne gestion de l'allumage des machines ou la mise en place d'un système dit de haute pression flottante (HP Flottante: système de gestion et de pilotage performant qui prend en compte les conditions climatiques extérieures) sur les installations de production de froid pour le secteur industriel et productif permettent des gains de l'ordre de 3 à 5%.

> Lire la suite en .

Miser sur un ROI à moins de deux ans

L'inventaire des mesures de réduction doit impérativement se focaliser sur les actions dont les temps de retour sur investissement sont cohérents avec les pratiques de l'entreprise, généralement inférieurs à deux ans, et faire la part belle aux actions qui ne nécessitent précisément aucun investissement. Cette typologie de mesures recouvre en réalité trois natures d'optimisation: celles liées aux comportements et donc aux habitudes des collaborateurs, celles liées à l'usage qui est fait des installations et des machines qui concentrent l'essentiel de la consommation énergétique de l'entreprise (par exemple, la GTC1 d'un bâtiment ou le process de fabrication d'une usine) et celles liées aux contrats de fourniture d'énergie. On estime généralement que ces initiatives peuvent représenter pas moins de 50% du total des gains potentiels.

Quickwins et tableau de bord

Doté du bon diagnostic, l'on pourrait se croire arrivé. En réalité, seule la moitié du chemin est faite tant la mise en oeuvre est aussi un parcours semé d'embûches: bon nombre d'entreprises manquent d'expérience pour mettre en oeuvre efficacement les recommandations et concrétiser les économies. Première étape, sitôt les audits terminés, partager les résultats avec l'ensemble des directions financières et opérationnelles concernées afin que chacun acte les objectifs qui lui incombent et éventuellement des crédits qu'il convient de débloquer.

Les plans d'actions doivent ensuite être lancés en plusieurs vagues: en commençant par les quickwins qui ne nécessitent pas d'investissement, mais une volonté forte de changer les habitudes, et qui vont permettre de financer les actions à temps de retour plus long. L'appui de la direction, au démarrage surtout, est ainsi indispensable pour positionner le projet comme une priorité et assurer son succès.

Enjeu de gains pérennes et durables, la mise en place d'un tableau de bord et d'un organe de pilotage des actions et des économies est le dernier pilier d'une démarche d'amélioration réussie.

2019: ISO 50001 ou nouvel audit énergétique, couplé avec le bilan carbone?

La nouvelle vague d'audits à réaliser courant 2019 et qui concernera les mêmes sociétés qu'en 2015, peut être l'occasion d'optimiser le coût de la prestation en réalisant en même temps le Bilan Carbone, dont la périodicité vient justement d'être recalée sur celle des audits énergétiques.

Autre possibilité: mettre en place un système de management de l'énergie et le faire certifier ISO 50001, ce qui permettra d'échapper à la contrainte d'un audit en 2019.

[Focus] 1 entreprise sur 5 seulement

Selon une information de l'Ademe, chargée d'administrer la plateforme de collecte des audits, seules 20% environ des entreprises auraient satisfait à leur obligation de réaliser un audit. Trois facteurs au moins peuvent expliquer cette statistique peu satisfaisante:

  • la parution tardive du décret précisant les modalités d'application qui a conduit les pouvoirs publics à repousser l'échéance au 30 juin 2016;
  • le manque d'auditeurs qualifiés, dont le nombre a été fortement limité par la procédure de certification longue et fastidieuse, a probablement découragé certaines entreprises;
  • les prix bas de l'énergie qui continuent de détourner bon nombre de directions d'entreprises de ce sujet.

[L'auteur] Thomas Gault, senior manager EY

Créée en 1994, l'équipe Environnement et Développement durable d'EY en France est constituée de près d'une centaine de consultants, dédiés à l'accompagnement des entreprises dans leur transformation vers des modèles plus durables.

Les consultants sont issus de formations en ingénierie technique, économie, finance, marketing, droit, communication et disposent d'expériences préalables en entreprises, institutions publiques et ONG. Ils collaborent avec un réseau international de 700 consultants, auditeurs et avocats.

Spécialisées par secteur d'activité, les équipes accompagnent les entreprises et les structures publiques, lors de missions ponctuelles ou de long terme.

> À lire aussi: "Un guide Afnor pour mener son audit énergétique"

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