DossierLes contrôles internes et externes, mode d'emploi pour les directions administratives et financières
Audit social, contrôle Urssaf ou fiscal... Ces éléments de contrôle permettent à l'entreprise de réaliser un audit sur son fonctionnement. Qu'il soit chargé de l'audit social ou interlocuteur du contrôleur Urssaf ou fiscal, le Daf joue un rôle-clé dans la conduite de ces projets.

Sommaire
- L'audit social, un outil d'évaluation encore sous-utilisé
- Ce qu'est l'audit social...
- ... Et ce qu'il devrait être
- Méthodologie de l'audit social
- Quel interlocuteur ?
- [Avis d'expert] : Valérie Blandeau (Wragge & Co Paris) : "L'évaluation du social devrait relever d'un processus continu"
- Audit social : bien choisir son label entreprises
- Le contrôle Urssaf, un incontournable à traiter en audit
- Préparer l'entreprise
- Des régimes de cotisations complexes
- Tirer des leçons du contrôle
- [Témoignage] : Jean-Jacques Link, daf chez Umanis : " Le contrôle Urssaf fait partie des événements périodiques d'une entreprise "
- Bien préparer le contrôle fiscal
- Avant le premier rendez-vous, décider des supports...
- Contrôle fiscal : restez acteur
- Éviter le rejet de la comptabilité
- Négocier : quand et avec qui ?
- [Avis d'expert] : Léa Faucon (Blackbird) : "La gestion d'un contrôle fiscal informatisé doit être anticipée"
- Qu'est-ce qu'un contrôle fiscal des comptabilités informatisé ?
- Comment s'y préparer ?
- Quels en sont les risques ?
1 L'audit social, un outil d'évaluation encore sous-utilisé
Masse salariale, formation, rémunérations, recrutement, climat social, gestion des compétences, sécurité au travail... Ces divers éléments ont un impact mal connu en PME sur le développement de l'entreprise. Or, c'est à cela que peut servir un audit social.
Outre l'évaluation de la conformité des pratiques internes, il facilite la compréhension d'un climat social dégradé ou de démissions et permet de tirer des enseignements correctifs. Pourtant, il est surtout utilisé en préalable à une situation de changement lourd, essentiellement en vue d'une acquisition ou d'un investissement de type LBO. "Cela représente 90 % des cas où nous avons recours à l'audit social", estime Me Valérie Blandeau, avocate associée chez Wragge & Co Paris. Et pour cause : " L'audit de conformité et d'évaluation des risques sociaux est une condition suspensive de l'opération ", précise Me Yves Roux, avocat associé au sein du cabinet Orsay, voire un cas de deal breaker. En dehors de cela, "l'audit social n'est pas une problématique d'entreprise", affirme l'avocat. Ce que le professeur Jean-Marie Peretti, président de l'Institut de l'audit social, explique comme suit : "Qui dit auditeur dit celui qui pointe les problèmes et qui facture du temps pour des constats qui ne serviront pas."
2 Ce qu'est l'audit social...
L'audit social, en vue d'une fusion, se pratique au regard d'un référentiel : Code du travail, convention(s) collective(s) et accords d'entreprise. Il vise à contrôler le temps de travail et à s'assurer que la pratique de la rémunération est conforme aux minima conventionnels, aux exigences de non-discrimination... Les évaluations et préconisations qui en sont issues, surtout en cas d'échec de l'opération, ne sont pas communiquées à l'entreprise cible qui a pourtant été bousculée. D'où une assimilation de l'audit social à un dérangement inutile...
À l'heure actuelle, l'audit social est "une réponse à une problématique précise", souligne Me Yves Roux, et même "une réponse à un risque identifié", surenchérit le professeur Jean-Marie Peretti.
Bref, les entreprises sont dans une démarche plutôt réactive, à l'instar des sous-traitants automobiles qui, après le suicide d'un ingénieur chez Renault, se sont inquiétés de la santé mentale de leurs collaborateurs.
Toutefois, depuis quelques années, émerge une motivation nouvelle : les exigences des clients, des fournisseurs et autres parties prenantes de l'entreprise. "Ce sont bien souvent les grands groupes, labellisés, qui réclament une telle démarche à leurs fournisseurs. Mais des PME anticipent cela pour fidéliser leurs réseaux et les élargir", constate le professeur Peretti. Il relève aussi que certains secteurs d'activité sont très demandeurs : "Ceux qui emploient beaucoup de jeunes et qui souhaitent se rendre attractifs. C'est la preuve d'un contrat social fort."
Lire aussi : Nominations : 6 Daf repérés ce vendredi 11 avril
3 ... Et ce qu'il devrait être
Externe, l'audit social peut répondre à des hypothèses spécifiques. Me Yves Roux le conseille pour toute entreprise qui a absorbé régulièrement de petites structures via des cessions de titres. Guilain Vandaele, ancien DRH, aujourd'hui consultant formateur pour CSP Formation, le préconise aussi "lorsque l'entreprise est en phase de croissance interne. Il s'agit alors d'un audit de période de rupture : passer de 100 à 200 salariés rompt une situation établie".
Surtout, les entreprises doivent s'approprier cet outil. Face à la complexité de la réglementation sociale, aux obligations de sécurité, mais aussi face à certains automatismes comme de "mettre en forfaits jours des salariés qui ne doivent pas l'être, ce qui expose l'entreprise à un risque de rappel d'heures supplémentaires", illustre Me Yves Roux, l'audit complet, donc de conformité et de valeur, est un outil pertinent. Car "l'audit social sert à déterminer l'impact économique et financier sur l'entreprise de tous les éléments sociaux et à évaluer son climat général, avec un but : améliorer la performance", avance Guilain Vandaele.
Cet outil d'amélioration, voire d'optimisation des coûts, devrait relever d'un processus continu, permettant dans certaines situations de déclencher un audit externe portant souvent sur le climat : "En cas de dégradation de la situation, laquelle sera identifiée via des indicateurs sur les arrêts maladie ou la charge de travail", souligne ainsi le formateur.
Terre inconnue pour nombre de PME et d'ETI, l'audit social repose sur une exploitation de données diverses au service de la performance. Le plus souvent utilisé en vue d'une acquisition, cet outil est peut-être sous-employé...
4 Méthodologie de l'audit social
Instaurer un processus continu et simple, reposant sur une collecte des données (pyramide des âges notamment), telle est la règle d'or de l'audit interne. Il faut ainsi penser pilotage RH, gestion prévisionnelle des effectifs. "Certains points sont déjà très bien suivis en interne, dont la partie conformité au regard d'un référentiel", assure le professeur Peretti. Et s'il vaut mieux solliciter un conseil externe pour se faire expliquer un texte, reste que "pour le suivi du référentiel, s'appuyer sur un juriste stagiaire de bon niveau est suffisant", estime Guilain Vandaele (CSP Formation).
En cas d'audit externe, la liasse documentaire à fournir, de 2000 à 4000 feuilles, peut rebuter... Moins toutefois que le ressenti des salariés et l'impact sur la structure. Toutefois, la transmission électronique est venue bousculer la donne: "Depuis deux ans, nous conduisons les audits d'acquisition via une data room électronique transmise par l'acquéreur, ce qui facilite notre travail, mais réduit notre ressenti quant au climat social", déplore Me Yves Roux, qui lui reconnaît une autre vertu : cette transmission participe d'une bonne confidentialité.
5 Quel interlocuteur ?
L'interlocuteur de l'auditeur social peut être le dirigeant d'entreprise, le Daf, le DRH ou un directeur opérationnel, idéalement celui qui a relevé la faiblesse : "L'interlocuteur doit être capable de se remettre en cause, pointe le professeur Peretti. Face à un taux d'absentéisme élevé, l'initiative va venir du supérieur et les coûts induits seront évalués par le Daf, lequel peut aussi relever une poussée des contentieux, une mauvaise utilisation des contrats temporaires... "
"Mieux vaut commencer la relation par une mission de quatre ou cinq jours et bien définir la mission et les conditions d'accès à l'information de l'auditeur, conseille le professeur Peretti. Qui peut-il interroger ? Quelles requêtes informatiques peut-il émettre ? Quels documents peut-il réclamer ? " Une définition claire des missions et des accès autorisés favorise le bon déroulement de l'audit.
Pour aller plus loin, vous pouvez lire "Comprendre et mettre en oeuvre le contrôle interne".
La conduite d'un audit social diffère, selon qu'il s'agit d'un audit interne et externe. En cas d'audit interne, il est ainsi recommandé d'instaurer un processus continu et simple. Les audits externes, réalisés notamment dans le but d'une acquisition, seront conduits via une data room électronique.
6 [Avis d'expert] : Valérie Blandeau (Wragge & Co Paris) : "L'évaluation du social devrait relever d'un processus continu"
Quelle est votre pratique opérationnelle de l'audit social ?Quelle qu'en soit la raison, c'est bien souvent le Daf qui est le référent dans les entreprises comptant entre 100 et 500 salariés. Côté grandes entreprises, ce sera le DRH, avec des interventions de la direction juridique ou de la direction financière. Et si la data room électronique est une évolution marquante dans ce domaine, je remarque aussi une évolution dans les demandes d'audit : il y a dix ans, l'auditeur devait fournir des éléments descriptifs et exhaustifs ; désormais, on nous demande d'analyser des risques très spécifiques et de faire un travail d'analyse de risques. Cela démontre une meilleure compréhension de cet outil et une volonté d'utiliser ces éléments au service de la performance de l'entreprise.
Côté contenu, quels sont les éléments les plus fréquemment examinés par un audit social ?
Les problématiques d'application de conventions collectives, la durée du travail pour évaluer le risque de rappel de salaires, le temps de travail avec les heures supplémentaires, la mise en oeuvre et l'application des outils de prévoyance ou d'épargne salariale. Sans oublier la délicate question du cumul entre mandats sociaux et contrats de travail en cas d'acquisition, si les membres de l'équipe dirigeante de la cible sont à la fois salariés et gérants. S'il n'y a pas de différence de fonctions entre le mandat et le contrat de travail, il peut y avoir un vrai risque quant à la couverture Assedic, après leur départ.
Quand conseilleriez-vous à une entreprise de recourir à un audit social ?
L'évaluation du social devrait relever d'un processus continu interne à l'entreprise. Avec des points de vigilance particuliers sur la durée du travail, par exemple dans le cadre de la mise en place d'un compte épargne temps ou d'une remise à plat des 35 heures. Le fonctionnement des IRP, calendriers et accords de méthodes compris, devrait aussi être audité. D'autant que, selon l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2013, les entreprises vont devoir constituer des bases de données qu'elles devraient mettre à disposition de leurs IRP. L'audit social peut être intéressant pour préparer ces bases de données.
Si Me Valérie Blandeau, avocate associée chez Wragge & Co Paris, relève depuis quelques année une meilleure compréhension de l'outil, elle souligne de nécessaires points de vigilance sur la durée du travail et sur les fonctionnement des IRP.
7 Audit social : bien choisir son label entreprises
Il existe toutes sortes de labels. D'abord des labels publics, décernés par les États, par exemple en France le label Égalité et le label Diversité qui bénéficient d'une certification Afnor : " Ce sont des process lourds, donc bien trop compliqués pour les PME ", alerte le professeur Jean-Marie Peretti, président de l'Institut de l'audit social.
Il en existe des spécifiques, tel celui des centres d'appels ou de l'équivalent du Medef au Maroc, le CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc), avec son label social.
D'autres sont des labels privés, sur un mode purement déclaratif, avec un audit social très minime, s'il existe. " On voit apparaître aussi des systèmes en ligne, tel le label social européen qui vise à mesurer le climat social et qui a reçu une onction patronale et syndicale après de longs échanges ", conclut le professeur Peretti.
Solliciter un audit est une chose, en tirer les conséquences en est une autre, et en dégager un bénéfice de notoriété, une tierce ! C'est surtout à cela que servent les labels. Le point pour choisir le plus adéquat.
8 Le contrôle Urssaf, un incontournable à traiter en audit
Chaque année, 90 000 à 100 000 entreprises sont contrôlées, selon l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Toutefois, ce chiffre est loin de l'objectif affiché : contrôler la totalité des entreprises tous les trois ans. Pourtant, l'appréhension persiste à la réception de la notification d'un contrôle Urssaf, peut-être trop facilement comparé au contrôle fiscal. La cause de cette crainte : les PME ne bénéficient pas toujours de l'expertise RH nécessaire pour maîtriser les subtilités du Code de la sécurité sociale. Et selon une étude du cabinet de conseil Atequacy (1), c'est dans 19 % des cas au Daf qu'incombe la tâche d'assurer l'interface avec l'inspecteur Urssaf, et dans 20 % des cas au directeur paie. Pour que la visite de l'inspecteur dans les locaux de l'entreprise soit la moins gênante possible pour les employés, il est important qu'il n'ait qu'un seul interlocuteur, une fois le premier rendez-vous avec le dirigeant passé.
9 Préparer l'entreprise
Pour arriver à instaurer un dialogue, pas de recette miracle : le contrôle doit être préparé au fil de l'eau. " Les dossiers délicats doivent être rangés à part, souligne Laurent Dussert, de façon à ce que, le jour de la réception de la notification, il n'y ait plus qu'à finir de constituer les dossiers et à relire ceux qui posent problème pour préparer les réponses à apporter à l'inspecteur. " Il est donc essentiel de bien exploiter la période de deux à trois semaines qui s'écoule entre la réception de la notification et la venue du contrôleur.
Bulletins de salaires, bilans, comptes de résultats, justificatifs de frais de déplacement, conventions collectives, accords d'entreprise, détail des frais généraux des trois dernières années font partie de la liste des documents à fournir jointe à la notification. "Tout doit être préparé en amont, car l'interlocuteur choisi doit savoir si certains documents ne sont pas accessibles pour en informer le contrôleur le plus tôt possible, explique Laurent Dussert (Atequacy). Sinon, il y a un risque de promettre des documents et de devoir ensuite se rétracter, ce qui est à éviter. "
10 Des régimes de cotisations complexes
Parmi les législations complexes qui font l'objet d'une attention particulière lors du contrôle, on trouve les dossiers impliquant des frais professionnels, des avantages en nature, des réductions Fillon, des heures supplémentaires défiscalisées ou encore des cadeaux d'affaires qui peuvent être assimilés à des rémunérations déguisées. Les voitures de fonction font aussi l'objet d'une grande attention de l'Urssaf. L'inspecteur s'intéressera également à la nuance entre salaire et honoraires en cas de recours régulier à un prestataire extérieur. Si la collaboration est très suivie, les honoraires pourront être assimilés à un salaire et donc soumis à cotisations. Des dispositions complexes, qui peuvent paraître très floues aux personnes non initiées. Et les inspecteurs Urssaf le savent bien : " Il ne faut pas hésiter à profiter de leur présence pour leur demander conseil sur un texte ou sur l'application d'un calcul", suggère Bénédicte Rattier (Becouze et associés).
En général, l'inspecteur ne passe pas plus de cinq jours dans une PME, phase que l'on appelle le contrôle sur place. Celui-ci consacre son temps à la collecte des documents, sur papier ou numériques, pour les étudier ensuite à son bureau. C'est la phase du contrôle sur pièces. Parmi les documents que l'inspecteur pourra demander : les actes constitutifs ou modificatifs de la société, les éventuels dossiers de licenciement et décisions prud'homales, les contrats de retraite supplémentaire et de prévoyance, et, bien sûr, les justificatifs de remboursement des frais de déplacement.
Certains secteurs attirent particulièrement l'attention des services de l'Urssaf, comme le bâtiment ou le travail temporaire. Car ce sont des domaines d'activité qui répondent à des législations complexes : frais professionnels, contrats multiples, allégements de charges... "La difficulté dans le secteur de l'intérim est que nous devons nous adapter aux différentes conventions collectives", précise Christian Defontaine, p-dg d'Assistra Intérim. Ces secteurs font partie du "ciblage" de l'Urssaf. Ce dernier est complété par un plan aléatoire qui permet de s'affranchir des critères pour ne pas créer d'inégalités entre les secteurs d'activité. Bien sûr, les entreprises qui ne se sont pas mises en conformité lors d'un précédent contrôle font souvent l'objet d'un deuxième contrôle trois ans après. La déclaration annuelle des données sociales est aussi une base de travail pour les quelque 1 500 inspecteurs Urssaf de France.
11 Tirer des leçons du contrôle
Au cours du contrôle, l'inspecteur peut demander des explications sur des points à éclaircir au fur et à mesure de l'avancée des vérifications. "A l'issue du contrôle, l'inspecteur adresse une lettre d'observations au chef d'entreprise, explique Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation de l'Acoss. Celui-ci a 30 jours pour y répondre en apportant des éléments complémentaires pour justifier ces points." L'inspecteur devra ensuite adresser un nouveau chiffrage ou, le cas échéant, démontrer que les pièces apportées ne sont pas probantes et spécifier un motif.
" L'inspecteur dépose alors le PV de contrôle qui donnera lieu à une mise en demeure pour réclamer les cotisations, poursuit Jean-Marie Guerra. En cas de litige, l'entreprise est en droit de formuler un recours en saisissant la commission de recours amiable de l'Urssaf. " Une démarche qui ne concerne que 8 % des entreprises, selon l'étude Atequacy. Alors que dans sept cas sur dix, ce contrôle détecte une anomalie. Chaque année, l'Urssaf récupère environ 1,3 milliard d'euros et rend 200 millions d'euros aux cotisants.
Après un redressement de 10000 euros, Christian Defontaine en a tiré des conséquences quant au fonctionnement de son entreprise. "Notre redressement concernait des primes que nous croyions non assujetties alors qu'elles l'étaient. Depuis, nous demandons des justificatifs à nos clients qui nous affirment que certaines primes sont exonérées. " Mais aussi dans l'information aux salariés. " Nous organisons régulièrement des réunions d'information avec nos directeurs d'agence pour les sensibiliser et éviter ainsi la régularisation. Pour Assistra Intérim, ce contrôle Urssaf a vraiment été un audit gratuit. "
(1) Etude Atequacy Junior Essec Conseil, "Le contrôle Urssaf en question", juin 2012.
Suscitant souvent des appréhensions, le contrôle Urssaf est un moment qui tend à devenir de plus en plus pédagogique et non plus seulement répressif. D'autant plus si l'entreprise s'y est préparée.
12 [Témoignage] : Jean-Jacques Link, daf chez Umanis : " Le contrôle Urssaf fait partie des événements périodiques d'une entreprise "
" Umanis a été contrôlée l'an dernier, après le rachat d'une autre entreprise, Aura. Nous avons reçu la notification ainsi que la liste des documents à fournir environ trois semaines à l'avance. J'ai profité de ce laps de temps pour contrôler toutes les pièces à remettre à l'administration. L'inspecteur a passé plusieurs demi-journées dans l'entreprise, mais maintenant de nombreuses pièces sont demandées sous format numérique. L'Urssaf est particulièrement attentive aux notes de frais des salariés les mieux rémunérés. Les inspecteurs font également très attention aux frais kilométriques des commerciaux, qui peuvent cacher en réalité des primes assujetties à cotisations. La cohérence des frais est aussi prise en compte. Par exemple, l'ancien dirigeant de l'entreprise que nous avons rachetée avait fait passer en notes de frais des factures d'hôtel, de restaurant et d'achat de livres à Tel-Aviv, sous couvert de prospection pour la création d'un centre d'appels. Mais il n'y avait pas de frais d'avion liés à ce séjour, ce qui a attiré l'attention du contrôleur.
Le plus important dans le déroulé du contrôle est d'instaurer un dialogue dès la première rencontre, et même dès la notification, puisqu'il est possible de solliciter un report si la date ne convient pas. Durant le contrôle, l'action pédagogique de l'inspecteur est forte, il est donc important de faire preuve de courtoisie. D'autant que cela permet ensuite de pouvoir négocier sur certains points et, éventuellement, de solliciter l'indulgence de l'inspecteur. Car, bien sûr, celui-ci est là pour s'assurer que toutes les cotisations sont correctement payées, alors que l'entreprise cherche à payer le moins de charges possible. Il y a donc inévitablement un jeu du chat et de la souris qui s'installe, mais avec un sourire et un café, tout se passe bien mieux. "
Raison sociale : Umanis
Activité : Analyse statistique, conception de bases de données
Forme juridique : SA
Dirigeant : Laurent Piepszownik
Daf : Jean-Jacques Linck
Effectif : 1000 salariés
CA 2011 : 85 millions d'euros
Umanis, entreprise spécialisée dans l'analyse statistique et la conception de base de données, a fait l'objet d'un contrôle après le rachat d'une entreprise. Pour le Daf, Jean-Jacques Link, les maître-mots ont été anticipation et dialogue.
13 Bien préparer le contrôle fiscal
Votre entreprise est visée par un contrôle fiscal ? Entre la réception de l'avis et le début des opérations de vérification, vous disposez d'un délai de 15 à 20 jours. Durant cette période, le Daf, aux côtés de son comptable, doit rassembler tous les documents comptables et les registres obligatoires relatifs aux exercices vérifiés. Une attention particulière doit être portée aux éléments fondamentaux qui assurent la cohérence des données chiffrées par rapport à la situation réelle de l'entreprise : concordance d'ensemble des données comptables après arrêté et du rassemblement des feuilles de travail ; aspect formel du dossier ; bonne tenue des divers registres obligatoires...
" Une bonne documentation renverse la charge de la preuve ", rappelle maître Hervé Oliel, avocat spécialisé en fiscalité et partenaire du cabinet Wan Avocats. Par exemple, pour les frais de réception, si, sur les "notes", figurent le nom, la fonction du bénéficiaire et l'objet du déjeuner, l'opportunité de ces actions est présumée. Or l'inspecteur ne peut pas matériellement vérifier l'identité des personnes. Conclusion : si une note n'est pas complète, il convient de la remplir avant le premier rendez-vous en recoupant les agendas.
Il faut aussi identifier les "faiblesses" de l'entreprise et retirer des documents embarrassants ou confidentiels s'ils n'ont pas d'incidence comptable : négociation financière avec la banque, proposition de rachat d'une autre société...
14 Avant le premier rendez-vous, décider des supports...
Outre ces exigences relatives à la documentation, réfléchissez aux types de supports à remettre au vérificateur. Point incontournable : la comptabilité. Pour l'heure, vous avez le choix entre une remise papier ou une version dématérialisée. L'avantage de cette dernière, côté administration, est le gain de temps et une vérification de la cohérence globale facilitée. Côté contribuable, il s'agit de limiter la présence du vérificateur dans l'entreprise.
Mais accepter de fournir une version dématérialisée, c'est aussi prendre le risque que le vérificateur, persuadé de disposer de tous les éléments, se dispense de poser des questions. D'où des conclusions peut-être hâtives que vous ne pourrez combattre qu'après la fin de la vérification.
Carlos Fernandes, expert-comptable, commissaire aux comptes et dirigeant d'Amparo Conseil, précise que, souvent, le Daf accepte la remise dématérialisée. " Si sa comptabilité comporte des particularités techniques, c'est un mauvais calcul, sauf si, à la remise, on expose clairement les schémas comptables utilisés. Les outils informatiques d'étude de vraisemblance fonctionnent sur la base de standards. Or, quelle entreprise peut se targuer de rentrer dans les standards ? "
Et si la préférence du contribuable va à la dématérialisation, reste la question de la protection des données : mieux vaut un CD-Rom qu'une clé USB et un PDF qu'un fichier Excel.
L'avis de vérification modèle 3927 vient d'arriver au courrier. S'ouvre alors une période de de 15 à 20 jours qui doit être permettre de constituer une bonne documentation, laquelle renverse la charge de la preuve. Et outre le contenu, le support compte!
15 Contrôle fiscal : restez acteur
Plus qu'un adversaire, le vérificateur doit être vu comme un auditeur. À ce titre, il doit savoir qui sera en charge du contrôle au sein de l'entreprise. Ce peut être le responsable comptable, mais le Daf doit aussi être présent à tous les rendez-vous.
Quant au mode de communication à adopter, bien des Daf évitent de faire intervenir physiquement un conseil externe afin de bénéficier d'un statut d'amateur et de gagner du temps. Mais ce jeu-là est risqué et l'inspecteur est rarement dupe.
Selon maître Hervé Oliel, il peut être judicieux de " faire intervenir son conseil dès le premier rendez-vous, mais en le positionnant strictement dans un rôle d'interface pédagogique ". L'avocat n'est pas censé être celui qui a les réponses, mais celui qui a les clés pour comprendre les questions posées, dans toute leur étendue, pièges compris.
La juste mesure, si la vérification ne porte pas sur des éléments complexes, est sans doute de faire intervenir son conseil au premier et au dernier rendez-vous.
16 Éviter le rejet de la comptabilité
Le premier rendez-vous a pour objectif un survol des éléments internes et externes du fonctionnement et de l'activité de l'entreprise. De courte durée, il permet au vérificateur d'établir le calendrier de ses interventions et d'indiquer les documents qu'il souhaite consulter lors de sa prochaine venue. Il est possible, à ce moment, de demander un espacement des réunions.
Le contrôle s'inscrit entre ce rendez-vous et la réunion de synthèse. Son but : comparer les montants figurant dans les déclarations fiscales avec la comptabilité de l'entreprise. Procédant souvent par sondage(s), le vérificateur va élargir son contrôle si l'un d'eux fait apparaître des erreurs.
Tout au long du contrôle, il faut donc veiller à la forme des pièces justificatives remises : c'est une présomption de sérieux qui instaure un climat de confiance. L'appui d'un conseil peut être précieux, car il permettra de collecter tous les éléments périphériques. Si, souvent, le Daf n'est pas en mesure de situer son entreprise par rapport aux normes établies par l'administration, le conseil est plus à même de répondre. Ainsi, l'acceptation ou le refus par le vérificateur de la comptabilité d'entreprise dépend d'une notion (comptabilité probante) floue. " Un rejet peut être prononcé parce que l'administration n'est pas en mesure d'appréhender le logiciel utilisé ", insiste Carlos Fernandes (Amparo Conseil). Attention aussi aux comptabilités adaptées pour répondre aux exigences du reporting à la société mère.
17 Négocier : quand et avec qui ?
La phase d'investigation, qui dure moins de neuf mois pour 99 % des PME, se clôt par une réunion de synthèse. Le vérificateur indique oralement l'ensemble des points sur lesquels il entend redresser la société et celle-ci peut en débattre avec lui. Si aucun point de désaccord ne subsiste, le dirigeant de l'entreprise reçoit un avis d'absence de redressement. À défaut, il reçoit une proposition de rectification (imprimé n°3924) sous 15 jours. Le délai pour contester est de 30 jours, porté à 60 en cas de demande expresse du contribuable. Cette prorogation doit être demandée, car elle retarde la mise en recouvrement et les intérêts. Attention, si le contribuable ne répond pas, il est présumé avoir accepté les redressements.
Une fois la réponse formalisée, il faut attendre celle de l'administration, qui, dans un imprimé n°3926, indique si elle maintient ou non sa position. Pour répondre, elle n'est tenue à un délai fixe (60 jours) que pour les entreprises dont le CA est inférieur à 1 526 000 ou 460 000 euros, selon qu'elles réalisent une activité de vente ou de prestations de service. Si aucun terrain d'entente n'est possible, avant même la réception de la proposition, négocier est envisageable via le recours hiérarchique : en général le chef de brigade. Un recours ultérieur, auprès de l'interlocuteur départemental ou régional, présente un véritable intérêt, celui-ci ayant plus de latitude dans sa prise de décisions. Autre possibilité : saisir, après la réponse aux observations du contribuable, la commission départementale (ou nationale selon le CA) en cas de désaccord sur les faits qui motivent le redressement. Mais son avis ne lie pas l'administration.
Dernier recours hors contentieux : le médiateur du Minefe. Non intégré à la DGFiP, son intervention peut être utile dans deux hypothèses. La première est le mépris d'une réalité économique. Tel est le cas si l'entreprise a perdu les justificatifs des charges pour cause d'incendie et que le vérificateur décide qu'en l'absence de factures, il réintègre ces charges. Deuxième hypothèse : en cas de demande d'application modérée de la loi fiscale. Par exemple, une société venant d'acheter avec TVA un immeuble avait exercé son option pour la récupération avec un retard d'un jour. En cause, une mauvaise interprétation des nouvelles règles de TVA immobilières. Le médiateur a admis le remboursement. Un recours précieux donc, mais qui n'est tenu à aucun délai. De plus, son intervention n'interrompt pas la mise en recouvrement.
Enfin, il est impératif de s'assurer que tout ce qui a donné lieu à redressement est parfaitement clair. Attention à ne pas oublier le traitement comptable et fiscal du redressement, car l'administration peut revenir pour vérifier que le redressement d'IS, par exemple, n'est pas passé en charges. " Il est judicieux de demander, après la mise en recouvrement, le rapport de vérification dans lequel figurent le déroulement du contrôle et les notes internes dont les points de surveillance ", ajoute maître Hervé Oliel. Une démarche qui vous permettra de tirer profit de cette expérience.
Une fois la phase préparatoire passée, intervient le contrôle. Si le choix de l'interlocuteur importe, il faut aussi tout faire pour éviter le rejet de comptabilité. Et savoir se positionner dans la négociation si besoin.
18 [Avis d'expert] : Léa Faucon (Blackbird) : "La gestion d'un contrôle fiscal informatisé doit être anticipée"
19 Qu'est-ce qu'un contrôle fiscal des comptabilités informatisé ?
Elle soumet l'entreprise à trois options. La première est de mettre à la disposition des agents de l'administration le matériel et les fichiers nécessaires au contrôle sur place. Deuxième cas, l'entreprise remet elle-même au vérificateur les traitements qu'elle a réalisés, sous le contrôle de l'administration, ou bien, dernière option, elle fournit à l'administration la copie de fichiers réclamés pour lui permettre de réaliser elle-même les traitements. Il est en général conseillé d'opter pour la troisième solution.
20 Comment s'y préparer ?
Un contrôle fiscal informatisé doit être anticipé. Il convient donc de mettre en place une équipe pluridisciplinaire composée des responsables fiscaux, financiers et des systèmes d'information. Réaliser régulièrement des audits de conformité et des contrôles internes permet de déceler les défaillances et d'y remédier avant le contrôle.
21 Quels en sont les risques ?
Ces contrôles permettent à l'administration d'être plus efficace. De plus, la mise en commun des compétences des vérificateurs généralistes et des vérificateurs informatiques les rend plus à même de déceler des irrégularités.
Si le contrôle fiscal informatisé permet à l'administration d'être plus efficace, il impose à l'entreprise d'anticiper cette procédure. Le point avec Léa Faucon, avocat associé chez Blackbird.
Sur le même thème
Voir tous les articles Réglementation