Le credit manager se transforme lui aussi en business partner
Le credit management s'ouvre à de nouvelles missions et devient une fonction plus transverse. Le credit manager n'a plus seulement un profil technique. Il se transforme en business partner et en communicant, afin d'interagir avec différents acteurs en interne et en externe.
Cela fait des années que nous parlons du "Daf business partner". Et si c'était l'ensemble de la fonction financière qui connaissait cette évolution? Interagissant davantage avec les opérationnels et exerçant une mission plus transverse mais aussi plus stratégique, le credit manager devient lui aussi un "business partner" de la direction générale. Une fonction qui tend à se professionnaliser mais aussi et surtout à se complexifier et qui est donc confiée à des profils plus expérimentés. Surtout, n'est plus seulement exigé un bagage technique mais également des "soft skills" de communicant et de pédagogue. Un poste en pleine évolution qui mériterait l'émergence de formations à la hauteur de ses ambitions.
Du recouvrement, mais pas que...
Les missions principales du credit manager n'ont pas énormément évolué. Il continue à gérer le poste client, depuis l'évaluation des risques d'impayés en amont de la relation commerciale jusqu'au recouvrement des impayés en aval. "Le coeur du métier est l'analyse financière, afin d'évaluer la santé financière des clients. Il met pour cela en place différents outils: scoring, lignes de crédit... À cela s'ajoute l'élaboration d'une politique de recouvrement avec des indicateurs, notamment la surveillance du DSO", décrit Ludovic Bessière, business director chez Hays.
Mais ce ne sont plus ses seules missions. Il lui arrive de prendre en charge la gestion du risque de manière plus large, notamment au niveau des fournisseurs ou des contrats. Il est également davantage en contact avec les clients, accompagnant par là même les équipes commerciales. "Le credit manager est plus en lien avec l'opérationnel: il collabore davantage avec les autres services", observe Vincent Terrier, directeur d'unité de MC2i groupe. Une collaboration qui permet de s'assurer que la prise en compte du risque client est bien comprise et bien appliquée par les équipes opérationnelles. Mais aussi de mener un recouvrement plus efficace: en effet, un impayé est rarement le fait d'un client malhonnête qui évite de payer ses factures mais le résultat d'une erreur de facturation ou d'un différend commercial. Travailler avec les équipes commerciales permet de s'assurer qu'aucun litige n'est à l'origine des impayés et de recouvrer les créances dans de meilleures conditions.
De l'importance de l'international
De par ses missions qui évoluent et ses contacts plus réguliers avec les clients et les équipes internes, le credit manager doit posséder un fort bagage technique mais aussi des "soft skills" comme la communication, la pédagogie et l'ouverture. "Les credit managers doivent avoir une bonne connaissance du business et des rapports humains", complète Ludovic Bessière.
Ce sont donc à des profils plutôt expérimentés que sont confiés les postes de credit manager, afin qu'ils aient une bonne vision du secteur, de ses enjeux... Bref, une vision stratégique pour pouvoir définir le bon niveau de risque mais aussi être capable de négocier avec les clients. L'étude 2017 AFDCC/Hays sur les métiers du credit management en France rapporte que 53% des credit managers interrogés ont plus de dix ans d'expérience.
Autre dimension du profil recherché, qui tend à devenir de plus en plus importante: l'international. "Même dans une structure plus petite, le credit manager se doit de bien parler anglais car il intervient auprès d'une clientèle de plus en plus internationale", pointe Yann Durand, senior manager chez FedFinance. L'étude Hays/AFDCC révèle d'ailleurs que 63% des credit managers pratiquent quotidiennement l'anglais dans leur environnement professionnel. Mais la dimension internationale ne se limite pas à un bon niveau en anglais: le credit manager doit avoir une bonne vision des contraintes réglementaires et des comportements de paiement qui diffèrent d'un pays à l'autre. Selon Joëlle Monange, chef de projet offre & responsable pédagogique gestion-finance-audit chez Francis Lefebvre Formation, "le credit manager pourrait intervenir pour choisir les moyens de paiement international, pour éviter les problèmes de taux de change comme ce fut le cas en 2017". Cette expertise internationale doit aussi lui permettre de choisir et gérer ses prestataires à l'international, pour bien se faire accompagner tant les procédures pour récupérer ses créances peuvent être complexes dans certains pays.
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Une carence en formation
L'étude AFDCC/Hays rapporte que 51% des credit managers sont issus de formations universitaires et 21% d'écoles de commerce. Des études généralement à composante financière mais qui ne comportent pas forcément de volet dédié au credit management. Pendant longtemps, seule l'AFDCC a proposé une formation qualifiante dédiée au credit management. Petit à petit, des universités se sont intéressées à cette fonction, comme Montpellier Business School qui propose depuis une quinzaine d'années une spécialité très complète en credit management. L'IAE de Rennes vient de lancer, à la rentrée 2017, un master 2 en credit management.
Des exemples de formations malheureusement trop rares: en devenant de plus en plus stratégique, la fonction de credit management mérite des formations dignes de ce nom. "Les perspectives du métier méritent une réflexion, notamment sur l'adaptation des nouveaux outils au métier, sur la réglementation... C'est également une profession qui a besoin d'une plus grande dominante commerciale, pas au sens prospection mais relation client", souligne Ludovic Bessière. Davantage de formations regroupant l'ensemble de ces thèmes seraient donc les bienvenues pour préparer les credit managers aux enjeux qui seront les leurs dans le futur.
Les salaires
Comme pour toute fonction, le salaire du credit manager varie en fonction de l'expérience. Ainsi, un credit manager junior gagnera entre 35000 et 50000 euros bruts annuels tandis que la rémunération d'un credit manager plus expérimenté peut atteindre 70000 euros bruts annuels. Quelques disparités sont également constatées en fonction du chiffre d'affaires de la société (selon l'étude AFDCC/Hays, 41300 euros bruts annuels en moyenne pour les credit managers de sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 15 millions d'euros contre 63 600 euros bruts annuels en moyenne pour les credit managers de sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 800 millions d'euros) et de la zone géographique de l'entreprise (57000 euros bruts annuels pour Paris et sa région contre 45000 pour le Sud-Ouest).
Une part de cette rémunération est variable pour les trois quarts des credit manager, notamment à travers des primes sur objectifs individuels (79%) et sur objectifs communs (52%). Le fait que plus de la moitié des credit managers interrogés par l'AFDCC et HAYS soient incentivés sur des objectifs communs montre que le credit manager n'est vraiment plus un acteur oeuvrant dans son coin mais qu'il occupe bien une fonction transverse.
Doucement mais sûrement, de nouvelles formes de credit manager apparaissent
Comme Sandrine Daujat, credit manager à temps partagé. Une façon d'offrir aux PME qui n'ont pas les moyens d'embaucher un credit manager à temps plein les mêmes services dont bénéficie un grand groupe. Sandrine Daujat a d'ailleurs longtemps travaillé dans un grand groupe avant de se lancer comme credit manager indépendante. Et elle intervient aujourd'hui essentiellement auprès de PME. "Je vulgarise les méthodes des grands groupes pour les mettre aux services de plus petites structures qui n'ont pas les mêmes moyens techniques et humains", décrit-elle. Si les entreprises la contactent bien souvent pour des missions de recouvrement, elle arrive petit à petit à les amener vers d'autres sujets. "Une fois les relances effectuées pour récupérer les créances, je détecte de nombreuses imperfections : contractualisation, facturation, suivi des litiges, etc. Mais les PME ne savent pas toujours ce qu'est le credit management et je dois faire de la pédagogie", rapporte Sandrine Daujat.
Son objectif est de moins être dans le curatif et de mettre en place des process de qualité afin de réduire les litiges et donc les besoins en recouvrement. Elle doit pour cela convaincre les directeurs généraux des structures dans lesquelles elle intervient. "Je fais mes preuves avec des actions très pragmatiques et, une fois en confiance, ils sont plus ouverts pour lancer des projets plus structurants", explique Sandrine Daujat. Il lui arrive par exemple de réaliser des audits sur la gestion du poste client afin d'éliminer les récurrences. Elle forme également le personnel au credit management et met en place des indicateurs utiles et faciles à suivre. "Mais rien ne peut se faire sans confiance", insiste-t-elle.
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