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Bénédicte Foussard, Daf multicasquette et passionnée

Directrice financière la semaine, team manager bénévole de l'équipe du skippeur Denis Van Weynbergh pour le Vendée Globe les soirs et week-ends, Bénédicte Foussard jongle entre deux mondes différents, mais pas tant.

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Bénédicte Foussard, Daf multicasquette et passionnée

Elle est directrice financière d'une petite entreprise vendéenne de 25 salariés en pleine croissance spécialisée dans les biostimulants pour les plantes et les animaux, Vertal. Elle est aussi - et ce n'est pas banal - team manager de l'équipe du skippeur belge Denis Van Weynbergh pour qui elle prépare le bateau destiné à concourir au Vendée Globe 2024. Une équipe qu'elle a montée de toutes pièces il y a deux ans avec son mari et un petit groupe de proches, sur un modèle complètement inédit dans le monde des grandes courses au large, celui du bénévolat.

Parcours atypique

À 50 ans, la vie de Bénédicte Foussard est donc plus que bien ­remplie, avec, en prime, un parcours professionnel plutôt atypique : de l'entreprise familiale à la start-up en passant par le grand groupe. Après une enfance passée au Nigéria avec ses parents entrepreneurs dans les travaux publics, elle s'est ­immergée jeune dans la finance en assurant, pendant plusieurs années, la comptabilité de l'entreprise familiale. Forte de son diplôme décroché en formation continue à l'école supérieure de commerce de Pau, elle a ensuite rejoint un groupe horloger en tant que directrice financière et DRH, groupe qu'elle doit quitter pour suivre son mari militaire muté dans le sud-ouest de la France. Elle est alors recrutée comme Daf d'une filiale du Crédit Agricole positionnée sur les énergies renouvelables. «C'était extrêmement intéressant, avec 80 millions d'euros d'inves­tissement dans 60 centrales, mais c'était finalement plus de la maîtrise d'ouvrage que de la direction financière », se souvient-elle avant de raconter la suite de son histoire : « J'ai ensuite aidé pendant un an un ami startupper à développer son entreprise et lever des fonds, puis j'ai rejoint le groupe April, dans sa branche April Marine, pour laquelle j'étais Daf et DRH. »

À l'occasion d'une réorganisation, elle perd son job il y a un an et demi, mais l'énergique directrice financière rebondit très vite. Ses atouts multicartes PME, grand groupe, banque, assurance lui ouvrent facilement plusieurs portes, notamment dans de grandes sociétés. C'est finalement celle de la petite entreprise Vertal que Bénédicte Foussard choisit de pousser, il y a un an tout juste. « D'abord, j'ai été renversée par l'engagement ­environnemental profond du ­dirigeant. Et puis, son ­entreprise entrait dans une étape de fort développement et d'indus­trialisation. Il n'y avait pas de Daf, tout était à faire. Jusqu'ici, avec les assurances, je vendais de la peur. Désormais, je vends de la vie ! C'est autrement plus enthousiasmant... » D'autant qu'elle a dû s'atteler d'entrée de jeu à ce qu'elle préfère : lever des fonds. Via de l'endettement bancaire et des dossiers de subventions auprès de la Bpi et du Feder (Fonds européen de développement régional). Dossiers pour ­lesquels elle s'est engagée, immédiatement à son arrivée, dans un processus de notation de crédit, démarche encore peu usuelle pour les entreprises de cette taille.

« Je suis fière de pouvoir le dire : depuis le début de ma carrière, j'ai 100 % de réussite dans mes dossiers de financement. J'aime ­vraiment ce rôle de facilitateur que le Daf endosse : retranscrire au banquier ou à l'investisseur la motivation du dirigeant, son enthousiasme. Je suis positionnée entre les deux parties pour les aider à communiquer, à se comprendre, à prendre conscience des motivations et exigences de l'autre. »

L'interprète du chef d'entreprise

Ce job d'interprète, elle l'assume à 100 % pour Vertal. Mais aussi pour Denis Van Weynbergh, le skippeur belge, inscrit pour le Vendée Globe 2024 avec son Imoca, un voilier monocoque de 60 pieds conçu pour les courses en solitaire. Un engagement dans lequel elle s'est lancée après plusieurs années d'accom­pagnement de skippeurs, en mode associatif, aux ­Sables-d'Olonne. « On a commencé par réparer un petit bateau par plaisir, puis un autre et un autre, jus­qu'à Denis qui n'avait pas pu participer à l'édition 2020 du Vendée Globe, car il manquait de financements... »

Team manager de son équipe, elle a réussi, en décembre dernier, à lever pour le navigateur belge une somme conséquente auprès du groupe belge D'Ieteren. Indispensable pour prétendre au Vendée Globe, puisque cette compétition en solitaire nécessite une participation à plusieurs courses de sélection par an au préalable. Chacune des courses affichant un coût d'inscription de plusieurs dizaines de milliers d'euros. « Notre démarche atypique, avec une équipe de bénévoles, dans une course aussi importante que le Vendée Globe, a séduit D'Ieteren. Tout comme notre engagement RSE : il y a énormément de gaspillage dans le monde de la course au large. Nous, nous recyclons beaucoup, nous réutilisons les voiles, les matériaux, etc. » Aguerrie aux techniques de recherche de financement, c'est elle aussi qui a décroché une autre source de financement pour son poulain : un tournage pour un téléfilm de France 2, avec Samuel Le Bihan, sur l'épopée du navigateur Yves Parlier. Un téléfilm tourné sur l'Imoca de Denis Van Weynbergh ces dernières semaines, contre rémunération évidemment.

Si elle met à profit ses compétences de directrice financière, son investissement est loin de s'en tenir là. Bénédicte Foussard met aussi la main à la pâte de la préparation du bateau, dans les moindres tâches, le moindre bricolage qu'elle est en mesure d'accomplir. Et qui l'accaparent de très nombreuses heures chaque semaine. « J'y passe tout mon temps, avec mon mari, mais c'est tellement intense, tellement enthousiasmant. Le Vendée Globe est une course très exigeante, il faut savoir que sur les 9 premières éditions, seuls 50 % des bateaux sont arrivés à destination. Nous ne visons pas le podium, mais la réussite de la traversée. »

Préparer le terrain, puis naviguer

La Daf dresse un parallèle entre ses deux vies : « Quand on largue les amarres, c'est un peu comme quand on obtient les financements pour son projet d'entreprise. C'est déjà une victoire, mais ce n'est que le début de l'aventure. » Et de sourire : « Je fais la même chose finalement dans les deux cas, même si l'un de mes deux jobs fait plus mal aux doigts que l'autre : j'aide l'entrepreneur, comme le navigateur, à être prêt pour sa course. Je les accompagne pendant plusieurs mois pour que leur trajet se déroule le mieux possible. Je ne peux pas changer la météo que rencontreront le bateau ou l'entreprise. En revanche, je fais en sorte que leur pilote soit parfaitement armé pour affronter tous les temps, y compris les gros orages. »

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