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Absentéisme au travail : les entreprises face à leur climat social

Dans les entreprises françaises, l'absentéisme lié aux arrêts de travail gagne du terrain. L'équivalent temps-plein, à l'échelle du pays, est d'1,5 millions de salariés en arrêt toute l'année. Retour avec le cabinet Voltaire Avocats, spécialisé en droit social, sur les possibilités d'action, dans les entreprises, pour essayer d'enrayer la tendance.

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Les deux dernières rentrées ont eu beau se dérouler sans que la Covid ne fasse les gros titres, les salariés peinent toujours à reprendre le chemin de l'entreprise. L'absentéisme pour cause de maladie est en forte augmentation : +8% en un an, selon le Minsitère de la santé. Les arrêts maladie de courte durée, (moins de 7 jours) représentent désormais 61% du total. Pour les employeurs, le coût direct de l'absentéisme était estimé en 2022 à 4% de la masse salariale.

Un phénomène qui s'inscrit sur la durée, +75% de jours d'absence en moyenne par salarié par rapport à 2011, et qui touche de plus en plus les jeunes actifs, les femmes, et les cadres, et qui équivaut à l'échelle hexagonale à 1,5 million de salariés absents toute l'année. « La tendance inquiète les pouvoirs publics, qui craignent une dégradation des comptes sociaux, mais aussi les employeurs, relève Me Olivia Guilhot, associée du cabinet Voltaire Avocats, spécialisé en droit social. Quand une entreprise de 100 salariés doit en moyenne se passer de 7 collaborateurs en équivalent temps-plein sur une année, cela impacte l'organisation, comme la productivité. »

Quels leviers juridiques?

Le constat en appelle un autre, celui, toujours côté employeurs, de leviers juridiques limités pour enrayer la tendance. La protection de la santé des travailleurs, par l'arrêt de travail et l'indemnisation journalière, est un droit inscrit au préambule de la Constitution de 1946. Un cadre légal puissant, qui se double de dispositions conventionnelles et de régimes d'indemnisation prévus par les organismes de prévoyance, plus avantageux que ceux prévus par le Code du Travail. « Ces conditions n'incitent pas forcément les salariés à mettre fin à l'arrêt maladie, souligne Me Anne-Vincent Ibarrondo, également associée du cabinet. D'autant que si, en droit, l'arrêt maladie ne constitue pas, sauf accident du travail, une protection contre le licenciement, il est interdit à l'employeur d'arrêter une décision en raison de l'état de santé du collaborateur. En revanche, ce que l'on voit chez nos clients, et de plus en plus, ce sont des arrêts de longue durée conduisant à un licenciement pour inaptitude, suite à avis rendu par la Médecine du travail. »

La fraude, un épiphénomène

En la matière, le cas « classique » de l'ouvrier du BTP, usé par son métier et ne pouvant plus assurer des tâches trop physiques, sans possibilité de reclassement côté employeur, a été rejoint par d'autres profils dans les procédures. Les troubles psychologiques sont devenus le principal motif d'arrêt de longue durée : 28% en 2022 contre 14% en 2016, selon l'étude annuelle de Malakoff Humanis, touchant désormais professions intermédiaires, personnel de santé, ou encore managers. « Il y a dans ces licenciements prononcés de vraies situations de souffrance au travail, mais aussi des cas où l'inaptitude devient un moyen pour contraindre l'employeur à rompre le contrat avec versement d'indemnités. Même si cela prend du temps, ces avis d'inaptitude sont plus souvent contestés devant le Conseil des prudhommes, de même que certains de nos clients saisissent l'Ordre des médecins s'ils estiment avoir affaire à des arrêts de complaisance. », pour Me Anne-Vincent Ibarrond. Voltaire Avocats pointe aussi, cette fois sur les absences de courte durée, les arrêts de travail pouvant être obtenus via Snapchat ou en 3 clics sur des plateformes en ligne. Autant que les moyens de contrôle finalement limités dont disposent aussi bien la Sécurité Sociale que les employeurs, pour s'assurer de leur réalité.

« Il ne faut pas se leurrer néanmoins, les fraudes sont un épiphénomène qui n'expliquent qu'à la marge la poussée de l'absentéisme, tempère Olivia Guilhot. Dans une entreprise, un fort taux d'absentéisme révèle un mauvais climat social. Pour le diminuer, le sujet reste celui des conditions de travail qu'une entreprise est capable de proposer pour attirer, fidéliser ses collaborateurs, et développer des organisations qui restent efficaces. » Parmi les bonnes pratiques évoquées par le cabinet, les mesures améliorant la flexibilité du travail (jours de télétravail, mise en place de la semaine de 4 jours), les incitations financières telles que la prime d'assiduité, ou encore une attention fine aux conditions de travail, par la négociation d'un accord sur les Risques psycho-sociaux, ou l'amélioration du management.

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