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« Les process en directions fiscales commencent à se standardiser »

Dans des environnements réglementaires de plus en plus complexes, la fonction fiscale prend du galon dans les entreprises, et s'étoffe. Digitalisation, amélioration de l'efficience, expertise fiscale... retour avec Jérôme Rusak associé chez PwC Legal Business Solutions, et Sandra Fleurier, associée chez PwC Société d'Avocats, sur les enseignements d'un benchmark sur les directions fiscales de PwC.

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Vous dévoilez les premiers enseignements d'un benchmark sur l'organisation des directions fiscales. Est-ce une thématique exclusive des grandes entreprises ?

Nous avons initié ce benchmark de l'organisation de la fonction fiscale pour évaluer auprès d'entreprises installées en France leur degré de maturité sur 15 process, et sur une échelle de maturité de 0 à 5. Cinquante sociétés intègrent à date cet outil qui va désormais s'enrichir en permanence. Même si les directions fiscales structurées se rencontrent plus systématiquement dans les grandes entreprises, les enjeux fiscaux tels que la compliance fiscale dans des environnements réglementaires de plus en plus complexes avec des risques financiers et réputationnels attachés, concernent des structures de toute taille. De plus, la moitié des entreprises de notre benchmark sont des PME et ETI, qui ont déjà staffé une direction fiscale, ou sont en train de la mettre en place.

Quel est l'impact RH de la structuration de ces directions fiscales?

Nous avons cherché à quantifier ce besoin « minimal » de ressources RH, en rapportant le nombre de fiscalistes employés par les sociétés à la fois à leur chiffre d'affaires et par tranche de milliard d'euros réalisés. Il ressort que pour les entreprises sous le milliard d'euros de chiffre d'affaire, ce ratio se situe à 3,3 fiscalistes par milliard d'euros réalisés. Plus le chiffre d'affaires grimpe, plus ce ratio diminue. Il se situe ainsi à 1,9 par milliard d'euros pour les groupes réalisant entre 5 et 12 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Cela montre à la fois ce besoin de ressources minimum pour adresser les enjeux de fiscalité, mais aussi une forme, assez logique, d'économies d'échelle, se mettant en place dans les grandes entreprises.

Les économies d'échelle sont-elles accélérées par la digitalisation des process ?

Quand on veut améliorer l'efficience de ses process, les outils digitaux sont effectivement un levier d'amélioration à considérer, économisant du temps sur des tâches répétitives, et le plus souvent à faible valeur ajoutée. À date, les directions fiscales sont sans doute moins digitalisées que leurs homologues de la finance ou du juridique, mais elles savent qu'elles vont devoir opérer cette transformation, ne serait-ce que pour sécuriser leurs positions fiscales à partir de data dont les sources sont toujours plus nombreuses, notamment dans la perspective imminente de l'entrée en vigueur de la réforme internationale Pilier 2, le 1er janvier prochain, et de la facturation électronique. En moyenne, les directions fiscales s'attribuent une note d'1,9 sur 5 sur ce processus de digitalisation. Cela correspond sur notre échelle à la mise en place de pratiques répétables. Les process commencent à se standardiser, en s'appuyant systématiquement sur des outils bureautiques type Excel, SharePoint ou encore Power Bi d'Office 365 qui permet de piloter et consolider la data. L'étape d'après, sur laquelle nombre de directions interrogées sont déjà engagées, est celle de la mise en place d'outils métiers, comme Tax Ultimate édité par Cegid ou le développement d'outils spécifiques avec Alterix par exemple. Il faut d'ailleurs remarquer qu'hormis l'établissement de la liasse d'intégration fiscale, il y a finalement peu de solutions digitales spécifiques à la fiscalité d'entreprise.

L'émergence d'outils d'intelligence artificielle peut-elle changer la donne ?

Nous sommes effectivement convaincus que cela va changer avec la montée en puissance de ces outils. PwC a d'ailleurs conclu un partenariat mondial sur l'outil d'intelligence artificielle générative Harvey, qui est une IA capable, à date, de réaliser une somme de tâches qui feront gagner un temps précieux aux fiscalistes, comme une première réponse à une question de droit fiscal, la synthèse de documents juridiques et fiscaux, la veille réglementaire, la rédaction ou la comparaison d'un traité de fusion, y compris sur ses aspects juridiques... C'est très prometteur.

Dans quels domaines les directions sont les plus matures sur leurs process ?

Nous avons interrogé les directions fiscales du benchmark sur 15 de leurs process et on distingue clairement trois groupes de process avec des maturités distinctes, qui correspondent à autant d'enjeux de la direction fiscale. Elles sont le plus mature sur les processus métiers qui répondent à l'enjeu de délivrance de l'expertise fiscale, comme la veille, la gestion des contrôles et contentieux fiscaux, ou encore le recours au conseil externe. Le second enjeu qui ressort est celui de l'amélioration de l'efficience, par la digitalisation, la gestion de la filière fiscale ou encore la planification de l'activité de la fonction fiscale au regard de celle de l'entreprise. Ici, les process commencent à se standardiser. Ce n'est pas le cas en revanche d'un autre enjeu identifié, qui est celui de la valorisation de la fonction fiscale, par des outils de reporting, du knowledge management externe, c'est-à-dire auprès des autres collaborateurs de l'entreprise, ou encore le suivi d'indicateurs de performance spécifiques à la fonction fiscale. Il reste beaucoup reste à faire pour rendre la fonction fiscale plus visible en entreprise.


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