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Financement des ETI : le recours à la cotation est-il incontournable ?

Publié par Christian Mercier le | Mis à jour le

Génératrices d’emplois, innovantes, internationalisées : les ETI sont un modèle d’entreprises performantes. Le recours à la cotation, dont elles sont peu coutumières, sera-t-il incontournable pour continuer à financer leur développement alors que l’accès aux crédits bancaires se durcit et que les marges tendent à baisser ?

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Les ETI très peu présentes sur les marchés boursiers
KPMG, dans une étude récente (1), a publié les résultats d’un sondage sur le financement des ETI. On y apprend que « seuls deux leviers financiers ont été essentiellement actionnés au cours des deux années précédentes : l’autofinancement et le crédit bancaire ». La Bourse arrive bonne dernière. Et seules 1% des ETI envisagent de recourir à la cotation d’ici deux ans. Pourtant leurs modes de financement traditionnels pourraient rapidement être mis à mal : les taux de marges baissent, ce qui affaiblit l’autofinancement. Et l’accès au crédit bancaire, avec la crise et les nouvelles règles prudentielles, est de plus en plus difficile. « Les ETI doivent nécessairement faire évoluer leurs financements », en déduit Jacky Lintignat, de KPMG (2).

La cotation comme solution ?
Et la cotation serait une option intéressante : elle permettrait de continuer à lever des fonds, et donc d’assurer le développement des ETI, mais aussi d’accroître leur visibilité et leur légitimité sur les marchés internationaux. L’Observatoire du financement des entreprises par le marché notamment, dont l’objectif est de faciliter l’accès des PME et des ETI aux marchés boursiers, avait, dans l’un de ses derniers rapports annuels (3), cherché à démontré le lien vertueux entre cotation et performance (4).

Plusieurs initiatives récentes se veulent  facilitatrices de cette démarche. La création du PEA PME-ETI, ou celle d’Enternext, bourse européenne des PME-ETI, et qui affiche après un an d’existence 47 cotations pour 256 levées de fonds, en sont des exemples. Et l’entrée en Bourse a effectivement été une réelle opportunité pour plusieurs ETI. Naturex, spécialiste de la production et la commercialisation d’extraits végétaux naturels, a vu son chiffre d’affaires croître de 222% entre 2008 et 2012. Un développement soutenu par une politique active de croissance externe, que sa présence en Bourse a largement financée. Naturex vient encore d’annoncer le succès d’une opération d’augmentation de capital de 67 millions d’euros, pour financer l’acquisition de l’américain Vegetable Juices. L’aventure boursière du logisticien ID Logistics a également porté ses fruits : « en deux ans, grâce à notre introduction en bourse, nous avons pu réaliser des projets stratégiques, comme une acquisition majeure, qui auraient pu nous prendre cinq-six ans sans l’accès au marché », se félicite Eric Hémar, son directeur.

Un enthousiasme à nuancer
Mais la cotation n’est pas une solution « miracle » au financement des ETI. Une introduction en bourse reste une opération complexe, et onéreuse. Elle implique des obligations souvent lourdes, finalement pas toujours rentables pour les ETI. Et les exigences de rentabilité rapide des actionnaires ne sont pas toujours compatibles avec les stratégies de long-terme des entreprises. Sans compter que les levées de fonds espérées ne sont pas toujours au rendez-vous, et les valorisations des entreprises pas toujours en adéquation avec leurs résultats réels, car dépendantes de facteurs externes (crise).

Autant de facteurs qui ont poussé certaines ETI à se retirer du marché boursier. C’est par exemple le choix qu’a fait en 2008 Oberthur Fiduciaire, spécialiste de l’impression de sécurité (billets de banque et documents sécurisés). Alors qu’elle affichait une belle croissance (CA en hausse de 14% et bénéfice en augmentation de 114% l’année précédente), Oberthur Fiduciaire, dont la valeur de l’action ne reflétait pas les performances, a décidé de reprendre son indépendance. Jugeant que l’opération lui permettrait de réaliser « des investissements industriels et stratégiques à long terme » ; ce que la Bourse ne lui permettait plus. L’entreprise a donc fait le choix de s’appuyer davantage sur « la stabilité que lui offre sa structure familiale », explique Thomas Savare, son dirigeant. Et effectivement, recentrée sur ses activités liées aux billets de banque et à l’impression de sécurité, Oberthur Fiduciaire a poursuivi sa croissance. Et fait aujourd’hui partie des trois premiers acteurs mondiaux de son secteur.

En 2013, les PME-ETI ont ainsi été 20 à se retirer de la Bourse (pour 18 introductions) (5). Et les ETI uniquement sont seulement 236 à être cotées : un chiffre faible… et en baisse (6). « Cette tendance met en lumière la difficulté de la Bourse […] à jouer son rôle de financeur des entreprises, et en particulier des PME et des ETI », analyse le cabinet Ricol Lasteyrie. 

D’autres voies ?
Si l’autofinancement et le crédit bancaire, sources majeures de financement des ETI, risquent de faiblir à l’avenir, ils restent des options tout à fait valables dans certaines situations : l’exemple d’Oberthur Fiduciaire le prouve encore. Une récente enquête de la BPI indique d’ailleurs qu’en 2013, seules 5% des ETI ont eu des difficultés majeures d’accès au financement (7).

Le recours à la cotation doit ainsi être envisagé en parallèle d’autres pistes de financements. La BPI par exemple a annoncé en septembre 2013 la création d’un fonds d’investissement doté de 3 milliards d’euros destiné exclusivement aux ETI. Sermeta, ETI bretonne spécialisée dans les corps de chauffe, vient de recevoir une participation de 180 millions d’euros, qui lui a permis de reprendre son indépendance par rapport au fonds Carlyle. Un investissement qui financera la croissance de cette entreprise prometteuse… sans passer par la case de la Bourse. La piste du financement participatif, ou crowdfunding, est également évoquée par certains. Un rapport de la Commission européenne en vante en tout cas la pertinence (8). Le recours à la cotation n’est donc pas incontournable : les belles réussites se vivent aussi loin des places boursières…

  1. « Les ETI, leviers de la croissance en France » : https://www.kpmg.com/FR/fr/IssuesAndInsights/ArticlesPublications/Documents/201304Etude_ETI_KPMG.pdf  
  2. http://business.lesechos.fr/directions-financieres/jacky-lintignat-kpmg-les-eti-doivent-necessairement-diversifier-leurs-financements-6273.php
  3. http://www.pme-bourse.fr/publications/rapport-annuel-de-lobservatoire.html
  4. http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/20120717trib000709503/les-pme-cotees-en-bourse-sont-elles-plus-performantes-.html  
  5. Selon les chiffres de L’Observatoire du financement des entreprises, qui précise que 10 d’entre elles étaient liées à la décision de l’émetteur (+ 9 fusions acquisitions et une défaillance) http://www.pme-bourse.fr/fileadmin/medias/Rapport_annuel/Rapport_Observatoire_version_1_150714_bdef_-.pdf
  6. Selon les chiffres de l’étude KPMG : https://www.kpmg.com/FR/fr/IssuesAndInsights/ArticlesPublications/Documents/201304Etude_ETI_KPMG.pdf 
  7. http://fr.slideshare.net/lesechos2/bpifrance-livret-enqute-eti-2014-110x177052014web1
  8. Libérer le potentiel du financement participatif dans l’Union européenne : http://ec.europa.eu/internal_market/finances/docs/crowdfunding/140327-communication_fr.pdf

 

Christian Mercier

Christian Mercier

Cadre administratif et financier en collectivités territoriales

En charge des relations inter-entreprises et des questions de financements publics...

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