Le credit management en 2018: de plus en plus stratégique
Fini le credit manager dédié uniquement à la relance client. Englobant des fonctions de risk manager, chargé de relation client et analyste financier, le credit management devient de plus en plus stratégique. Et intéresse de nombreuses entreprises, y compris les PME.
Les PME cèderaient-elles aux sirènes du credit management? Lors de leur enquête 2017 sur les métiers du credit management en France, l'AFDCC (association française des credit managers et conseils) et Hays ont retenu que le métier était amené à se développer dans les PME. En effet, si les credit managers se trouvent généralement dans des entreprises de plus de 300 salariés, les PME sont de plus en plus nombreuses à s'ouvrir à cette fonction: les répondants à l'enquête sont présents à 39% dans des entreprises de moins de 300 salariés, contre 31% lors de la précédente édition en 2015. Bien que discrète, celle évolution est bien réelle et ne saurait être uniquement due à un désir des petites entreprises de récupérer des créances.
En effet, le credit management évolue et le recouvrement, bien que toujours très important, est loin d'être la seule prérogative. Désormais, les credit managers prennent en charge des fonctions de risk management et même de relation client. Un poste de plus en plus stratégique qui séduit les petites entreprises. "Ce qui intéresse les PME c'est l'évolution de la fonction de credit manager qui n'est plus uniquement financière", note Yann Durand, senior manager chez Fed Finance.
Structurer l'organisation financière
Bien sûr, la porte d'entrée vers le credit management est toujours le recouvrement. Pour Yann Durand, "les entreprises qui passent le pas et embauchent un credit manager ont généralement un montant de créances important à recouvrer et parfois un prestataire peu efficace. Un credit manager en interne leur permet de mettre en place une politique plus adaptée".
Ainsi, les PME qui embauchent un credit manager attendent de lui un recouvrement efficace mais aussi et surtout la mise en place d'une véritable stratégie, sur tout le processus "order to cash". Pour récupérer les créances mais aussi assainir leur organisation. "Les entreprises qui recherchent du financement pour se développer doivent prouver la performance de leur organisation financière et de leurs outils. Et doivent donc se doter d'une structure financière à la hauteur de leurs ambitions. Or, le credit manager en fait de plus en plus souvent partie", observe Ludovic Bessière, business director d'Hays.
Pas étonnant donc que l'enquête de l'AFDDC et de Hays révèle que l'activité principale des credit managers est l'analyse financière (67%), devant le recouvrement (53%). Le credit management en 2018, c'est donc avant tout de l'analyse, de la prise de recul, de la structuration. Voire du conseil.
Sébastien Cordier, credit manager de la succursale française de Versalis International (groupe ENI) et animateur du groupe de travail sur le devenir du métier au sein de l'AFDCC, pense que, dans les années à venir, le credit manager pourrait avoir un rôle à jouer dans les fonctions de conseil et/ou d'apporteur d'affaires "afin d'aider les chefs d'entreprise à trouver le bon interlocuteur pour résoudre des problèmes de trésorerie ou pour vendre la société, par exemple".
Externaliser ou embaucher ?
Vaut-il mieux avoir un credit manager en interne ou externaliser cette fonction? D'un point de vue purement financier, tout dépend des besoins de l'entreprise. En effet, les honoraires d'un cabinet de recouvrement, par exemple, sont calculés en fonction des sommes recouvrées (entre 10% et 20% des sommes recouvrées selon les cabinets, le montant des créances mais aussi leur âge). Le salaire d'un credit manager dans une PME se situe quant à lui entre 30 et 40 k€ bruts par an. Tout dépend donc du montant des sommes à recouvrer, mais aussi de l'importance du risque client pour son entreprise, plus difficile à externaliser.
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Relation client et risk management
Cette analyse concerne bien évidemment avant tout le poste client. Le client est au centre des préoccupations du credit management. L'enquête AFDCC/Hays souligne que 80% des credit managers sont en relation commerciale directe avec les clients afin d'échanger avec eux pour négocier et trouver des solutions. Une relation bien souvent partagée avec les équipes commerciales, avec lesquelles le credit manager travaille désormais main dans la main.
"Les credit managers sont de plus en plus en liaison avec les équipes commerciales pour les sensibiliser, mais aussi pour parler délais de paiement directement avec les clients. Ils vont sur le terrain et font preuve de davantage de souplesse pour préserver la relation client", affirme Joëlle Monange, chef de projet offre & responsable pédagogique gestion-finance-audit chez Francis Lefebvre Formation. L'enquête rapporte par ailleurs que 61% des credit managers gèrent un portefeuille de clients BtoB. Le credit management comporte donc sans conteste une composante de relation client, notamment dans les sociétés BtoB.
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Bien sûr, cette relation avec les clients est avant tout centrée sur le recouvrement. Mais aussi sur l'analyse du risque. Selon l'enquête AFDCC/Hays, les trois sujets de préoccupation des credit managers sont le recouvrement, l'optimisation de la chaîne order to cash et l'anticipation des risques. "Les credit managers sont de plus en plus des risk managers. Ils prennent en charge le risque client, bien évidemment, mais aussi de plus en plus le risque fournisseur. Car une usine quie se retrouve à l'arrêt à cause d'un fournisseur en défaillance financière est encore plus compliquée que des impayés", souligne Sébastien Cordier.
Cet élargissement de la fonction credit management vers davantage de risk management est sans conteste la dimension qui intéresse le plus les PME qui sautent le pas et embauchent un credit manager. Notamment parce que les données à traiter sont de plus en plus complexes et nombreuses à gérer et analyser. "Le credit manager doit choisir quelles données sont intéressantes à utiliser et savoir comment les analyser", constate Joëlle Monange. Le credit management en 2018 est, comme beaucoup d'autres fonctions, touché par la tendance de la data analyse.
Une réglementation qui se durcit
Si la partie risk management est de plus en plus stratégique au sein de la fonction de credit management c'est aussi parce que la réglementation se durcit. Fin 2016 a eu lieu une grosse réforme du droit des contrats qui oblige les sociétés à soigner leurs conditions générales de vente.
La loi Sapin 2, également, relative à la transparence et la lutte contre la corruption contraint les sociétés à réaliser une cartographie des risques et des procédures d'évaluation couvrant les clients, les fournisseurs et les intermédiaires. Les entreprises vont sans conteste pouvoir se reposer sur leurs credit managers pour répondre à certains pans de ces réglementations. "Le credit manager s'occupe de plus en plus des aspects juridiques de sa fonction : compliance, contrôle des fraudes, corruption", approuve Yann Durand.
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