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Stratégie : 5 dirigeants de PME expliquent leur opération de croissance externe

Publié par Julien van der Feer le

Le rachat d'entreprises est certainement la solution la plus rapide pour faire croître sa PME. C'est en tout cas la solution choisie par ces cinq chefs d'entreprise. Retour d'expériences, positives comme négatives.

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"Acheter une grosse PME n'est pas plus long"

Lorsqu'une petite PME décide de grossir, son premier challenge est de convaincre ses partenaires de la suivre ! En rachetant fin 2016 l'agence de communication Bac, spécialisée dans les relations médias sur le secteur de la food (quatre salariés et 400 000 euros de chiffre d'affaires), Julien Monet teste sa démarche et cherche à rassurer son banquier. Compte tenu des résultats, liés au portefeuille clients de Bac, la prochaine fois, il visera plus gros. D'autant que, dit-il, "le temps dédié à l'opération est identique, quelle que soit la taille de l'entreprise".

L'agence a réussi à conserver les clients de Bac (80 % ont signé le renouvellement de leur contrat, 20 % sont en phase de négociation). Aujourd'hui, il projette d'intégrer une agence spécialisée dans le social media. "Notre objectif à plus long terme est d'atteindre une taille critique sur notre marché, avec une centaine de collaborateurs", confie Julien Monet. Avec une croissance organique performante - le CA a été multiplié par neuf en huit ans -, la croissance externe est le seul moyen pour lui de développer encore l'activité et d'acquérir les compétences qui lui font défaut, notamment dans le digital.

Monet + Associés

Activité : Conseil en relations publiques
Ville : Lyon (Rhône)
Dirigeant : Julien Monet, président, 35 ans
Forme juridique : SAS
Année de reprise : 2009 (agence créée en 1986)
Effectif : 38 salariés
CA 2016 3,9 M€

"Nous rachetons des entreprises de notre taille"

Sur le marché foisonnant des fournisseurs de cloud, la tendance est à la concentration, les gros rachètent les petits. "La croissance externe est le seul moyen pour une PME de se développer de manière significative", affirme Thierry Petit-Perrin. Le chef d'entreprise vise à cinq ans d'atteindre les 50 millions d'euros de chiffre d'affaires et un effectif de deux cents personnes, avec des implantations en région. C'est pourquoi il mène son programme d'investissement tambour battant avec une première opération réalisée en 2013 (Oxyneom), une seconde en 2015 (Net Streams), une troisième en cours. 2015 est également l'année de l'entrée d'Endexar (son partenaire autour des solutions SAP) au capital d'Hisi pour créer une offre commune.

À chaque opération, Thierry Petit-Perrin cible une PME de la taille d'Hisi et double son chiffre d'affaires. "Il s'agit de projets ambitieux, au niveau financier, nous avons décidé d'utiliser un LBO - Leverage Buy Out ou opération de rachat d'une société avec effet de levier, mécanisme qui utilise une holding pour contracter l'emprunt finançant le rachat. Nos banquiers historiques ont refusé de nous suivre", raconte le dirigeant. Une autre banque a rapidement été trouvée. Pour ce chef d'entreprise, la croissance externe pose trois questions : le financement, l'audit de la cible et l'intégration.

"L'audit doit être conduit avec soin, car le cédant peut masquer des éléments. Nous avons vécu une mauvaise expérience lors du premier rachat, en comprenant a posteriori que l'activité cloud de la société rachetée était très peu développée." Une mésaventure dont il a tiré les enseignements. Pour éviter ce genre d'écueil, plusieurs audits sont désormais organisés : les experts-comptables vérifient les chiffres et planchent sur les prévisionnels, un avocat analyse les contrats en cours (contrats de travail, baux commerciaux, etc.) et les données sont épluchées pour affiner la compréhension de l'activité.

Hisi

Activité : Fournisseur de cloud privé et infogérance
Ville : Clichy (Hauts-de-Seine)
Dirigeant : Thierry Petit-Perrin, président, 49 ans
Statut juridique : SAS
Année de création : 2009
Effectif : 65 salariés
CA 2017 : 11 M€ (prévisionnel)

"Il faut comprendre ce que l'on gagne pour fixer le prix"

Dans l'édition informatique, et notamment dans le secteur du SaaS, les entreprises sont plutôt récentes et leur technologie assez onéreuse. Or, remarque Marc Schillaci, "le rachat n'a pas toujours comme objectif de conserver la techno. Dans notre cas, il s'agit d'agrandir la zone de chalandise, il faut donc bien comprendre ce que l'on achète". Celui qui développe son groupe (Oxatis a racheté Actinic en Angleterre en 2012, la division e-commerce de Sage en 2014, Xopie en Espagne en 2015) cherche à s'imposer comme leader en Europe.

"Aller sur le marché anglais était une nécessité, car il s'agit d'un marché mature, dur, mais qui nous apporte une certaine légitimité", ajoute-t-il. Actinic a été ciblée pour son portefeuille client étendu, Xopie pour son positionnement de marque et ses équipes. Lors du rachat, la technologie du premier est obsolète, celle du second moins performante que celle d'Oxatis. "Il est fondamental de bien analyser la contrepartie de l'achat, précise Marc Schillaci. Les technologies devant être abandonnées, nous devions faire baisser le prix pendant la négociation pour que l'acquisition ait un sens."

Le dirigeant a fait appel à son cabinet d'expertise comptable pour mener les audits et livrer le montage financier, et à des conseillers juridiques pour la garantie de passif notamment. La croissance externe représente un formidable outil pour adresser les marchés internationaux, à condition de bien affûter ses arguments pour que la négociation aboutisse sur un accord intéressant. "Faute de quoi, mieux vaut passer son chemin."

Oxatis

Activité : Éditeur de solutions e-commerce
Ville : Marseille (Bouches-du-Rhône)
Dirigeant : Marc Schillaci, p-dg, 56 ans
Statut juridique : SA
Année de création : 2001
Effectif :180 salariés
CA 2016 : 7,5 M€ (11 M€ prévu pour 2017)

"J'ai utilisé l'affacturage pour financer l'opération"

Cinq ans après le rachat de KDB Isolation par XL Mat, deux sociétés spécialisées dans la conception, la fabrication et la commercialisation de matériaux innovants en isolation thermique et acoustique, Bertrand Laferrère ne regrette pas l'opération de croissance externe, malgré ses inquiétudes face à la conjoncture. Les deux entreprises commercialisent des isolants minces réflecteurs et se complètent, l'une distribuant ses produits en grandes surfaces de bricolage, tandis que l'autre, KDB Isolation, s'adresse aux négoces et aux artisans.

Au moment de la cession, KDB Isolation perd environ 100 000 euros par mois. "Il fallait arrêter l'hémorragie", soupire le dirigeant. L'entreprise, en difficulté, acquise à bas prix, a dû être restructurée. "Nous avons réduit les effectifs, notamment l'équipe commerciale jugée trop nombreuse au regard d'un chiffre d'affaires en baisse, et réorganiser la force de vente pour la fusionner avec celle de XL Mat", témoigne Bertrand Laferrère. "J'ai mis le compte client en affacturage pour financer la restructuration", poursuit-il.

Deux ans plus tard, le dirigeant a fermé le site de KDB à Nantes et rapatrié les services dans les locaux de XL Mat, en Savoie. Un déménagement qui a conduit des salariés à quitter l'entreprise. "Ils n'ont pas souhaité nous suivre, mais je les avais prévenus un an auparavant, cela s'est bien passé", ajoute le dirigeant. Pour lui, le risque pris était réel, mais cerné.

XL Mat et KDB Isolation

Activité : conception de produits pour l'isolation
Lieu : Gilly-sur-Isère (Savoie)
Dirigeant : Bertrand Laferrère, président, 62 ans
Statut juridique : SAS
Effectif : 20 salariés
CA 2016 : 7 M€

"La pire situation est de voir partir les salariés"

Lors du rachat de Sénioritage Santé en 2012, un réseau composé de quatre agences et dix salariés spécialisé dans le domaine médical, les dirigeants d'Alphyr, réseau de franchises de travail temporaire et recrutement, ont soigné la gestion de la transition. "Dans notre secteur d'activité, racheter une société revient à acquérir de l'immatériel. Le capital humain prime, d'où la nécessité de bien communiquer et de le faire immédiatement", explique Alexandre Pham, coprésident d'Alphyr.

L'équipe a peaufiné sa communication et mis en oeuvre un plan d'actions calé au millimètre. Les cédants sont restés dans la structure pendant six mois. Dès le lendemain de la cession, nouveaux et anciens dirigeants sont allés dans les agences pour expliquer le projet et rassurer. "Dans ce genre de cas, la pire situation est de voir partir les salariés de l'entreprise rachetée, ce que nous souhaitions à tout prix éviter", glisse le coprésident. "Nous avons axé notre discours sur le contexte du rachat et ses avantages", ajoute Alexandre Pham.

Cinq ans plus tard, les objectifs ont été atteints. La quasi-totalité des salariés de l'ancienne entité est restée. "Seuls deux collaborateurs, en poste dans la même agence, n'ont pas souhaité s'intégrer", commente Alexandre Pham. Alphyr a pu accélérer le développement de son activité dans le secteur médical et dispose, à date, de huit agences spécialisées, avec un chiffre d'affaires qui a presque doublé et un résultat d'exploitation multiplié par quatre.

Alphyr

Activité : Réseau de franchise d'agences de travail temporaire et de recrutement
Ville : Paris (XVIIe)
Dirigeants : Alexandre Pham, coprésident, 41 ans et Rémy Sultan, coprésident, 46 ans
Statut juridique : SAS
Année de création : 2009
Effectif : 120 salariés
CA 2016 : 78 M€ (consolidé)

Julien van der Feer

Julien van der Feer

Rédacteur en chef

Directeur des rédactions de six médias BtoB (Action Co, Be a Boss, DAF Magazine, Décision Achats, Ekopo et Maison&Travaux Pro), j'écris [...]...

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