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Réussir ses entretiens d'évaluation

Moment de dialogue privilégié avec vos collaborateurs, ce rendez-vous sert à faire le point sur le travail qu'ils ont accompli, à mesurer les résultats des objectifs globaux de performance de l'entreprise et à fixer de nouvelles orientations. Pour conduire parfaitement ces rencontres le jour J, peaufinez leur élaboration tout au long de l'année.

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Il ne faut pas confondre entretien professionnel et entretien d'évaluation. Le premier sert à élaborer un projet pour l'évolution de la carrière du salarié et résulte d'une obligation réglementaire: il est de rigueur dans toutes les entreprises relevant des fédérations de branche qui adhèrent au Medef, à la CGPME ou à l'Union professionnelle artisanale (UPA), selon l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003. Il concerne les salariés disposant d'au moins deux ans d'ancienneté et doit avoir lieu au moins tous les deux ans.

@ © Setphen Coburn - Fotolia

L'entretien d'évaluation concerne tous les salariés. Cette rencontre entre le manager et son collaborateur est l'occasion de faire le point sur le travail accompli et de fixer les objectifs à venir. Sa fréquence est généralement annuelle et, lorsqu'il est organisé, cet entretien doit répondre à des critères codifiés (lire notre encadré en p. 26).

Mais rien n'empêche le manager d'aborder, au cours d'un même rendez-vous, la question du travail effectué par le salarié et celle de son évolution professionnelle.

L'entretien d'évaluation est considéré comme un moment d'échange privilégié entre les deux protagonistes. « Il permet à l'un et l'autre de prendre du recul sur leur façon de travailler ensemble », souligne Didier Noyé, consultant en management chez Bernard Julhiet. Auteur de plusieurs ouvrages sur le sujetConduire un entretien de développement professionnel, Insep Consulting Editions, janvier 2009, 48 pages, 8 euros ; Conduire vos entretiens annuels, Insep Consulting Editions, juin 2009, 48 pages, 8 euros., il le perçoit comme « un outil servant à mieux lier l'activité de chacun à l'atteinte des objectifs de l'entreprise, ainsi qu'à orienter les évolutions professionnelles individuelles ».

1 BONNE FREQUENCE: UNE OU DEUX FOIS PAR AN

Manager et collaborateur sont amenés à dialoguer tout au long de l'année, mais c'est lors de l'entretien d'évaluation que l'on se «pose» pour dresser le bilan. Le plus souvent, ce rendez-vous est pris pour la fi n de l'année en cours ou le début de la suivante. « Faire le point dans un premier entretien, puis se revoir un mois plus tard pour fixer des objectifs, me paraît une bonne formule, qui laisse à chaque partie le soin de jauger ce qui est réalisable et quels sont les moyens à mettre en oeuvre », conseille Flore Ozanne, dirigeante de Visconti HR, cabinet de coaching de dirigeants. Il est aussi possible de prévoir un entretien à mi-parcours pour analyser l'état d'avancement des projets élaborés lors du premier bilan.

2 SOIGNER LA PHASE PREPARATOIRE

L'entretien d'évaluation est un exercice délicat qu'il convient de préparer tout au long de l'année, en notant au fi l de l'eau les faits qui devront être discutés. A l'approche du jour J, il faut lister les points à aborder avec votre collaborateur, et le prévenir au moins huit jours à l'avance pour qu'il se prépare aussi de son côté. « Communiquer au salarié un document lui permettant de s'auto-évaluer avant la rencontre garantit une bonne base de discussion », relève Didier Noyé (Bernard Julhiet). Enfin, choisissez une date en concordance avec le plan budgétaire de l'entreprise, dans l'optique d'un besoin de formation ou encore d'un plan de mobilité professionnelle.

3 EQUILIBRER LES TEMPS DE PAROLE

Le rendez-vous dure généralement une à deux heures. Vous devez veiller à ce que votre temps de parole et celui de votre collaborateur soient équilibrés. Surtout, prenez soin de maintenir une atmosphère calme, en évitant à tout prix le règlement de comptes. « Il faut aborder cet entretien dans un état d'esprit constructif et utiliser un langage positif », conseille Alain Labruffe, directeur de Socrate Management, organisme de formation en gestion des ressources humaines. En cas de désaccord, mieux vaut se cantonner aux faits avérés et rester à l'écoute de votre interlocuteur. « Le collaborateur ne doit pas se sentir jugé, sinon il peut se braquer, souligne Alain Labruffe. Rechercher des points de convergence ou des compromis demeure une meilleure méthode que de faire des reproches. » La phase préparatoire de la rencontre prend, ici, une grande importance: le collaborateur ne risque pas de se croire piégé s'il connaît par avance les sujets abordés et la manière dont il va être évalué.

4 FIXER DES OBJECTIFS CLAIRS ET PRECIS

Si chaque entreprise - et peut-être même chaque manager! - a ses propres pratiques, toutes s'accordent sur un point: partir des objectifs fixés au collaborateur à n- 1 et l'évaluer de façon juste et détachée. « Il est important de mixer objectifs quantitatifs et qualitatifs», recommande Pierre Chaboussant, Daf et DRH de Comiris, une société spécialisée dans la communication multimédia à destination des entreprises. Les premiers résident, par exemple, dans la capacité d'un contrôleur de gestion à tenir les délais mensuels de reporting, dans le respect des déclarations sociales et légales pour un chef comptable, ou encore dans le déploiement d'un ERP pour un directeur financier. Quant aux objectifs qualitatifs, ils concernent plutôt le «savoir-être» de la personne: ses capacités relationnelles, son implication, ou encore ses talents managériaux le cas échéant. Mais encore faut-il que le poste et les objectifs soient clairement définis dès le départ. La méthode la plus couramment utilisée reste celle dénommée «Smart». Elle consiste à vérifier que l'objectif est spécifique (S), mesurable (M), ambitieux (A), réaliste (R) et temporel (T). Spécifique, car le but à atteindre doit être précisément décrit; mesurable, car déterminé par des indicateurs chiffrés; ambitieux, car nécessitant un engagement supplémentaire ou incitant à se dépasser ; réaliste, car tenant compte des moyens dont dispose votre collaborateur; enfin, temporel, car il n'a de sens que s'il est limité dans le temps, notamment par une date butoir.

5 PENSER A L'APRES-ENTRETIEN

Au cours de l'entretien, n'oubliez pas de prendre des notes: elles serviront à établir le document qui consignera le plan d'actions futures.

Ensuite, vous rédigerez un compte rendu de l'ensemble de vos échanges, à communiquer au collaborateur évalué. A ce stade, n'omettez pas de lui demander de signer la note écrite comportant tout ce qui a été dit et décidé au cours de la rencontre. Si les choses ont été claires, cela ne devrait pas poser de problème. Mais si votre collaborateur conteste certains points, reprenez le dialogue jusqu'à trouver un terrain d'entente et, si nécessaire, faites appel à un tiers, le n + 2 par exemple. Dans tous les cas, il convient de fixer une nouvelle date, à mi-parcours, pour faire le point sur les actions engagées.

FLORE OZANNE

FLORE OZANNE

FLORE OZANNE, DIRIGEANTE DE VISCONTI HR

« La bonne formule consiste à faire un premier entretien, puis à se revoir un mois plus tard. »

PHILIPPE GUYARD

PHILIPPE GUYARD

AVIS D'EXPERT

PHILIPPE GUYARD, consultant senior en ressources humaines à la Cegos
Ne pas confondre évaluation et rémunération
Même si, au cours de l'entretien d'évaluation, rien n'empêche l'employé de faire part de son désir de voir sa rémunération augmenter, le manager, lui, doit bien se garder de négocier le salaire. Parler argent pendant la rencontre réduit considérablement le champ d'application de cet outil destiné à analyser et à améliorer les performances du collaborateur. C'est justement après avoir fait le point sur son travail que l'on peut envisager de lui accorder, ou non, une promotion.
La politique globale de rémunération de l'entreprise doit être portée à la connaissance de tous les collaborateurs pour éviter tout malentendu à ce sujet. Il faut faire comprendre au salarié que, contrairement aux primes, qui peuvent être prédéterminées et quantifiées en fonction de la réalisation de tel ou tel objectif, l'augmentation du salaire dépend de la situation économique générale de l'entreprise. C'est une décision qui se prend bien en dehors de l'entretien annuel d'évaluation.

PIERRE CHABOUSSANT

PIERRE CHABOUSSANT

PIERRE CHABOUSSANT, DAF ET DRH DE COMIRIS

«Il est important de mixer objectifs quantitatifs et qualitatifs. »

DIDIER NOYE

DIDIER NOYE

DIDIER NOYE, CONSULTANT EN MANAGEMENT CHEZ BERNARD JULHIET

«L'entretien permet aux protagonistes de prendre du recul sur leur façon de travailler ensemble. »

CE QUE DIT LA LOI

Un outil d'évaluation réglementé
- L'entretien d'évaluation est régi par les articles L. 1222-3 et suivants du code du travail. L'employeur a l'obligation d'informer le salarié, avant leur mise en oeuvre, des méthodes d'évaluation professionnelle utilisées à son égard. Ces procédés doivent être pertinents au regard de la finalité poursuivie (article L. 1222-3). En outre, les informations demandées doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation des aptitudes du salarié, qui, de son côté, est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations (article L. 1222-2).
- Les juges reconnaissent que l'évaluation des salariés est inhérente au pouvoir de direction de l'employeur lui permettant de contrôler leur activité. Mais c'est à la condition que cette évaluation repose sur des critères objectifs (cass. soc. du 10 juillet 2002, cass. soc. du 9 avril 2002). La société Airbus Opérations vient ainsi de voir la suspension de son processus d'évaluation des cadres, baptisé «P & D», le 21 septembre dernier par la cour d'appel de Toulouse, qui a estimé que l'utilisation de critères comportementaux tels que «faire face à la réalité et être transparent» ou «agir avec courage» ne relevaient pas d'un jugement objectif.
- L'évaluation des salariés reste en débat, comme en témoigne la multitude d'ouvrages sur le sujet. Le Centre d'analyse stratégique (CAS) vient de se saisir de la question à travers son étude sur la gestion des ressources humaines, publiée sur son site www.strategie.gouv.fr. Le CAS fait plusieurs propositions pour «renforcer et légitimer encore plus le dispositif» et pour «éviter au maximum les dérives qui peuvent exister sur des cas individuels». Il préconise notamment la création d'une certification des entretiens individuels d'évaluation, qui porterait sur le processus de leur construction, ainsi que la mise en place d'une procédure d'appel pour les salariés.

SAMORYA WILSON

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