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LE FAST CLOSE, OU L'ART DE CONJUGUER RAPIDITE ET QUALITE DE L'INFORMATION

Produire des comptes plus rapidement tout en maintenant un haut degré de qualité de production de l'information : c'est l'ambition d'un fast close. Et cette démarche intéresse toutes les sociétés soucieuses de leur communication financière.

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@ M. Studio / Fotolia

Accélérer la production des résultats, autrement dit le fast close, consiste, pour l'entreprise, à réduire ses délais de clôture et de publication des comptes. « Elle peut ainsi fiabiliser son processus de collecte d'informations financières et mieux les communiquer en s'assurant une visibilité optimisée », commente Hervé Fratta, associé de A2 Consulting, cabinet de conseil en organisation et management. La notion de closing renvoie à l'ensemble des étapes qui s'enchaînent depuis la collecte des données de base jusqu'à la production d'une image, à un instant donné, d'informations comptables, financières et de gestion, fiables et utilisables par tous les acteurs internes et externes. Les états financiers et le reporting résultant de ce processus sont considérés comme des produits finis, servant de base aux analyses de performances et aux diagnostics financiers. La notion de fast close se définit donc comme la capacité d'une entreprise à réaliser en quelques jours une clôture comptable, que celle-ci soit annuelle, semestrielle, trimestrielle ou mensuelle, tout en s'inscrivant dans un processus d'amélioration continue de la qualité des informations comptables, financières et de gestion produites.

JEAN-LOUIS BRUN D'ARRE, ASSOCIE DU CABINET BELLOT MULLENBACH & ASSOCIES

« La publication rapide des informations financières met en avant la maîtrise de son business et l'efficacité de son processus de production de l'information comptable et financière. »

Les entreprises françaises mettent, en moyenne, plus de 40 jours calendaires pour clôturer leurs comptes sociaux et plus de 70 jours pour arrêter leurs comptes consolidés, soit deux fois plus de temps que leurs homologues américaines«Le Fast close, ou accélération de la production des comptes : un enjeu majeur pour l'entreprise», Baker Tilly France, mai 2010.. Cette comparaison s'avère encore plus défavorable aux sociétés hexagonales si on la fait porter sur les délais de restitution des comptes mensuels servant de support à la gestion. Une analyse des pratiques des sociétés cotées en matière de publication des informations financières, menée en 2006 par l'Observatoire de la communauté financière auprès des membres de l'Association française des investor relations et de la Société française des analystes financiers, a montré que 80 % des entreprises n'effectuaient pas d'arrêté trimestriel, et que le délai requis pour la publication des rapports financiers périodiques n'était respecté que par une faible part d'entre elles. Cette étude, reconduite en 2008, a montré des progrès significatifs, mais situant les sociétés françaises à des niveaux encore très inférieurs en comparaison avec les pratiques des entreprises aux Etats-Unis.

LE FAST CLOSE N'EST PAS RESERVE AUX SOCIETES COTEES

Les obligations réglementaires (issues de la transposition par l'ordonnance n°2008-1278 du 8 décembre 2008 de la directive 2006/43/CE du 17 mai 2006) imposent aux sociétés cotées de publier l'information financière dans des délais de plus en plus courts et de s'assurer de la fiabilité des processus d'élaboration des comptes, dans le respect d'objectifs de transparence, d'exactitude et de fiabilité. Rappelons qu'en vertu de la directive précitée, depuis le 20 janvier 2007, les sociétés cotées doivent publier leur rapport financier annuel dans les quatre mois suivant la clôture de leur exercice, un rapport semestriel dans les deux mois qui suivent la clôture du semestre et un rapport trimestriel dans les 45 jours suivant la fin des premier et troisième trimestres. Mais au-delà de ces obligations, de nombreuses sociétés, quelle que soit leur taille, sont également susceptibles de s'intéresser à une démarche fast close.

« Certes, les contraintes réglementaires s'adressent aux sociétés cotées. Mais, explique Hervé Fratta (A2 Consulting), elles redescendent par un jeu de dominos assez rapidement aux filiales de ces dernières. » Quant au deuxième Observatoire fast close, lancé en juin dernier par A2 Consulting et l'Association nationale des directeurs financiers et du contrôle de gestion (DFCG), il montre bien que ce choix n'est pas réservé aux groupes de sociétés : 37 % des entreprises présentes dans l'Observatoire sont des PME. En outre, le fast close ne se limite pas à un seul secteur d'activité : il touche aussi bien l'industrie (43 %) que les services (41 %) ou encore la distribution (13 %).

JAN-LUC AMBRE, Daf de Kiloutou

JAN-LUC AMBRE, Daf de Kiloutou

TEMOIGNAGE: « Nous n'avons pas d'obligation réglementaire ou au niveau du groupe, pourtant, nous avons opté pour le fast close »

« Pour nous, il est très important de clôturer rapidement les comptes afin de pouvoir accompagner le développement du réseau avec une information financière et comptable pertinente et rapide. Nous n'avons pas d'obligation réglementaire, ni d'obligation au niveau du groupe, et pourtant, nous avons choisi de réaliser un arrêté comptable mensuel complet et d'adapter nos méthodes, notamment pour la comptabilité tiers, de manière à offrir une plus grande réactivité aux opérationnels. Dans notre logique, la direction financière est envisagée comme un véritable «business partner» des directions opérationnelles. La clôture mensuelle et annuelle se fait en quatre jours environ, avec un cinquième consacré au contrôle. Vers le sixième jour, l'information est disponible dans le réseau. Au-delà, à mon sens, l'information financière arrive trop tard, on est dans le rétroviseur. »

REPERES

Raison sociale : Kiloutou
Activité : Location de matériel
Forme juridique : SA
Dirigeant : Xavier Du Boÿs
Daf : Jan-Luc Ambre
Effectif : 2 500 salariés
CA 2011 : 315 MEuros

UNE EXIGENCE DES INVESTISSEURS ET UN OUTIL DE PILOTAGE DE L'ENTREPRISE

Dans les faits, les raisons d'entamer une telle démarche sont multiples. Pour Jean-Louis Brun d'Arre, expert-comptable et commissaire aux comptes, associé du cabinet Bellot Mullenbach & Associés, «il peut s'agir de la nécessité de répondre aux exigences de ses actionnaires si, à son tour de table, la société compte des fonds d'investissement, par exemple. Le directeur des participations a besoin de disposer mensuellement du compte de résultat et de la trésorerie au cours des premiers jours du mois suivant». Clôturer plus rapidement permet d'adresser aux actionnaires, partenaires, investisseurs, voire aux marchés, des états financiers pertinents. Une démarche apte à promouvoir l'image de la société, à valoriser les compétences du management et à garantir sa réputation financière. «La publication rapide des informations financières permet de mettre en avant, auprès de la communauté financière, la maîtrise de son business et l'efficacité de son processus de production de l'information comptable et financière», souligne Jean-Louis Brun d'Arre. «La société va renvoyer une meilleure image aux marchés, mais également aux agences de rating», complète Hervé Fratta (A2 Consulting). Enfin, le fast close va permettre de mesurer la performance de la fonction comptable et financière.

Autre thème qui revient fréquemment dans la bouche des dirigeants qui s'orientent vers le fast close : la volonté de répondre aux besoins du management en disposant rapidement de l'information pertinente. «Grâce à cette accélération du processus de clôture comptable, les équipes de la direction financière consacrent plus de temps au présent et au futur, explique Jean-Louis Brun d'Arre (cabinet Bellot Mullenbach & Associés). C'est un véritable changement de fonctionnement mental dans l'entreprise. Les équipes comptables et les contrôleurs de gestion vont passer moins de temps à analyser le passé, dans une démarche rétrospective. Le temps ainsi libéré sera consacré à anticiper le futur en se rapprochant des opérationnels et à apprécier les impacts de cette démarche sur le compte de résultat. » En clôturant plus rapidement, l'entreprise dispose, au cours des premiers jours du mois suivant, d'une analyse des écarts entre performance réelle et prévue, d'indicateurs fiables pour que les opérationnels puissent réagir et prendre des décisions rapidement.

AUDITER, PRECONISER, EVALUER ET AMELIORER

Il convient de mener une démarche de fast close comme un projet d'entreprise, du fait de la multiplicité des acteurs et des processus concernés. La direction générale et les directions opérationnelles doivent être impliquées dans ce programme d'envergure. Une organisation projet rigoureuse doit être mise en place. Première étape : auditer le processus actuel d'arrêté des comptes de l'entreprise, c'est-à-dire identifier les acteurs, les informations échangées et leur circuit, les tâches effectuées, les services concernés, etc. De ce diagnostic se dégagent alors un certain nombre de préconisations d'améliorations : un plan d'action. Le suivi de ce plan d'action va permettre d'accélérer effectivement le déroulé de la clôture de l'entreprise. La dernière étape consiste alors à réaliser une évaluation critique du déroulement de cette clôture et à en pérenniser les bonnes pratiques. « Il s'agit pour nous, consultants, d'une mission à caractère fortement pratique, explique Hervé Fratta (A2 Consulting). Le résultat doit être évident pour tous, puisqu'il se compte en jours gagnés sur son délai de clôture pour l'entreprise. »

Mais cette réduction des délais doit nécessairement s'accompagner d'une amélioration de la qualité des informations produites (baisse des anomalies, qualité et volume des analyses, etc.). Dans une démarche de fast close, les deux volets délai et qualité vont d'ailleurs de pair. «C'est une démarche d'amélioration continue qui permet d'augmenter la fiabilité de l'information produite», analyse Jean-Louis Brun d'Arre (cabinet Bellot Mullenbach & Associés). En effet, revoir les processus de clôture oblige nécessairement la société à se pencher sur l'efficacité et la fiabilité des systèmes qui produisent les informations comptables et de gestion. Le fast close permet aussi de supprimer des tâches de production à faible valeur ajoutée, afin que les équipes se recentrent sur l'analyse et la fiabilisation des informations produites. Il permet, en outre, de mettre en place une meilleure communication entre les équipes finance et les équipes opérationnelles. «Au final, la qualité des données comptables doit avoir été améliorée et la charge de travail des équipes, a minima, lissée», avance Hervé Fratta (A2 Consulting). L'entreprise va donc gagner en efficacité. «Il ne s'agit pas d'un exercice comptable, mais d'un exercice de production d'informations financières et comptables. Gagner en rapidité passera aussi par la mise en place de méthodes d'estimation qui ne doivent pas être diabolisées. Celles-ci constituent un gisement important pour gagner en rapidité. En revanche, il ne faut pas hésiter à évaluer régulièrement l'efficacité de ces règles d'estimation », souligne Jean-Louis Brun d'Arre.

VALERIE FLAMENT, associée Conseil Services Financiers chez Deloitte

VALERIE FLAMENT, associée Conseil Services Financiers chez Deloitte

TROIS QUESTIONS A ... VALERIE FLAMENT

«La clôture ne concerne pas que les équipes de la direction financière»


Quel est pour vous l'intérêt principal d'une entreprise à initier une démarche de fast close ?
Dans une période économique difficile comme celle que nous traversons, une démarche de fast close va permettre de disposer rapidement d'informations fiables pour que l'entreprise puisse adapter sa stratégie. Le fast close donne plus d'agilité aux équipes de direction, leur permettant, par exemple, de décider sans attendre de se recentrer sur les produits ou services les plus rentables de l'entreprise.


Quels éléments de réflexion l'entreprise doit-elle intégrer avant de décider d'accélérer sa production de résultats ?
S'assurer que l'on dispose des équipes nécessaires pour clôturer dans les délais qu'on s'est fixés. Souvent, la clôture s'allonge faute de ressources internes pour enchaîner et optimiser les étapes de la production des comptes. La contribution des services opérationnels est également essentielle à la réussite d'un tel projet.


Quels sont les écueils à éviter ?
En matière de fast close, l'entreprise doit se définir un objectif ambitieux mais raisonnable. Si une société qui clôture habituellement en 60 jours décide de clôturer en dix jours, elle n'y arrivera pas dès la première année. Elle devra réévaluer à la baisse ses ambitions. A contrario, entamer une démarche de fast close pour ne gagner que quelques jours de clôture n'a pas de sens...

MANON SANDRINI

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