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Dominique Degand, spécialiste de la croissance sous LBO

Dominique Degand a commencé sa carrière chez Tropico dont il est devenu le dirigeant. Après avoir remis l'entreprise sur les rails, il la cède, fort d'un LBO instructif et réussi. Il prend alors les rênes d'Européenne Food. Build up, LBO, intégration, modernisation sont au coeur de son action.

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Vous avez passé une partie importante de votre carrière dans la même entreprise, Tropico, avant d'en devenir le dirigeant en 2002. Quel a été votre parcours?

Entré comme responsable des ventes chez Tropico, PME qui distribue des boissons chaudes et froides auprès des cafés-hôtels-restaurants, j'y ai gravi tous les échelons jusqu'à devenir directeur commercial.

En 1995, la PME a été rachetée par Unilever. Mais elle n'a pas réussi à s'adapter au processus de fonctionnement d'une multinationale. Le chiffre d'affaires de la célèbre marque au perroquet passe de 60 millions d'euros (et 6 millions d'euros de résultat) en 1995 à 24 millions d'euros en 2002, subissant une perte de 6 millions d'euros. J'ai alors proposé à Unilever de reprendre la société, à titre personnel, avec l'appui du fonds d'investissement Industries et Finances. D'où un basculement dans ma carrière. Je suis simultanément devenu dirigeant d'entreprise et j'ai fait l'expérience d'un LBO. Après son redressement, l'entreprise a été cédée en 2005 à un nouvel acquéreur, les Cafés Folliet. En janvier 2006, j'ai rejoint Européenne Food, dont Industries et Finances était l'actionnaire majoritaire, pour en prendre la direction générale aux côtés de Jean-Philippe Hess, son président. Je me consacre aux aspects gestion, organisation et back-office.

Quel était alors le «challenge» pour Européenne Food?

L'entreprise, dont l'activité consiste à distribuer des boissons (chaudes ou froides) et des produits de snacking (cacahuètes, biscuits, friandises...), venait d'acquérir en build upBuild up: série d'acquisitions financées par endettement, menée par une entreprise sous LBO, dans l'objectif de majorer la valeur du futur groupe de taille intermédiaire ainsi constitué. plusieurs sociétés dans l'Hexagone. Mais la greffe ne prenait pas et le résultat stagnait. Les différentes entités régionales fonctionnaient encore de façon indépendante, notamment sur le plan administratif: chacune avait son bilan, son équipe comptable, son expert -comptable, son assureur... Sur le plan commercial, les tarifs n'étaient pas unifiés. L'ambition était donc de définir une stratégie d'ensemble et de réaliser l'intégration des acquisitions, pour donner le jour à une société de taille intermédiaire. La croissance par build up a ensuite été poursuivie, avec au total, depuis 2002, six acquisitions.

Comment avez-vous réalisé cette intégration?

Pour pouvoir mener notre stratégie commerciale, qui visait à diversifier notre base de clientèle et à accroître la valeur ajoutée de nos prestations, la centralisation s'est imposée. Les filiales ont été fusionnées sous une seule raison sociale, avec un siège en région parisienne. Une de mes premières missions a été de recruter un Daf, un DRH, un DSI et un directeur logistique. Il n'y a pas eu de casse sociale. Il n'était, en effet, pas nécessaire d'alléger les structures, mais plutôt d'allouer les ressources différemment. Par exemple, les personnes dédiées à la comptabilité dans les anciennes filiales se sont consacrées au contrôle de gestion, fonction vitale en phase de réorientation stratégique. Réorganisation d'autant mieux accueillie qu'elle s'est rapidement concrétisée par la signature de nouveaux contrats commerciaux, conclus au niveau national. Aujourd'hui, conformément à la stratégie de départ, notre portefeuille de clients s'est élargi. Notre métier historique, la vente de produits techniques (cafés, chocolats lyophilisés...) auprès de la distribution automatique, représente près du tiers du chiffre d'affaires contre 75 % il y a cinq ans, et nous avons développé la part des clients grossistes et des clients nationaux (chaînes de vente à emporter et restauration rapide, cinémas, marchés publics...) qui représentent un axe stratégique de développement.

REPERES

Raison sociale:
Européenne Food
Activité: Distribution alimentaire hors domicile
Forme juridique: SAS
Dirigeants: Dominique Degand, directeur général et Jean-Philippe Hess, président
Daf: Arnaud Hage
Effectif: 375 salariés
CA 2011: 238 MEuros

@ ©Arnaud Olszak

Quels ont été les principaux résultats de la modernisation des fonctions support?

Dès 2007, nous avons fusionné les trois systèmes d'information des différentes entités pour migrer sur un seul ERP, Generix. Parallèlement, nous utilisons un logiciel, Tour Solver, optimisant les tournées de notre flotte de 80 poids lourds et relié à l'ERP. La trésorerie a également été fortement améliorée grâce à la réorganisation de notre comptabilité clients. Pour 10 000 clients directs, nous sommes passés en deux ans de 20 % de créances échues à moins de 10 %.

Autre élément qui contribue à améliorer et fluidifier la trésorerie, la dématérialisation des factures avec nos clients « chaînés» comme Relay, la Mie Câline, Brioche Dorée... Cela nous permet de numériser l'équivalent de 200 000 factures annuelles. Outre l'efficacité opérationnelle induite, l'objectif de cette informatisation est de nous permettre de fournir à nos clients des services associés à valeur ajoutée. Ainsi, nous leur proposons des statistiques de chiffres d'affaires mensuelles, hebdomadaires, voire quotidiennes par référencement, fournisseur et produit, des livraisons précises et optimisées, mais également des produits et des promotions sur mesure...

Conformément à notre slogan, nous sommes devenus «infiniment plus qu'un distributeur».

Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant d'entreprise cherchant à faire entrer un fonds d'investissement dans son capital pour accompagner son développement ou son redressement?

Loin de considérer les fonds d'investissement comme des prédateurs, il faut mesurer ce qu'ils apportent au développement d'une entreprise. L'idéal est d'être accompagné par des investisseurs intéressés par son « business» et pas seulement par le TRI versé aux actionnaires ou par les multiples de valorisation. Je conseille de se renseigner sur les intentions du fonds, et de veiller à son souhait de s'investir dans la durée. Pour s'en assurer, rencontrer les dirigeants des sociétés dans lesquelles les fonds sont déjà ou ont été présents.

Concernant Européenne Food, la stratégie de build up menée avec le soutien d'Industries et Finances a permis de constituer un groupe qui couvre aujourd'hui l'ensemble du territoire avec huit plateformes et dont le chiffre d'affaires est passé de 133 millions d'euros en 2002 à 238 millions d'euros en avril 2011, date de sa cession à TCR Capital. Aujourd'hui, nous avons de nouvelles ambitions de développement et de diversification, avec un horizon de remboursement de notre dette à cinq ans. Preuve de la confiance dans cette stratégie, la majorité des salariés qui avaient été intéressés à la première opération de LBO ont réinvesti la totalité de leur sortie lors de la seconde opération.»

BIO EXPRESS

1979: Diplômé de l'Edhec.
1981: Il débute comme commercial chez Tropico, leader des boissons en poudre et des concentrés de jus de fruits. Dominique Degand y occupe différents postes avant de devenir directeur commercial.
1995: Tropico est racheté par Unilever.
2002: Lors de sa cession par Unilever, Dominique Degand entre au capital de Tropico aux côtés du fonds d'investissement Industries et Finances. Il en devient le président-directeur général.
2006: Il devient directeur général d'Européenne Food, en charge de la gestion, du back-office et de l'organisation.

FLORENCE KLEIN

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