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Daf, une fonction de plus en plus transversale

Fort de responsabilités élargies en France, le Daf occupe un poste à géométrie variable dans l'entreprise. retour sur une fonction atypique, qui tranche largement avec la définition du CFO anglo-saxon traditionnel.

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@ © allapen - Fotolia.com

Protéiforme, multitechnique, pluridisciplinaire. Des qualificatifs semblables pour désigner un seul métier: celui de Daf. « Si, avant les années 2000, la direction administrative et financière était perçue comme un service comptable en amélioré, désormais, elle s'impose comme une direction stratégique s'occupant à la fois du contrôle de gestion, de la trésorerie, de la maîtrise des risques, de l'optimisation des systèmes d'information, etc. », analyse Baudoin de Montplanet, associé chez Nicholas Angell. Un élargissement des compétences du Daf qui s'explique par plusieurs facteurs: la plus grande dépendance des entreprises vis-à-vis des financements bancaires extérieurs, une prise de participation de plus en plus forte des fonds d'investissement dans l'actionnariat des sociétés, etc. « Exit le profil du Daf strictement technique! Désormais, son rôle s'étend jusqu'aux opérations de «haut de bilan»: levées de fonds, fusions, acquisitions, processus d'affacturage... Doté d'un certain leadership, il est impliqué dans les choix décisifs de l'entreprise et valide chaque orientation stratégique en calculant son retour sur investissement », détaille Bruno Fadda, directeur associé du cabinet Robert Half. Plus encore, le Daf doit savoir s'exprimer aisément en public, rassurer les actionnaires tout en suscitant la confiance de son dg. « Au-delà du savoir-faire, le savoir-être devient aujourd'hui un prérequis indispensable pour faire un bon Daf », résume Jerry Knock, associé du cabinet Oasys.

Cette montée en puissance du métier de Daf est d'autant plus flagrante dans les PME, où ce dernier, tel un homme à tout faire, s'impose désormais comme le bras droit du p-dg. « Une tendance que l'on observe aussi bien en France que dans les pays germanophones de l'Europe: Allemagne, Autriche et Suisse », constate Johann Van Nieuwenhuyse, directeur senior du cabinet Michael Page. Ainsi, selon une étude réalisée par Michael Page début 2011, 78 % des CFO dirigeant des départements financiers de moins de dix collaborateurs déclarent assurer aussi des tâches administratives. « Un Daf de PME est souvent un homme-clé du fonctionnement opérationnel de l'entreprise. Alors que, dans une grande structure, son homologue joue certes un rôle tout aussi important mais beaucoup plus concentré sur la fonction financière », souligne Johann Van Nieuwenhuyse.

JOHANN VAN NIEUWENHUYSE, DIRECTEUR SENIOR DU CABINET MICHAEL PAGE

JOHANN VAN NIEUWENHUYSE, DIRECTEUR SENIOR DU CABINET MICHAEL PAGE

FAIRE PREUVE D'ADAPTABILITE

C'est dire la nécessité pour le Daf d'une petite entreprise de se mettre au diapason de son périmètre, toujours plus large, d'intervention. « D'autant que, dans les PME, il n'est pas rare de voir des responsables comptables évoluer vers le poste de Daf, la bonne maîtrise de la comptabilité constituant un socle de base indispensable pour se hisser à la tête du service administratif et financier », indique Bruno Fadda. A la charge donc de ces derniers de se former sur le tas à toutes ces nouvelles missions. L'autre alternative consiste à miser sur des formations courtes. La DFCG (Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion) comme l'AFTE (Association française des trésoriers d'entreprise) proposent, par exemple, des sessions intensives de plusieurs jours afin d'inculquer les fondamentaux en matière de gestion de cash, d'optimisation financière, etc. « Nous proposons aussi des stages de perfectionnement d'un ou deux jours portant sur des tâches très sophistiquées comme la mise en place d'une opération obligataire ou d'un reporting trésorerie, complète Richard Cadro, secrétaire général de l'AFTE, même si, pour exceller en la matière, rien de tel que la pratique ou le partage de bons tuyaux avec ses pairs. » Cela étant, le niveau de technicité demandé à un Daf de PME en matière de trésorerie n'est pas aussi élevé que dans les grands comptes. « Il ne peut pas tout faire, rappelle Antoine Morgaut, directeur général du cabinet Robert Walters. Aussi, la priorité pour un Daf d'une petite structure consiste d'abord à faire preuve d'adaptabilité. La donne change bien sûr dès qu'un fonds d'investissement s'impose dans le capital. Dans ce cas, le Daf est attendu au tournant en matière de gestion de trésorerie et de mise en place de reporting favorisant une remontée claire des informations financières. »

ANTOINE MORGAUT, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CABINET ROBERT WALTERS

ANTOINE MORGAUT, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CABINET ROBERT WALTERS

DES EXIGENCES ELEVEES

Plus le Daf porte la casquette de «business partner» au service des directions opérationnelles, plus sa connaissance du secteur d'activité de l'entreprise constitue un «plus» incontournable. « Une exigence parfois exigée par le dg lors de son recrutement », note Bruno Fadda, en citant l'exemple d'un de ses clients, acteur de l'industrie chimique confronté au déficit d'une de ses activités. « Ce dernier cherchait un Daf aguerri au secteur afin qu'il puisse être rapidement en mesure de redresser le département. »

A la fois généraliste et spécialiste, homme de chiffres et de communication, gardien du «temple» et business partner: face à un tel degré de polyvalence, le Daf d'aujourd'hui ne serait-il pas un mouton à 5 pattes? « Plus que jamais, reconnaît Baudoin de Montplanet. Parfois, il nous faut même plus de trois mois pour dégoter le profil qui convienne. » Un profil d'autant plus atypique qu'il est propre à la France et à ses voisins germanophones. C'est pourquoi les exigences pour devenir Daf dans l'Hexagone figurent souvent parmi les plus élevées. « Dans les faits, les Daf français sont souvent issus de formations d'excellence (écoles de commerce), a contrario de leurs homologues anglo-saxons provenant davantage de cursus éclectiques et moins élitistes », note Antoine Morgaut. En termes d'expérience également, la barre est placée haute, puisque, pour prétendre à un tel poste, pas moins de dix années d'ancienneté dans le contrôle financier ou l'audit interne s'imposent en France. « Le Daf français constitue un profil bien plus recherché que le CFO anglo-saxon ou d'Europe du sud, qui s'apparente davantage à un financial controler », affirme Johann Van Nieuwenhuyse, en rappelant un paradoxe de taille: s'ils sont les plus multitâches, les Daf français ne sont pas pour autant les mieux payés. Ainsi, selon l'étude Michaël Page, les Daf allemands ou autrichiens bénéficieraient d'une rémunération supérieure, tandis que les Portugais ou Polonais afficheraient les salaires les plus bas (voir encadré ci-dessous). Au-delà du volet salarial, le profil du Daf français, particulièrement mature, pourra-t-il à terme s'exporter dans les autres pays européens? « Pas forcément, répond Antoine Morgaut, car, si le modèle du Daf français figure parmi les plus aboutis, il reste un hiatus de taille: la maîtrise de l'anglais qui laisse à désirer. » Dans ces conditions, impossible pour eux de briguer des postes importants dans des grands groupes internationaux... Si un tel métier est donc plein d'avenir en France, « car toujours voué à plus de transversalité », comme le rappellent les consultants, le chemin sera encore long avant que leurs représentants ne s'imposent hors de nos frontières.

BAUDOIN DE MONTPLANET, ASSOCIÉ CHEZ NICHOLAS ANGELL

BAUDOIN DE MONTPLANET, ASSOCIÉ CHEZ NICHOLAS ANGELL

EN CHIFFRES

Salaires des CFO européens: la taille de l'entreprise est le critère majeur
Bonus compris, plus de 40 % des CFO européens gagnent 120 000 Euros ou plus par an. Pour 8 %, la rémunération annuelle est inférieure à 60 000 Euros et pour 13 %, elle est supérieure à 200 000 Euros. Au-delà des caractéristiques personnelles (sexe, formation, expérience...), la rémunération fluctue avant tout en fonction de la taille de l'entreprise. Les deux tiers des CFO de sociétés de moins de 100 salariés gagnent moins de 120 000 Euros par an, et seulement 6 % d'entre eux plus de 200 000 Euros. Dans les entreprises de plus de 5 000 salariés, seulement 25 % des CFO touchent une rémunération inférieure à 120 000 Euros. 80 % des CFO suisses, allemands et autrichiens se situent au-dessus de la barre des 120 000 Euros par an contre un tiers des CFO espagnols, suédois, français ou polonais. Enfin, environ 20 % des CFO polonais et portugais déclarent gagner moins de 60 000 Euros par an.
Source: Baromètre CFO 2011, Michael Page, déc. 2011

CHARLES COHEN

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