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CONFIER SA LOGISTIQUE A UN TIERS: UNE DEMARCHE D'AMELIORATION CONTINUE

Externaliser tout ou partie de sa supply chain est a priori une alternative attrayante pour diminuer ses coûts fixes. Mais d'autres motifs doivent animer cette décision qui nécessite de penser à moyen terme.

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La logistique est un poste gourmand en dépenses qu'il faut savoir décortiquer pour ne pas perdre en qualité et donc, à terme, décevoir sa clientèle cible. Dans le cadre d'une externalisation, c'est un facteur-clé de compétitivité: «Il y a dix ans, on sous-traitait pour satisfaire à des objectifs purement financiers, constate Didier Lesueur, directeur marketing et communication au sein de DHL Supply Chain. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Plus qu'un sous-traitant, les entreprises recherchent un partenaire capable de maîtriser tout ou partie de leur chaîne logistique.» Effectivement, si la logistique ne fait pas partie du «core business» d'une entreprise, elle l'impacte directement et durablement. La confier à un tiers est une idée qui fait son chemin, y compris du côté des PME. L'externalisation est perçue par certains donneurs d'ordres comme un levier stratégique pour accroître la performance d'un dispositif existant. Pour d'autres, elle se justifie par un événement conjoncturel, un accroissement d'activité ou des pièces de plus grandes dimensions qui nécessitent l'acquisition d'un entrepôt plus grand, par exemple. La gérer en propre, c'est réduire sa capacité financière au détriment d'investissements liés à son coeur de métier.

@ Mike Swartz Photography

WILLIAM PARRAMORE, DIRECTEUR DE LA DIVISION CONTRACT LOGISTICS FRANCE DE KUEHNE+NAGEL

«Grâce à l'externalisation, une société peut optimiser son cash flow en accélérant ses flux et en diminuant ses stocks. »

Quelles que soient les raisons pour lesquelles vous décidez d'externaliser la logistique, vous devez avoir à l'esprit que c'est une décision qui a des implications stratégiques. D'où l'importance de la réflexion en amont: «Repositionnez le rôle de la logistique par rapport à votre business. Interrogez-vous d'abord sur les délais et services attendus par vos clients, c'est-à-dire l'aval, puis remontez vers l'amont», conseille Richard Noël, directeur du développement de la logistique France de Norbert Dentressangle. Cette réflexion vous conduira à poser plusieurs questions: quelles sont les exigences de l'entreprise? Comment est-elle organisée? Quelles sont ses forces et ses faiblesses? Quels sont les coûts des prestations internes? Quelles sont ses ambitions futures? Pour y répondre, commencez par réaliser un audit complet des besoins actuels et futurs de l'entreprise. «Pour ce faire, réunissez les services achats, marketing, commercial, logistique et financier, recommande Richard Noël (Robert Dentressangle). Le cas échéant, se rapprocher d'un cabinet de conseil est préconisé. » Il peut être judicieux de benchmarker les pratiques de vos concurrents dans ce domaine. De là, vous serez en mesure de juger de l'adéquation ou non de votre logistique actuelle avec les objectifs attendus en termes de valeur. Et ainsi d'apporter les arguments qui vont conditionner la teneur de votre projet d'externaliser tout ou partie de votre supply chain.

GAGNER EN SOUPLESSE ET EN FLEXIBILITE

Le moteur premier est d'ordre économique. Car il est tentant de transformer des coûts fixes en coûts variables, pour un risque réduit. Par ailleurs, «une société peut vouloir optimiser son cash flow en accélérant ses flux et en diminuant ses stocks, ce que permet a priori l'externalisation», avance William Parramore, directeur de la division Contract Logistics France de Kuehne+Nagel. D'autres choisiront cette option dans le but de réaliser une plus-value sur leurs actifs en cédant un immeuble. Mais l'argument financier ne suffit pas à justifier durablement une telle décision. Selon Pierre Freydier, directeur de projet au sein du groupe GCL Europe, société de conseil en logistique, l'économie générée par l'outsourcing est finalement assez aléatoire: «Si l'on peut espérer une baisse des coûts de 10 à 15 % à une échéance de 18 mois, ce n'est pas systématique. Le prestataire répercute ses propres coûts sur la facture de son client. » Sachant qu'il faut également prendre en compte les «coûts cachés» liés à la mise en place d'un système de contrôle de qualité qui, outre la définition de critères pertinents pour juger de la performance des services rendus, nécessite pour leur suivi d'y allouer une équipe. Pierre Freydier souligne par ailleurs que «la décision d'externaliser, socialement sensible, engendre parfois un «effort salarial» de la part de la direction, pour qui les bénéfices du système sont plus d'ordre qualitatif». Ce que confirme Didier Lesueur (DHL Supply Chain): «L'externalisation doit davantage être considérée comme un levier de qualité de service. » En faisant appel à un prestataire dont c'est le coeur de métier, l'entreprise tire parti de son expertise, se recentrant sur les activités qu'elle considère comme les plus créatrices de valeur. Elle a aussi accès à des équipes plus compétentes et à des services et technologies à haute valeur ajoutée, comme la gestion partagée des approvisionnements (GPA).

Surtout, l'externalisation offre davantage de souplesse et de flexibilité. « Un outil logistique est pertinent à un instant T, rappelle William Parramore (Kuehne+Nagel). Deux ans plus tard, les besoins de l'entreprise peuvent avoir évolué. Contrairement à un logisticien, une entreprise qui a investi en propre aura plus de difficultés à s'adapter. »

Pourtant, certaines sociétés préfèrent garder la maîtrise totale de leur chaîne logistique car elles ont développé un véritable savoir-faire dans ce domaine. Ou parce qu'elles craignent de perdre le contrôle de tout ou partie des opérations comme de la technologie. Il est donc nécessaire de réfléchir, en amont, aux activités qui peuvent être transférées sans risque et pour lesquelles l'externalisation sera un vrai gain. C'est pourquoi Pierre Freydier (GCL Europe) recommande de débuter le processus par une externalisation sélective, via un pilote, pour juger de la pertinence de la stratégie et de la qualité de réponse du prestataire sollicité. Surtout, il ne faut pas vouloir externaliser pour se «débarrasser» de problèmes inhérents à sa propre organisation. « Une entreprise qui enregistre une baisse de productivité peut vouloir allouer à sa logistique manuelle un système d'information, pensant ainsi la booster. C'est une bonne raison d'externaliser, mais elle n'est pas suffisante si la société n'a pas pris le temps d'identifier les causes réelles de cette soudaine baisse de productivité, prévient Pierre Freydier. Elle peut, en effet, être liée à la composition même de l'équipe en place, à des résistances au changement... Il ne faut pas surestimer les capacités du prestataire logistique. Si l'entreprise ne résout pas en amont les problèmes qu'elle rencontre au quotidien, les résultats réels de l'externalisation risquent d'être inférieurs à ceux qui étaient escomptés au départ. »

PIERRE FREYDIER, DIRECTEUR DE PROJET AU SEIN DU GROUPE GCL EUROPE

« On peut espérer une baisse des coûts de 10 à 15 % sous 18 mois, mais ce n'est pas systématique.»

A NOTER

Lorsqu'une externalisation s'impose...
Dans certains secteurs, l'externalisation est une nécessité. Il en est ainsi en cas de:
- Activité saisonnière: être soumis à de fortes variations d'activité, c'est devoir adapter en conséquence ses moyens humains et techniques. Ce que permet la souplesse du mode externalisation.
- Activité à fort développement: enregistrer un fort taux de croissance nécessite un remodelage de la chaîne logistique, ce qui est très contraignant en interne.
- Recherche de compétences techniques particulières: l'utilisation de technologies, liées aux systèmes d'information par exemple, requiert d'y allouer des moyens financiers et un investissement humain.
- Nouveau centre d'approvisionnement:
décider d'acheter des matières premières ou des produits finis au-delà des frontières implique de repenser leur mode d'acheminement. Il est nécessaire d'identifier des capacités et des compétences sur place pour assurer l'approvisionnement depuis les usines en limitant les investissements en temps et en ressources, en contournant les barrières linguistiques et en surmontant les difficultés liées à la maîtrise des administrations et des réglementations.


Par Pierre Freydier, directeur de projet au sein du groupe GCL Europe

DEFINIR LE PERIMETRE A EXTERNALISER

Avant de vous atteler à la définition du cahier des charges, établissez un bilan opérationnel approfondi de manière à identifier les coûts alloués à la logistique et analyser le retour sur investissement de votre projet. « Tout au long de sa rédaction, essayez de vous projeter à moyen terme. Exprimez avec le maximum de précision les objectifs et résultats attendus», conseille Richard Noël (Norbert Dentressangle). Outre la formulation de vos attentes, il s'agit de définir le périmètre à externaliser, les fonctions et les moyens, les flux physiques et d'informations. «Ne retenez que les prestataires qui, par leurs propositions, vous rassurent sur leur capacité à mettre en place le réseau dont vous avez besoin aujourd'hui, mais aussi celui qui se justifiera demain. Il faut miser sur ceux qui s'inscrivent dans une démarche d'amélioration continue des opérations», préconise Richard Noël. Soyez attentif à leur solidité financière, à leurs méthodes et à leur savoir-faire. Après avoir établi une short-list de deux ou trois prestataires, n'hésitez pas à leur rendre visite pour mieux comprendre leur mode opératoire. C'est aussi à ce stade que le mode de facturation doit être envisagé. Pour payer le juste prix, il peut être judicieux d'opter pour un forfait fixe mensuel, représentatif des charges de l'entreprise, auquel s'ajoute une partie variable généralement tarifée à l'unité d'oeuvre. On peut aussi choisir de tout variabiliser en privilégiant un prestataire qui mutualise ses moyens. C'est ce que les professionnels appellent «travailler à livre ouvert». Ce mode de fonctionnement vous garantit une parfaite transparence. En revanche, le prestataire n'est pas toujours motivé pour obtenir de meilleurs tarifs, dans la mesure où il les refacture aux utilisateurs. A contrario, on peut davantage espérer tirer sur les prix en choisissant de «travailler à livre fermé» (voir le lexique ci-dessus). Dans ce cas de figure, le client n'a pas de retour sur le mode opératoire du prestataire. A terme, ce manque de visibilité peut avoir des répercussions négatives sur la qualité des services rendus. Et il peut être plus délicat d'ajuster les tarifs, fixés dans le contrat, si les besoins venaient à évoluer. Ouvrir le livre la première année pour apprendre à travailler avec son prestataire pour ensuite le refermer est peut-être la formule la plus appropriée. Au besoin, cette phase de mise en oeuvre doit être accompagnée d'une communication interne visant à faire adhérer l'ensemble du personnel, notamment les collaborateurs concernés par ce changement, et d'une communication externe menée auprès des clients et partenaires pour préserver votre image de marque.

UN ECHANGE GAGNANT-GAGNANT SUR LE LONG TERME

La phase de démarrage nécessite tout autant de rigueur. Mettre en place une instance (qui associe le prestataire) en charge du suivi du déploiement quotidien des opérations est fondamental, notamment pour résoudre les difficultés éventuelles. Il s'agit déjà de planifier des réunions régulières de contrôle et de mesure des performances à l'aide d'une liste d'indicateurs déterminés en amont. Au-delà, c'est poser les jalons d'une relation pérenne qui doit s'inscrire dans une démarche d'amélioration continue. «Si vous souhaitez qu'un prestataire investisse pour renforcer les performances de votre organisation, vous devez lui témoigner votre engagement sur le long terme, conclut Didier Lesueur (DHL Supply Chain). Plus qu'une relation client-fournisseur, c'est un partenariat gagnant-gagnant. »

DIDIER LESUEUR, DIRECTEUR MARKETING ET COMMUNICATION AU SEIN DE DHL SUPPLY CHAIN

« L'externalisation doit davantage être considérée comme un levier de qualité de service. »

PETIT LEXIQUE

- Travailler à livre ouvert: mode de facturation supposant que «le prestataire va décrire son process et afficher les moyens mis en oeuvre ainsi que ses coûts en prix de revient, sur lesquels il appliquera un taux de marge défini en commun accord avec son client. Il s'agit donc de travailler en partenariat avec le prestataire, dans la transparence et la visibilité des process et de coûts.Source: Glossaire Supply Chain de l'Aslog (Association française pour la logistique).
- Travailler à livre fermé: a contrario, ce système implique que le prestataire s'engage auprès de son client sur un prix pour réaliser la prestation demandée, sans détailler son mode opératoire.
- Unité d'oeuvre: «sur la base des flux identifiés, le coût unitaire de chaque unité d'oeuvre (UO) entre dans le calcul du prix de revient des activités logistiques comprises dans la prestation; l'UO peut être le nombre d'heures de main-d'oeuvre par type de poste, le nombre d'employés par qualification, les m2 d'entrepôt, le temps d'utilisation des équipements par type. »Source: Glossaire Supply Chain de l'Aslog (Association française pour la logistique).
- Coût fixe ou coût de structure: coût dont le niveau demeure invariable quelle que soit l'activité (loyer, entretien...). »Source: Glossaire Supply Chain de l'Aslog (Association française pour la logistique).
- Coût variable: «coût dont le niveau varie selon des paramètres le plus souvent liés aux volumes ou quantités traités. »Source: Glossaire Supply Chain de l'Aslog (Association française pour la logistique).
Avec la collaboration de Catherine Aubert, formateur FDAL (Formation au diagnostic et à l'audit logistique)

FANNY PERRIN D'ARLOZ

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